LES CONDITIONS D’EXERCICE DE L’ACTION EN JUSTICE
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LES CONDITIONS D’EXERCICE DE L’ACTION EN JUSTICE



L’article 1er du code de procédure civile prévoit que : « Toute personne, physique ou morale, peut agir devant les juridictions de la République de Côte d’Ivoire en vue d’obtenir la reconnaissance, la protection ou la sanction de son droit.

Toute personne physique ou morale peut dans tous les cas, être appelée devant ces juridictions à l’effet de défendre à une action dirigée contre elle ».


A la conception du code de procédure civile, l’action n’avait aucune autonomie automatique, elle n’est que l’autre face du droit subjectif.


Dans une formule célèbre, un auteur du nom de Jean-Charles Florent Demolombe a dit que : « l’action était le droit à l’état de guerre ». Ce qui permet de dire qu’on ne peut mener une action en justice que si l’on dispose d’un droit subjectif perturbé.

On note toutefois que cette conception n’est pas convaincante à certains points de vue. L’on pourrait par exemple se demander sur quel droit subjectif repose l’action du Ministère Public.

Sur le plan pratique, une bonne définition de l’action permet de savoir que la capacité à ester en justice n’est pas véritablement une condition de l’action, au contraire de la prescription, de l’autorité de la chose jugée ou autres conditions similaires cités par le code de procédure civile comme conditions de celle-ci.



I- LES CONDITIONS SUBJECTIVES DE L’ACTION EN JUSTICE


Pour pouvoir exercer une action, il faut d’abord être une personne, ensuite être capable.


A- Seules les personnes sont titulaires du droit d’agir

1- Les actions des personnes physiques


Ici et de façon concrète, la personnalité se confond avec les individus sans distinction, à condition d’être né, vivant et viable. Il faut y adjoindre la règle jurisprudentielle de l’infans conceptus qui permet de faire rétroagir la personnalité au bénéfice des enfants simplement conçus à condition qu’ils naissent par la suite vivant et viable chaque fois que leur intérêt l’exige.


Il faut aussi prendre le cas des personnes décédées. En effet, lorsque le décès se produit en cours d’instance, il constitue une cause d’interruption de l’instance par application des articles 107 et 108 du code de procédure civile.


Ainsi, l’article 107, précise :

« L’instance est interrompue et le dossier est provisoirement classé au greffe à la suite du décès de l’une des parties ou la perte de sa capacité d’ester en justice, du décès du représentant légal ou de la perte par celui-ci de cette qualité, à moins que l’affaire ne soit déjà en état, auquel cas le Tribunal peut statuer ».


Quant à l’article 108, il dispose que :

« Lorsqu’il a connaissance du décès ou du changement d’état d’une partie, le juge de la mise en état doit inviter à reprendre l’instance ceux qui auraient qualité pour le faire ».


Dans cette hypothèse, l’action n’est pas éteinte et peut être poursuivie par les ayants droits du défunt. Mais cette dernière possibilité n’est ouverte que pour les actions transmissibles, c'est-à-dire, non exclusivement attachées à la personne du défunt.


2- L’action des groupements de personnes


On distingue à ce niveau, les groupements privés et les groupements publics. Ils ont en commun de revêtir certaines spécificités au niveau procédural. Si les personnes qui forment les groupements de droit public ne posent pas véritablement de problème, notamment en ce qui concerne la possession de la personnalité juridique, la situation est différente pour les groupements privés.


a- Les groupements privés


Pour pouvoir agir en justice tout groupement doit avoir la personnalité juridique. La forme du groupement détermine en quelque sorte, le champ de l’action.

Il s’agit notamment des syndicats, des associations, des sociétés de commerce, etc.


Les groupements dépourvus de cette personnalité juridique et qui posent cependant des actes juridiques au nom du groupement peuvent-ils agir activement comme demandeur ou passivement comme défendeur en justice ?


Si l’on s’en tient à l’article 1er du code de procédure civile, on devrait répondre par la négative pour ce type de groupement. Et dans ce sens, il a été jugé que le village ivoirien ne constitue pas une personne morale (C.Cass, arrêt n°20 du 27 mars 1980 ; Cour d’Appel d’Abidjan, arrêt n°202 du 14 mars 1980).


Il a été également jugé que lorsqu’un groupement est régulièrement constitué, les individus qui le composent ne peuvent faire l’objet d’une condamnation personnelle. C’est le groupement entant que personne, qui agit par l’intermédiaire de ses représentants légaux ou statutaires.


Notons que malgré les termes de l’article 1er du code de procédure civile, le problème se pose pour les groupements de fait. Ceux-ci, peuvent-ils se prévaloir de leur absence de forme officielle pour se soustraire à leurs responsabilités, ayant négligés de revêtir la forme légale appropriée à leur existence ?


Doivent-ils se cacher derrière la règle de : « nul ne plaide par procureur » qui implique que l’on doit faire autant d’actes que de personnes concernées par le groupement en cause ?


Contrairement à ce que disent la Cour Suprême et la Cour d’Appel d’Abidjan, la personnalité n’est pas une création, ni un monopole de la loi. On ne peut donc affirmer, sans risque d’erreur, qu’aucun texte n’érige le village en une entité autonome jouissant de la personnalité morale.


La jurisprudence s’accorde sur la possibilité de reconnaître la personnalité à un groupement de fait, à condition qu’il réunisse un minimum de cohérence et d’organisation.


La jurisprudence française avait par le passé, permis à ces groupements de figurer au procès, surtout entant que défendeur. C’est la notion de personnalité passive ou de capacité passive et malgré une formule de l’action similaire à celle de l’article 1er du code de procédure civile ivoirien, le professeur Jean Vincent, pense que cette jurisprudence doit être maintenue, et la jurisprudence ivoirienne pourrait s’en inspirer.


b- Les groupements publics


Les personnes morales de droit public, sont présentes dans le milieu judiciaire à cause du contentieux de pleine juridiction. Ainsi, l’Etat, les collectivités publiques, les établissements publics, les sociétés en régie, ont la personnalité juridique.


B- Avoir la capacité à agir


La capacité apparaît au sens de l’article 3 du code de procédure civile, comme une condition de l’action. En droit français, on considère que la capacité est plus une condition de régularité de l’instance qu’une condition pour agir. Il s’ensuit que comme condition de l’action, l’absence de capacité est sanctionnée au moyen d’une fin de non recevoir (fnr) et non une exception.

Mais si on la considère comme une condition de régularité de l’instance, c’est par exception de nullité que l’incapacité peut être soulevée et la sanction est la nullité et non l’irrecevabilité.

L’ordre dans lequel on soulève les moyens de défense est : les exceptions, les fins de non recevoir et les défenses au fond. Cet ordre est important et l’ordre des sanctions n’est pas le même.

L’exception quand elle aboutit, ne met qu’un obstacle temporaire à l’action qui peut reprendre si l’irrégularité venait à être réparée. En revanche, la fin de non recevoir (fnr), lorsqu’elle aboutit met fin à l’action. La position traditionnelle se justifie par le fait que l’exercice de l’action en justice était considéré comme un acte de disposition.


Un procès mal engagé, peut entrainer la perte d’un droit substantiel. De même, la capacité de jouissance se confond pour les personnes physiques avec leur existence comme personne. La capacité étant la règle, elle existe par principe.

Dans l’hypothèse d’une incapacité d’exercice, on peut recourir à la représentation pour exercer l’action. On peut donc dire que le problème n’est pas pertinent de faire de la capacité, entendue comme le droit de saisir un juge pour faire dire le droit, une condition de l’action. Ainsi, l’article 107 qui classe la perte de la capacité d’ester en justice parmi les causes d’interruption de l’instance, contredit la conception qui fait de la capacité une condition de l’action.

Si la capacité était véritablement une condition d’exercice de l’action, sa disparition en cours d’instance ne ferait pas simplement qu’interrompre celle-ci, c’est l’action elle-même et donc le procès qui serait interrompue.

L’effet principal des conditions de l’action est d’arrêter totalement, lorsqu’elles ne sont pas remplies, tout examen du litige. Les conditions de l’action ne se contentent pas d’exister au départ du procès, mais doivent être maintenues tout au long de celui-ci.


II- LES CONDITIONS OBJETIVES DE L’ACTION EN JUSTICE


Contrairement aux conditions subjectives, elles existent en dehors des parties. On distingue des conditions citées par le code de procédure civile, à savoir l’intérêt et la qualité à agir et d’autres conditions considérées comme tel en raison de l’effet qu’elles produisent dans la procédure.


A- L’intérêt et la qualité à agir

1- L’intérêt à agir en justice


L’on a coutume de dire : « Pas d’intérêt, pas d’action »

L’article 3 du code de procédure civile, fait de l’intérêt la condition première de toute action. Cette condition permet de refouler toutes les velléités de contestation théorique et académique.


a- La notion d’intérêt


Le principe de la nécessité d’un intérêt étant admis, il n’est pas toujours facile de dire s’il est suffisant pour fonder une action.

Quand l’intérêt a un caractère patrimonial, il est plus facilement admis que quand il revêt un caractère simplement et purement moral. L’intérêt est l’utilité finale qui nécessite l’action.


b- Les caractères de l’intérêt

L’article 3.1° du code de procédure civile, parle de l’intérêt légitime, direct et personnel. Mais cet intérêt doit être aussi né et actuel.


- Le caractère légitime juridiquement protégé


C’est au regard de ce caractère que par le passé, l’action de la concubine était rejetée. Il implique que l’intérêt n’est pas fortuit et est fondé en droit sur un droit subjectif, de sorte que le concubinage ne résultant pas d’une situation juridique réglementée, ne peut conférer de droit.


La notion d’intérêt a évolué en droit ivoirien. Les juridictions du fond ont finalement admis l’action des concubins en les qualifiant d’épouses coutumières (RID, 77 n° 3 & 4 page 123). Il y a eu là un revirement jurisprudentiel.

En matière d’accident de la circulation automobile, une loi de 1984 relative à l’indemnisation des victimes d’accident a confirmé la situation des concubines, en matière d’assurance, en les admettant au rang des personnes indemnisables.

Il ne faut non seulement pas perdre de vue que la jurisprudence est créatrice de droit et a un rôle indirect de co-législateur dans le cadre de l’article 4 du code civil, lequel prévoit que : « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice ».


En outre, tout ce qui est juridique comme le dit, le doyen JEAN VINCENT n’est point enchâssé dans le droit subjectif. La répétition de certains faits permet toujours à l’interprète de décider qu’il est né une prérogative précise.


- L’intérêt doit être direct et personnel


L’action ne peut être exercée que par le titulaire du droit allégué. Une personne ne peut prendre l’initiative d’exercer une action en justice en vue de sauvegarder les intérêts d’autrui ou d’assurer le respect du droit. Ce qu’il ne faut pas confondre avec l’hypothèse de la représentation dans laquelle le représentant n’agit pas pour lui-même.


Peut-on envisager la cession d’une action dans le cadre de la cession de droit litigieux ?


En ce qui concerne l’action des groupements, il y a assurément intérêt direct et personnel, quand il y a en jeu l’intérêt personnel de ceux-ci entant que personnes morales.

Le problème se pose le plus souvent pour l’intérêt, dit indirect du groupement. Le groupement pourra-t-il agir en justice pour l’intérêt moral du groupement qu’il défend ?


La jurisprudence française répond à cette question en fonction de la nature du groupement en cause. Ainsi, il a été jugé que les syndicats professionnels reconnus par une loi de 1884, ne pouvaient pas exercer une action en justice pour des intérêts collectifs. Mais, la jurisprudence a ensuite varié lorsqu’un arrêt des chambres réunies, du 5 avril 1913, a mis un terme à la controverse en reconnaissant aux syndicats professionnels le droit de défendre en justice, les intérêts collectifs. C’est ainsi, qu’une loi de 1920 a confirmé cette position jurisprudentielle.

Il faut cependant que l’intérêt allégué ait un caractère professionnel et soit en rapport avec les objectifs poursuivis par le syndicat.


Les associations, à la différence des syndicats et sauf autorisation légale ne peuvent agir dans la cadre des intérêts collectifs. Même le caractère d’utilité reconnu à certaines d’entre elles ne leur confère pas automatiquement le droit d’agir en justice pour la protection des intérêts collectifs et indirects.

Toutefois, la jurisprudence apporte une atténuation à ce principe en admettant que les associations dites de défense, c'est-à-dire des associations créées spécialement pour exercer sur une forme collective les actions qui appartiennent individuellement à chaque membre de l’association, peuvent agir en justice.


- L’intérêt doit être né et actuel


Le rôle du juge consiste à trancher des litiges déjà nés, un intérêt futur ou éventuel ne peut pas en principe justifier une action en justice. Mais ce caractère de l’intérêt, s’il permet d’interdire les actions provocatoires ou jactantes ou interrogatoires, n’empêche pas la jurisprudence d’admette quelques fois à côté de la loi ces actions de type préventif. C’est le cas lorsque l’on admet en référé qu’un plaideur puisse demander la prise de mesures conservatoires ou d’instruction en vue de faire établir par voie judiciaire les preuves d’un litige non encore né.

Les exceptions légales à ce caractère né et actuel, tiennent essentiellement à l’action en vérification d’écriture ou l’action en dénonciation de nouvelle œuvre.


2- La qualité pour agir


La qualité qu’exige l’article 3.2° du code de procédure civile, est de manière générale considérée comme le titre qui donne le pouvoir d’exercer en justice, le droit dont la sanction est demandée.

La qualité, dans la majorité des cas, n’est pas considérée comme une condition autonome de l’action dans la mesure où elle se confond avec le caractère personnel et direct de l’intérêt.

La distinction entre la qualité et l’intérêt est parfois difficile à faire, et en générale, quand on a la qualité, on a l’intérêt. Ce n’est que dans le cas des actions dites attitrées que l’on distingue la qualité de l’intérêt.

Dans les actions attitrées, on distingue parmi les personnes intéressées, celles qui peuvent agir. Dans les cas de représentation, la qualité tend à se confondre avec le pouvoir de représentation.

L’intérêt s’apprécie alors en la personne du représenté, tandis que la qualité, est le titre qui octroi le pouvoir d’agir qui s’apprécie en la personne du représentant.

En réalité, il y a deux notions qui se superposent, la qualité pour agir et la qualité de représentation.



Tiré de la note de cours de Maitre AMARI


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