Il est souvent mis en avant le caractère pragmatique du droit commercial, qui découle de la réalité économique des principes juridiques. L'arrêt du 17 juillet 2001 en est un exemple significatif. Il rappelle que la qualité de commerçant ne se décrète pas, mais se gagne par la pratique régulière d'actes de commerce, indépendamment du statut juridique de l'individu.
Les faits sont les suivants : en 1989, les consorts Chevalon remboursent par anticipation un prêt contracté auprès de la Caisse régionale du crédit agricole mutuel (CRCAM) le 19 octobre 1978. Selon les termes du contrat, ils doivent payer une indemnité de résiliation, mais contestent ensuite la validité de cette clause et demandent un remboursement. Pour s'opposer à cette demande, la CRCAM invoque la prescription abrégée applicable entre commerçants et non commerçants. Cependant, la Cour d'appel rejette cette exception et accepte la demande des époux Chevalon, estimant que ni les plaignants ni la CRCAM n'ont la qualité de commerçant. Cette question est portée en pourvoi, et il n'est pas surprenant que la Cour de cassation annule la décision des juges du fond. La qualité de commerçant s'acquiert par la pratique habituelle d'actes de commerce, quel que soit le statut juridique de la personne concernée. Pour s'en convaincre, il suffit de rappeler les critères de la commercialité (1) avant d'approuver la décision de la Cour de cassation, malgré les critiques économiques que cette solution juridique peut susciter (2).
I. Rappel des critères de la commercialité
Cet arrêt oppose deux conceptions de la commercialité : une conception formelle, qui se base sur le statut de l'agent, et une conception matérielle, qui repose sur les actes réalisés par l'agent.
A. La conception formelle de la commercialité
En refusant la qualité de commerçant à la CRCAM, la Cour d'appel semble tirer les conséquences du statut particulier des mutuelles. Contrairement aux sociétés commerciales, les mutuelles n'ont pas pour objectif de réaliser des profits. Elles poursuivent un but non lucratif et reposent sur la solidarité de leurs membres.
Il est important de rappeler que les commerçants doivent s'inscrire au registre du commerce. Cela a des implications significatives en matière de prescription : 10 ans (5 ans selon l'AUDCG) pour les relations entre commerçants, contre 30 ans entre non commerçants. En réalité, cette décision repose davantage sur l'équité que sur le droit, en refusant à la CRCAM de bénéficier des avantages des commerçants sans en assumer les obligations.
B. La conception matérielle de la légalité
La Cour de cassation répond à la Cour d'appel en deux temps : d'abord en rappelant le critère de la commercialité, puis en écartant l'argument lié au statut spécifique des mutuelles. Elle rappelle que les actes de commerce incluent les opérations bancaires (art 3 Acte Uniforme relatif au droit commercial général). Or, la CRCAM réalisait effectivement des opérations bancaires de manière habituelle, ce qui lui conférait la qualité de commerçant.
La question du statut des mutuelles et de leur absence de recherche de profit est également abordée. La Cour de cassation distingue entre les activités commerciales et civiles des mutuelles, une approche logique qui s'aligne avec la jurisprudence antérieure.
II. Confirmation d'une jurisprudence constante
A. Une solution conforme à la loi et à la jurisprudence antérieure
Il est essentiel de rappeler les fondements du droit commercial : il s'agit d'un droit destiné aux commerçants, visant à faciliter le commerce tout en protégeant les intérêts des tiers. La prescription plus courte par rapport au droit commun est une contrepartie à l'obligation de conserver les documents comptables pendant 10 ans, ce qui lui confère sa légitimité et équilibre les droits et obligations des commerçants.
Les opérations bancaires sont considérées comme des actes de commerce par nature, qu'elles soient effectuées par des établissements de crédit ou d'autres personnes. À l'exception de la réception de fonds publics, ces opérations peuvent être réalisées occasionnellement par des non-établissements de crédit. La Cour de cassation a déjà reconnu le caractère commercial des mutuelles, à l'exception du Trésor et du réseau bancaire des postes, une situation en pleine évolution.
B. L'assimilation progressive des mutuelles aux établissements de crédit non mutualistes
Il est important de présenter l'évolution juridique et économique des mutuelles. Celles-ci agissent de plus en plus comme des établissements de crédit classiques, rendant leur spécificité moins visible. Cet arrêt reflète cette mutation, ce qui pourrait poser un risque pour les mutuelles, qui pourraient avoir du mal à justifier leur mission spécifique.
Par COULIBALY Elichama : Juriste privatiste
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