Relativement à la constitution du 08 Novembre 2016 instituant la IIIème République, bien des questions majeures se posent. Ces questions se rapportent à la circonstance ayant conduit à la naissance de cette constitution. Elle se rapporte également à la procédure d’établissement de cette constitution au double plan de l’élaboration et de l’adoption de ladite constitution.
I- La conception ou les origines de la constitution du 08 Novembre 2016.
A- Origine de la constitution
La constitution du 08 Novembre 2016 à sa source, son origine dans la volonté du président de la République qui, à plusieurs reprise à faire connaitre sa volonté de voir naitre une nouvelle constitution instituant une IIIème République.
En effet, en Octobre 2015, quelque jours avant la tenue de l’élection présidentielle, le président de la République dans un entretien accordé à des médias français avait déclaré : « nous aurons une nouvelle constitution, je l’espère, dès l’année prochaine. » Ensuite, dès après le scrutin qu’il a remporté, le Président de la République dans une interview reprend et précise son projet en ces termes: « je vais aller au-delà de la nationalité et de l’éligibilité en proposant une autre constitution pour une IIIème République avec une plus grande cohérence, une constitution plus moderne, plus adaptée à notre temps et également au futur. ». Enfin, dans l’allocution d’investiture qu’il a prononcée après sa prestation de serment devant le conseil constitutionnel, le Président de la République souligne la nécessité d’une Côte d’Ivoire nouvelle et d’un ivoirien nouveau. Ce qui implique, relève-t-il, le renforcement du processus de réconciliation nationale et la nécessité de « nous munir d’une nouvelle constitution qui doit garantir l’égalité de tous, la cohésion sociale et la stabilité de nos instituions ».
B- La volonté du Président de la République
Le projet que voilà puissamment appuyé par le conseil constitutionnel à travers son président a été rappelé depuis lors à plusieurs reprises… Une telle volonté ou un tel projet exprimé par le Président de la République ne laissait pas de surprendre et par conséquent de soulever des interrogations : Comment se fait-il que subitement à la veille de l’élection présidentielle et après sa réélection, le président de la République annonce une nouvelle constitution et marquant une IIIème République ? …
C- Les nouvelles institutions et le moment d’établissement de la constitution
*Les nouvelles institutions : Les institutions ou règles nouvelles qui, aux yeux du Président de la République répondent à cette vision sont entre autre un poste de vice-président à la manière du Ghana ou du Nigéria et l’abaissement ou la réduction de l’âge minimum requis pour faire acte de candidature à l’élection présidentielle.
*Le moment d’établissement de la constitution : S’agissant du moment choisi, le Chef de l’Etat le justifie en rappelant que la constitution du 1er Août 2000 établit à la suite d’un coup d’Etat « a été manipulée par un groupe de gens pour faire toutes ces exclusions. Cette constitution est donc intervenue en période de crise. Il fallait laisser la situation s’apaiser ». Ce qui veut dire que d’après le Président de la République cette constitution a été choisie car elle se prête plus que les années antérieures à la réalisation de son projet, la paix ayant été retrouvée.
Les motifs ou les raisons soutenant le projet ayant été rappelé, il reste à examiner successivement deux questions.
L’une ayant trait à la procédure d’élaboration de la nouvelle constitution et l’autre se rapportant à l’adoption du texte appelé à consacrer, à instituer la IIIème République.
II- L’Elaboration de la Nouvelle Constitution
Le chef de l’Etat ayant exprimé son désir de voir établir une IIIème République, la première question qui se posait était de savoir qui allait écrire la nouvelle constitution, ce qui évoque à son tour le contenu de la nouvelle constitution. Ces questions liées à l’élaboration de la nouvelle constitution présentaient des caractères cruciaux dans la mesure où la Côte d’Ivoire se veut République depuis 1958. Si la deuxième question avait reçu quelques éléments de réponse en ce sens que le chef de l’Etat se proposait de faire instituer un vice-président à la manière du Ghana ou du Nigéria et de ramener l’âge requis pour être candidat à l’élection présidentielle de 40 à 35 ans, s’agissant de la première préoccupation, la réponse du chef de l’Etat a tardé à se faire connaitre.
*La mise en place d’un comité d’expert : En effet, c’est seulement à la fin du mois de Mai 2016 que le Président de la République a mis en place un comité dit d’experts chargé d’élaborer ou de rédiger le texte de la constitution de la IIIème République. Ce comité sitôt mis en place a reçu les idées du Président de la République relativement à la nouvelle constitution.
-Du point de vue institutionnel, le poste de vice-président était confirmé. Il s’y ajoutait un poste relatif au parlement, il s’agit d’une deuxième chambre: le Sénat.
-Du point de vue normatif, le chef de l’Etat confirme sa volonté de voir l’âge abaissé pour être candidat à l’élection présidentielle.
*L’intervention du corps sociopolitique : Peu après la mise en place du comité d’experts, le chef de l’Etat entreprit de recevoir les responsables de certaines composantes du corps sociopolitique : les partis politiques, les confessions religieuses, les associations… Le chef de l’Etat les informa de son désir de voir la Côte d’Ivoire dotée d’une nouvelle constitution, de l’initiative qu’il a prise en ce sens, de la nomination d’un comité d’experts et il les invita à transmettre au comité d’expert leurs propositions.
*La rédaction du contenu de la constitution : L’organe chargé d’écrire la nouvelle constitution étant connu, le problème majeur restait celui de la méthode à suivre et par conséquent celui du contenu même de la nouvelle constitution. À cet égard, le comité d’expert selon les termes propres de son président a agi en étant à titre principale la plume du Président de la République. Cela donne de voir que le comité d’experts a entendu donner forme aux idées du Président de la République. Il a en outre recueilli des propositions spontanément présentées ou suscitées par lui en ayant fait le tour des présidents des institutions de la République.
La question qui se pose ici est celle du sort réservé aux propositions soumises au comité d’experts en cas de contrariétés entre ces propositions et les idées du Président de la République. Que retenir en cas de conflit entre les propositions émanant des différentes instances qui assurent l’arbitrage ? Qui tranche ? Et sur quelle base ? Au nom de quoi le comité d’experts dépourvu de toute légitimité peut-il accepter certaines propositions et en rejeter d’autres ? Ce sont là autant de questions qui n’ont pas reçu de réponse.
Un autre élément signalé par le comité d’experts lui-même mérite d’être mentionné en ce qui concerne le contenu même de la nouvelle constitution. Par-delà les idées du chef de l’Etat, par-delà les propositions acceptées par le comité d’experts et approuvées par le Président de la République, le texte de la nouvelle constitution a pu recevoir de nombreux éléments tirés de plusieurs constitutions étrangères, aux dires du Président du comité d’experts. L’on peut à ce niveau se demander comment se fait-il que le comité d’experts ce soit tourné vers l’extérieur pour lui emprunter des éléments alors même qu’il eut été nécessaire d’interroger les ivoiriens pour savoir ce qu’ils voulaient car, ce qui est pris à l’extérieur peut ne pas répondre aux besoins des ivoiriens.
*La soumission du texte au Conseil des Ministres et à l’Assemblée Nationale : Le texte ainsi concocté, fut transmis au Président de la République puis soumis au conseil des Ministres qui l’adopta dans la précipitation et transmit en tant que projet de loi constitutionnelle à l’Assemblée Nationale qui l’adopta également dans la précipitation sans avoir pu jouir du pouvoir d’amender le texte. On peut ainsi se poser la question de savoir en quoi l’Assemblée Nationale pouvait intervenir dans cette procédure. Il ne s’agissait pas en effet de réviser la constitution existante mais plutôt de doter l’Etat d’une nouvelle constitution. Or, les pouvoirs de l’Assemblée Nationale consistent dans l’adoption de la loi et dans la révision de la constitution d’une certaine manière c’est-à-dire que l’Assemblée Nationale n’avait pas à intervenir dans la procédure d’élaboration de la nouvelle constitution contrairement à ce qui s’est passé et qui avait été présenté comme la condition à satisfaire avant d’adoption du texte a proprement parlé.
III- L’adoption du texte de la constitution
*Soumission au peuple du texte constitutionnel : Le chef de l’Etat avait reconnu relativement à l’établissement de la nouvelle constitution la souveraineté du peuple. On comprend dès lors qu’il est conçu de soumettre le texte à l’adoption du texte par la voie du référendum constituant. À cet effet, il fut adopté et promulgué à la date du 26 Juillet 2016 une loi organique portant organisation du référendum pour l’adoption de la constitution. Ainsi fut organisé un référendum constituant dans la précipitation à la fin du mois d’Octobre 2016.
*Le taux de participation au référendum constituant : Le taux de participation officielle était de 42,42% (ceux qui étaient sur le terrain on dit que le taux de participation était d’environ 10%) et le texte fut présenté comme adopté par une majorité écrasante devenant ainsi la constitution de la IIIème République.
· Critique de la procédure suivie :
On ne peut manquer de s’interroger sur la procédure ainsi suivie. Une telle procédure peut-elle être regardée comme démocratique ?
Pour l’essentiel, la procédure suivie ne semble pas répondre aux exigences démocratiques, même si au bout, le peuple a été appelé à se prononcer par la voie du référendum constituant.
*Au niveau de la conception : La Côte d’Ivoire étant première République, il eut fallu, l’idée d’une nouvelle constitution conçu, ou bien s’adresser au peuple afin qu’il élise une assemblée chargée d’élaborer une nouvelle constitution devant être adoptée par référendum ou bien à défaut d’une telle procédure, il eut fallu associer comme en 2000 toutes les composantes du corps social à travers leur représentants au seins d’une commission ou d’un comité constitutionnel chargé de discuter, de retenir les grands principes devant informer la nouvelle constitution, rédiger le nouveau texte par consensus ; après quoi, le peuple aurait dû être consulté pour l’adoption de la nouvelle constitution par la voie référendaire. C’est dire que le procédé suivit par cela seul qu’il procédait d’une volonté unique, celle du Président de la République, se détache de la démocratie.
L’on peut au total, s’interroger sur la légitimité d’une telle constitution et même sur les chances de survie d’une telle constitution à son auteur d’autant que la société civile et la plupart des partis politiques ont exprimé leur désaccord avec la procédure suivit. On peut dès lors douter que la nouvelle constitution puisse régir la Côte d’Ivoire pendant un siècle comme le proclame le Président de la République.
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