Dans un contexte économique marqué par des défis financiers croissants, les entreprises peuvent se retrouver confrontées à des difficultés qui menacent leur pérennité. Pour répondre à ces situations, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) a institué une procédure de conciliation préventive dans son Acte Uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif. Cette procédure, encadrée par les articles 5-1 à 5-14, vise à aider les entreprises en difficulté à trouver des solutions amiables avec leurs créanciers, tout en préservant leurs activités et en protégeant les intérêts des parties prenantes. Voici une analyse détaillée des points clés de cette procédure.
1. La conciliation : une procédure préventive et confidentielle
Objectifs de la conciliation
La conciliation est une procédure préventive destinée aux entreprises qui rencontrent des difficultés avérées ou prévisibles, mais qui ne sont pas encore en cessation des paiements (article 5-1). Elle a pour but de favoriser un accord amiable entre le débiteur et ses créanciers, afin de surmonter les difficultés financières sans recourir à des procédures judiciaires plus lourdes.
Confidentialité
La confidentialité est un pilier essentiel de la conciliation. Toute personne ayant connaissance de la procédure est tenue au secret (article 5-1). Cette confidentialité permet de :
Protéger la réputation de l’entreprise,
Encourager les créanciers à participer activement aux négociations,
Éviter les réactions négatives du marché ou des partenaires commerciaux.
2. Les acteurs de la conciliation
Le président de la juridiction compétente
Le président de la juridiction compétente joue un rôle central dans la procédure. Il est saisi par une requête du débiteur et a pour mission de :
Désigner un conciliateur indépendant et compétent (articles 5-2, 5-3, 5-4),
Superviser le déroulement de la procédure,
Homologuer l’accord amiable en cas de succès (article 5-10).
Le conciliateur
Le conciliateur est un acteur clé de la procédure. Ses missions incluent :
Faciliter les négociations entre le débiteur et ses créanciers (article 5-5),
Proposer des solutions pour surmonter les difficultés financières,
Rendre compte régulièrement de l’avancement de sa mission au président de la juridiction (article 5-6).
3. Le déroulement de la conciliation
Ouverture de la procédure
La procédure de conciliation est ouverte pour une durée maximale de trois mois, renouvelable une fois (article 5-3). Cette durée permet au conciliateur de mener à bien sa mission tout en garantissant une résolution rapide des difficultés.
Rôle du conciliateur
Pendant la procédure, le conciliateur :
Recueille toutes les informations nécessaires auprès du débiteur,
Élabore des propositions pour résoudre les difficultés financières,
Facilite la conclusion d’un accord amiable entre les parties.
Issue de la conciliation
En cas d’accord :
L’accord est soumis à l’homologation du président de la juridiction, ce qui lui confère une force exécutoire (article 5-10). Cet accord peut inclure des mesures telles que des délais de paiement, des remises de dettes ou des restructurations financières.
En cas d’échec :
Le conciliateur remet un rapport au président de la juridiction, qui met fin à la procédure (article 5-8). Le débiteur peut alors être orienté vers une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation.
4. Les effets de la conciliation
Suspension des poursuites
L’accord issu de la conciliation a pour effet d’interrompre ou d’interdire toute action en justice et toute poursuite individuelle contre le débiteur (article 5-12). Cela permet à l’entreprise de se concentrer sur la mise en œuvre des solutions convenues sans être perturbée par des procédures judiciaires.
Privilège pour les nouveaux apports de trésorerie
En cas de liquidation ultérieure du débiteur, l’accord peut prévoir un privilège pour les nouveaux apports de trésorerie effectués pendant la conciliation (article 5-11). Cela encourage les créanciers à soutenir financièrement l’entreprise pendant la procédure.
Résolution de l’accord
En cas d’inexécution de l’accord, la juridiction compétente peut prononcer sa résolution (article 5-13). De même, l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation met fin de plein droit à la conciliation et à l’accord (article 5-14).
5. Avantages et limites de la conciliation
Avantages
Prévention de la cessation des paiements : La conciliation permet de résoudre les difficultés financières avant qu’elles ne deviennent insurmontables.
Sauvegarde des entreprises viables : Elle offre une chance aux entreprises de surmonter leurs difficultés tout en maintenant leurs activités.
Protection des créanciers : Les créanciers sont associés à la recherche de solutions, ce qui maximise leurs chances de recouvrement.
Rapidité et flexibilité : La procédure est plus rapide et moins formaliste que les procédures judiciaires classiques.
Limites
Dépendance à la volonté des parties : Le succès de la conciliation dépend de la coopération du débiteur et des créanciers.
Compétence du conciliateur : La qualité de la procédure repose en grande partie sur l’expertise et l’impartialité du conciliateur.
Durée limitée : La durée maximale de six mois (renouvellement inclus) peut être insuffisante pour résoudre des difficultés complexes.
Tableau récapitulatif des points clés
Aspect | Détails |
Nature | Procédure préventive et confidentielle (article 5-1) |
Acteurs | - Président de la juridiction compétente (articles 5-2, 5-3, 5-4) - Conciliateur indépendant (articles 5-5, 5-6) |
Durée | 3 mois, renouvelable une fois (article 5-3) |
Confidentialité | Obligation de secret pour tous les participants (article 5-1) |
Effets de l’accord | - Suspension des poursuites (article 5-12) - Privilège pour les nouveaux apports de trésorerie (article 5-11) |
Issue en cas d’échec | Rapport du conciliateur et fin de la procédure (article 5-8) |
Résolution de l’accord | En cas d’inexécution ou d’ouverture d’une autre procédure (articles 5-13, 5-14) |
Conclusion
La procédure de conciliation OHADA est un outil essentiel pour les entreprises en difficulté, leur permettant de trouver des solutions amiables avec leurs créanciers tout en évitant des procédures judiciaires coûteuses et complexes. Grâce à son caractère préventif, confidentiel et flexible, elle contribue à la sauvegarde des entreprises viables et à la protection des intérêts des créanciers. Cependant, son succès dépend de la volonté des parties et de la compétence du conciliateur. En somme, cette procédure incarne l’équilibre entre la préservation des entreprises et la sécurisation des créances, tout en renforçant la confiance dans le système juridique OHADA.
Par COULIBALY Elichama
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