LES NOUVEAUTÉS INTRODUITES DANS LE RÈGLEMENT DE PROCÉDURE DE LA CCJA
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LES NOUVEAUTÉS INTRODUITES DANS LE RÈGLEMENT DE PROCÉDURE DE LA CCJA

Droit vivant et en constante évolution, le droit OHADA[1] va connaitre pour répondre aux nécessités d’adaptation au monde hyper dynamique des affaires ainsi qu’à ses objectifs propres d’harmonisation une révision en sa source primaire : le traité OHADA du 17 octobre 2008 à Québec. Cette révision va entraîner systématiquement une nécessité de révision des normes dérivées pour leur conformité au traité.

Partant de ce fait, mais aussi des récriminations élevées contre la cour communautaire en raison de ses faiblesses, le Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) adopté le 18 avril 1996 a subi une réforme entrée en vigueur le 30 janvier 2014. Sur les quatre titres qui composent le Règlement, seuls les deux premiers qui sont aussi denses connaissent des changements dans certaines de leurs dispositions et leur nombre. Ce sont précisément les articles 1er, 2, 3, 6, 10, 12, 21, 22, 23, 24, 26, 27, 28, 32, 40, 42, 44, 51 qui ont été modifiés et complétés ; les articles 23 bis, 27 bis, 27 ter, 27 quater,28 bis, 28 ter, 44 bis, 44 ter, 44 quater, 45 bis, 45 ter ainsi que les chapitres IV bis, VI, VII bis qui se s’y sont ajoutés et l’article 48 du Règlement de procédure de la CCJA qui a été abrogé.

Ces dispositions bien qu’importantes en nombre ne peuvent avoir de mérites qu’en étant des palliatifs aux problèmes les plus urgents rencontrés par la CCJA dont celui des lenteurs dans le règlement des litiges ou encore la constitution d’avocat. C’est une appréciation qualitative qui s’impose. Dès lors, il convient de se poser la question de savoir : quelle est la portée des nouveautés introduites dans le règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage ?

Répondre à cette question reviendra à examiner l’organisation fonctionnelle de la CCJA mais aussi et surtout à évoquer les changements intervenus dans le déroulement de la procédure contentieuse.



I- Nouvelle organisation fonctionnelle de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

Le nouveau Règlement de procédure se borne à changer certaines règles dans le fonctionnement des organes notamment relativement aux membres de la cour et au greffe.


A- Organisation spécifique aux membres de la cour

Les membres de la cour sont essentiellement des juges. Le statut de ces derniers connait à présent une évolution importante.

Dès l’entame, le nouveau Règlement de procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage indique le nombre de juges devant composer la cour.

En effet, l’article 1er nouveau dudit Règlement porte le nombre de sept à neuf juges. Cela pourrait permettre la célérité dans la procédure et même faciliter les délibérations au sein de la cour. Le choix d’un nombre impair peut aussi éviter les difficultés lors des votes au sein de la cour.

Aussi, faut-il ajouter que le nombre indiqué ci-dessus peut subir une augmentation car comme le prévoit l’article 1 alinéa 1, le Conseil des Ministres « peut, sur rapport circonstancié et approfondi du Secrétaire Permanent, saisi à cet effet, soit par le Président de la Cour, soit par un Etat Partie, et compte tenu aussi bien des nécessités de service que des possibilités financières de l’Organisation, fixer un nombre impair de juges supérieur à neuf. »

En vertu de cette disposition, il est permis d’augmenter le nombre de juges composant la cour tout en respectant la procédure instituée à cet effet. Le Président de la Cour ou un Etat Partie peut saisir le Secrétaire Permanent. Ce dernier à son tour rédigera un rapport détaillé tenant compte des nécessités de service et des possibilités financières qu’il remettra au Conseil des Ministres, qui seul peut apporter des modifications au nombre de juges initialement prévu.

Le nouveau Règlement de procédure de la CCJA semble maintenant en conformité avec le Traité de l’OHADA révisé en 2008. L’article 31 de ce Traité prévoit non seulement de façon substantielle que le nombre de juges est fixé à neuf, mais aussi que la durée du mandat des juges est de sept ans non renouvelables. Les articles 1 alinéa 3 nouveau et 6 alinéas 3 nouveau du Règlement ont tenu compte de l’exigence posée à l’article 31. Il s’agit non seulement du mandat du président de la Cour qui est de trois ans et six mois sans que cela ait pour objet d’allonger son mandat de juge au-delà de sept ans mais aussi de celui des juges de la Cour qui est de sept ans non renouvelables.

L’article 1 alinéa 2 ancien du règlement de procédure de la CCJA prévoyait par contre que la durée du mandat des juges était de sept ans renouvelables une fois. Il faut utilement préciser que le mandat de tout membre de la cour demeure jusqu’à la date d’entrée en fonction de son successeur[2]. L’institution de ce nouveau mode dénote de la volonté de permettre une bonne continuité dans le temps de la justice quant au suivi des litiges portés devant la cour.

La possibilité de composer des chambres au sein de la cour existe depuis le règlement de procédure adopté le 18 avril 1996. Toutefois, les membres de la cour, sous l’empire de l’ancien règlement de procédure de la CCJA, procédaient par vote pour la constitution de la cour. Ce mode de constitution a été remplacé. Le nouveau Règlement de procédure de la CCJA, tout en reprenant certaines dispositions de l’ancien règlement, ajoutes-en son article 09-3 nouveau que « les chambres sont constituées par ordonnance du Président de la Cour ». La constitution des chambres est dévolue de façon exclusive au Président de la Cour. Cette disposition vient simplifier le mécanisme de désignation des juges devant composer les chambres. Ainsi, la constitution des chambres devient plus aisée et dénote une fois de plus de la volonté de permettre au justiciable d’obtenir plus rapidement l’examen de sa demande.

Par ailleurs, il faut noter que l’article 9-1 nouveau du Règlement de procédure de la CCJA rappelle que : « la cour siège en formation plénière. Elle peut toutefois constituer des chambres de trois ou cinq juges. » Dans son fonctionnement, ce nombre peut varier. L’article 21 nouveau du Règlement de procédure de la CCJA fixe un quorum. En vertu de cette disposition, une chambre est composée de trois juges. Dans le cas où la cour siège en formation plénière, le nombre de juges est porté à sept.

Enfin, on remarque que le nouveau Règlement de procédure ne fait pas référence non seulement à la désignation des chambres mais aussi sur les attributions de ces chambres. On pourrait suggérer que la formation plénière s’occupe des grandes questions contentieuses et consultatives. On est poussé à penser que le nouveau Règlement comporte des lacunes en cette matière et mériterait que des précisions soient apportées en temps utiles en vue de faciliter la gestion effective des affaires portées devant la cour.

En outre, l’article 22 nouveau prévoit que « seuls les juges prennent part aux délibérations ». L’article 22 ancien prévoyait la possibilité sur autorisation de la Cour d’admettre une « autre personne » à la Cour afin de prendre part aux délibérations. Cette option n’a pas été reconduite par le nouveau Règlement de procédure de la CCJA. On suggère que cette possibilité soit reprise tout en précisant la qualité de « l’autre personne » dont la mission se limite à éclairer les juges sans prendre part au débat dans le souci d’un meilleur rendement de la justice.


B- Organisation du greffe

Selon le dictionnaire le Grand Robert de la langue française[3], le greffe est « le bureau où l’on garde les minutes des actes de procédure et les minutes des décisions judiciaires ». Ce service est important dans l’organisation de toute juridiction et c’est à juste titre que cet organe ait été prévu.

Le Traité OHADA prévoit en son article 39 en effet que : « le Président de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage nomme le Greffier en chef de la Cour après avis de celle-ci, parmi les greffiers en chef ayant exercé leurs fonctions pendant au moins quinze ans et présentés par les Etats Parties »

Cet article trouve sa correspondance dans l’article 10-1 nouveau du Règlement de procédure de la CCJA qui prévoit que « le Président de la cour nomme le greffier en chef de la cour après avis de celle-ci, dans les conditions fixées par le premier alinéa de l’article 39 du Traité. »

Les conditions fixées par l’article 39 précité sont relatives d’une part à l’expérience professionnelle de ce dernier et d’autre part qu’il soit présenté par les Etats Parties.

L’article 10-1 nouveau mentionne la durée du mandat du greffier en chef. Il est maintenant de quatre ans renouvelables une fois contrairement à l’ancien règlement de procédure de la CCJA qui attribuait sept ans de mandat renouvelable une fois.

De même, les obligations du greffier semblent avoir été réduites par le nouveau Règlement de procédure. L’article 12-4 nouveau dispose à cet effet que le greffier a « la garde des sceaux et la responsabilité des archives ». Il s’agit ici d’une attribution classique à la fonction de greffier. Au-delà de cela, précise l’article 12 alinéa 5, « il assure la responsabilité de tous les travaux administratifs et juridictionnels. » ajoute l’article 12-5. Que faut-il comprendre par travaux administratifs ? Travaux juridictionnels ? Aucune indication précise n’est donnée par l’article 12-5 nouveau. On pourrait considérer que les travaux administratifs concernent tout ce qui est relatif à l’administration de la cour. Comme travaux juridictionnels, on pourrait penser aux décisions judiciaires. Désormais la comptabilité et de la gestion financière comme ce fut le cas sous l’empire de l’ancien Règlement de procédure est retirée des attributions du greffier en chef.

Après les nouveaux détails introduits concernant l’organisation fonctionnelle de la cour par le nouveau Règlement de procédure de la CCJA, il faudrait envisager les innovations relatives au déroulement de la procédure contentieuse devant la CCJA.



II- Déroulement de la procédure contentieuse devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

Le déroulement de la procédure contentieuse devant la cour a également subi quelques modifications. Ces modifications tiennent tantôt aux règles encadrant l’instance, tantôt aux règles intéressant le déroulement de l’instance.


A- Modifications sur les règles encadrant l’instance

Avant l’instance, ces modifications sont relatives au statut et au ministère de l’avocat. Elles le sont après en vertu des voies de recours extraordinaires

· Modifications relatives au statut et au ministère de l’avocat

Le principe de la constitution obligatoire du ministère de l’avocat devant la Cour a été reconduit expressément par le nouveau Règlement de procédure de la CCJA en son article 23 nouveau. En vertu de cette disposition, l’avocat doit produire un acte prouvant sa qualité[4], puis présenter un mandat spécial de la partie qu’il représente. L’innovation en la matière, c’est que l’article 23 bis nouveau dispose : « les avocats qui se présentent devant la Cour en vertu du mandat spécial visé ci-dessus, jouissent de l’immunité pour les paroles prononcées et les écrits produits relatifs à la cause des parties ». Cet article traduit l’idée d’indépendance et la liberté des avocats dans l’exercice de leur ministère devant la Cour. Ils ne peuvent être poursuivis pour les écrits rendus ou pour les propos tenus au sein de la salle d’audience. Ils jouissent en quelque sorte d’une liberté relative.

Toutefois, il faut nuancer notre analyse dans la mesure où l’avocat peut voir la liberté dont il jouit restreinte. Il peut à cet effet être exclu à tout moment de la procédure par le président de la Cour lorsque celui-ci adopte un comportement incompatible avec la dignité de la Cour ou s’il use des droits qu’il tient de ses fonctions à des fins autres que celles pour lesquelles ces droits lui ont été reconnus.[5] Le nouveau Règlement de procédure de la CCJA à travers cet article, impose le respect des juges de la Cour. Les comportements considérés incompatibles avec l’avocat n’ont pas été définis, ni fait l’objet d’une énumération. Le nouveau Règlement étant silencieux sur la question, il pourrait s’agir notamment de comportements contraires à la profession d’avocat, aux usages de la profession par exemple. La Cour dispose sur cette question d’un pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation de comportements incompatibles avec la profession d’avocat en procédant au cas par cas.

Malgré cela, le nouveau Règlement de procédure de la CCJA donne la possibilité à l’avocat exclu de saisir le président de la Cour afin que soit rapportée l’ordonnance[6]. Force est de constater que les conditions de cette annulation n’ont pas été définies par le nouveau Règlement de procédure de la CCJA.

L’une des raisons qui ont poussé à la révision du Règlement de procédure de la CCJA, c’est le problème lié à l’élection des parties dans la ville d’Abidjan. Cela exposait les justiciables étant domicilié sur un territoire autre que celui d’Abidjan, à la tenue de frais d’installation ou de déplacement. L’accès à la justice communautaire favorisait les parties résidant sur le lieu de situation de la Cour. Pour tenir compte des exigences d’égal accès à la justice, l’article 28-3 nouveau dispose : « aux fins de la procédure, l’élection de domicile au lieu où la Cour a son siège n’est pas obligatoire ». Cet impératif d’élire domicile dans le lieu où la Cour a son siège, c'est-à-dire à Abidjan, n’étant plus absolu, les parties issues d’autres territoires que celui du siège de la Cour, peuvent engager leur action[7].

En cas d’élection de domicile, il conviendra de le signaler à la Cour par l’indication de l’adresse dudit domicile pour lui permettre d’effectuer utilement les significations[8].


· Modifications relatives aux voies de recours extraordinaires

Elles tiennent aux rectifications et aux interprétations.

A propos de l’interprétation, le nouveau Règlement de procédure la prévoit à l’article 45 bis nouveau en ces termes : « en cas de contestation sur le sens ou la portée du dispositif d’un arrêt, il appartient à la cour de l’interpréter »

La procédure d’interprétation est quasiment la même puisque sous l’empire de l’ancien Règlement, elle était prévue à l’alinéa 1 de l’article 48.

L’article 45 ter nouveau consacre les demandes en rectifications. Il dispose que « les erreurs et omissions matérielles qui affectent un arrêt de la Cour peuvent toujours être réparées par elle selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, selon ce que la raison commande ». Ainsi, pour une demande en interprétation, la Cour peut être saisie par simple requête par l’une des parties ou par requête commune. Les rectifications peuvent aussi être apportées sur saisine d’office de la Cour aux fins de faire constater les omissions ou erreurs matérielles attachées à une décision.



B- Modifications sur les règles intéressant le déroulement de l’instance

Elles portent sur la saisine de la Cour, les nouveaux modes de signification, l’instruction des dossiers et les incidents de procédure.


· Modifications concernant la saisine de la Cour

De prime abord, il faut noter que les modes de saisine de la cour n’ont pas connu d’évolution. Il s’agit soit d’un recours introduit directement par le requérant, soit sur renvoi d’une juridiction suprême nationale de cassation conformément aux dispositions de l’article 15[9] du traité OHADA.

Aussi, convient-il de préciser que le nouveau Règlement donne la possibilité de choisir la langue de procédure. Les langues de travail de l’OHADA sont : le français, l’anglais, l’espagnol et le portugais. Favoriser l’introduction de ces langues dans le Règlement est innovateur. L’idée, c’est de prendre en compte aussi bien les langues nationales des Etats membres de l’OHADA, que de permettre au justiciable de mieux comprendre et d’apprécier la portée des décisions rendues par la Cour. Car comme le dit CHATEAUBRIAND : « nul, dans une littérature vivante, n’est juge compétent que des ouvrages écrits dans sa propre langue.[10] »

L’article 27 bis nouveau prévoit cette possibilité en son alinéa 2. Ceci signifie que la langue de procédure choisie par les parties s’appliquera aussi bien à tous leurs écrits, pièces produites qu’aux décisions que rendra la Cour.

Par ailleurs, les cas d’ouverture des recours en cassation sur lesquels les parties pourront fonder leur prétention ont également changé. Selon l’article 28 bis nouveau du Règlement de procédure, il s’agit : «

Ø La violation de la loi ;

Ø L’incompétence et l’excès de pouvoir ;

Ø La violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ;

Ø Le défaut, l’insuffisance ou la contrariété des motifs ;

Ø L’omission ou le refus de répondre à des chefs de demandes ;

Ø La dénaturation des faits de la cause ou des pièces de la procédure ;

Ø Le manque de base légale ;

Ø La perte de fondement juridique ;

Ø Le fait de statuer sur une chose non demandée ou d’attribuer une chose au-delà de ce qui a été demandé. »

S’agit-il d’une liste exhaustive ou d’une indication des hypothèses qui peuvent conduire à une ouverture en cassation ?

La réponse à cette interrogation est donnée par l’article 28 ter nouveau qui dispose : « à peine d’irrecevabilité, un moyen de cassation ou élément de moyen de cassation doit mettre en œuvre au moins un des cas d’ouverture visé à l’article précédent. »

Le constat que l’on pourrait faire de la lecture de ces deux articles, c’est que toute action qui serait fondée sur un moyen non défini par le nouveau Règlement serait a priori rejetée.


· Modifications sur l’instruction des dossiers

Tout comme l’ancien Règlement, le nouveau Règlement prévoit en l’article 26 nouveau la désignation d’un juge rapporteur dont l’attribution majeure consiste à suivre « l’instruction de l’affaire et de faire un rapport à la Cour ». S’il est enclin à des difficultés, il est assisté dans sa mission par des « juristes référendaires » conformément à l’alinéa 2 de l’article précité.


· Modifications affectant les modes de signification

Concernant les modes de significations, notons à titre de rappel que l’article 24 ancien du Règlement de procédure CCJA visait les significations par envoi postal recommandé avec accusé de réception et par remise de copie contre reçu. L’article 24 nouveau du règlement de procédure semble tenir compte des exigences en matière de Technologies de l’Information et de la Communication.

En effet, dans un monde caractérisé par l’interconnexion entre les différents pays du globe, les échanges s’effectuent avec une célérité sans précédent. Il suffit juste d’un ‘’clic’’ pour accéder à une multitude de possibilité. Pour ne pas rester en marge de ce développement, l’article 24 nouveau a non seulement prévu les cas classiques de significations mais aussi introduit d’autres modes de signification. Il est ainsi libellé : « les significations prévues au présent Règlement sont faites soit par envoi postal recommandé avec demande d’avis de réception, messagerie express, courrier électronique, télécopieur ou tout autre moyen technique de communication laissant trace, d’une copie de l’acte à signifier, soit par remise de cette copie contre reçu »

De façon concrète, les significations citées peuvent être relatives aux recours déposés, aux mémoires et pièces enregistrées par la Cour et qui doivent être communiquées aux parties adverses.

Aussi, l’article 28-4 nouveau précise-t-il que l’avocat ayant son domicile professionnel dans un Etat Partie au Traité, a la possibilité d’indiquer dans sa requête que les significations lui soient adressées en cet endroit. Les parties ont désormais la faculté de choisir le mode par lequel les significations seront effectuées.

Cependant, la question qui peut se poser est de savoir si une partie, plus précisément celle qui introduit une action, pourrait recourir au même mode que celui par lequel elle a reçu les significations pour acheminer ou expédier ses écrits et pièces à la Cour. Ce cas de figure semble ne pas avoir été envisagé par le Règlement de procédure. L’évolution introduite relativement aux nouveaux modes de signification pourrait être sans intérêt en ce sens que la partie, qui ne pourrait pas utiliser le même procédé utilisé par la Cour pour acheminer son mémoire, disposerait du délai habituel pour s’y acquitter, sous réserve des délais de distance. Délais de distance devant en principe être exclu par l’introduction de ces nouveaux modes de communication.

D’ailleurs, une autre question suscite notre curiosité : la partie qui a choisi l’un des modes de significations peut-elle le changer ? Le Règlement de procédure ne donne aussi aucune réponse à cette interrogation. Il aurait été intéressant que le choix du mode de signification soit irrévocable pour protéger les parties. Mais pour l’instant, il semble préférable qu’il puisse être modifié car il ne faut pas oublier que certaines difficultés tels les problèmes de connexion à internet pourraient provoquer une insécurité juridique notamment dans l’envoi de pièces ou actes de procédure.


· Modifications tenant aux incidents de procédure

Les incidents de procédure concernés sont le désistement, la radiation et la péremption.

Le désistement est prévu à l’article 44 nouveau du Règlement de procédure de la CCJA. Le demandeur a, désormais seul, la possibilité de se désister de son instance ; ce qui n’était pas le cas dans l’ancienne disposition qui conférait cette possibilité « aux parties »[11]. Aussi, l’effet principal du désistement consiste-t-il à entrainer l’extinction de l’instance. L’action en elle-même subsiste mais peut se voir également éteinte si le demandeur y renonce de façon expresse. Le désistement n’entraîne plus ipso facto « la radiation de l’affaire du registre ». Il n’y a donc plus de radiation automatique de l’affaire lorsqu’il y a désistement.

Ajoutons que le nouveau Règlement de procédure institue expressément la radiation (article 44 bis nouveau). En vertu de l’article 44 bis nouveau, la radiation « sanctionne les défauts de diligence des parties. Elle emporte retrait de l’affaire du rôle des affaires en cours ». L’affaire est retirée du registre où sont portées les affaires pour défaut d’accomplissement de la diligence. La radiation est prononcée par voie de « mesure d’administration judiciaire »[12]. On pourrait donc penser que la procédure suivra son cours dès que le défaut de diligence serait corrigé. Néanmoins, aucune précision n’est apportée concernant le délai à l’expiration duquel le défaut de diligence pourrait entraîner la radiation.

Quant à l’article 44 ter, il prévoit la péremption de l’instance en ces termes : « l’instance est périmée lorsqu’aucune des parties n’accomplit de diligence pendant deux ans à partir du dernier acte de procédure ».

Cette disposition va permettre à la Cour de se consacrer aux affaires dont tous les actes de procédure ont été effectués à temps utile. Précisons que tout comme la radiation, la péremption n’éteint pas l’action. Mais à la différence de celle-là, la péremption éteint l’instance sans qu’il ne soit possible de se prévaloir des actes de la procédure périmée.

Après avoir parcouru le nouveau Règlement en ses dispositions, il nous parait juste de saluer les efforts effectués en premier lieu pour sa conformité aux dispositions du traité, mais aussi et surtout pour les simplicités introduites dont l’effet naturel est la célérité du règlement des contentieux. Beaucoup reste cependant à faire notamment à l’égard des modes de significations par voie électronique ou encore dans la possibilité pour l’avocat exclu de faire rapporter l’ordonnance du Président de la Cour.

[1] Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires


[2] Article 1-4 nouveau du règlement de procédure de la CCJA


[3] Version électronique du Grand Robert de la langue française, 2005, version 2.0


[4] Il peut s’agir de l’inscription à un barreau de l’espace OHADA par exemple


[5] Article 23-2 nouveau


[6] Article 23-2 nouveau in fine


[7] Il convient de relever que l’obligation d’élection de domicile au siège de la Cour n’était pas en fait synonyme de constitution d’avocat à Abidjan mais plutôt dans le souci de recevoir les significations faites par la Cour.


[8] La faculté d’élection de domicile au siège de la Cour posera quelques difficultés à l’égard de l’avocat qui réside en dehors du siège de la Cour dans la mesure où effectuer les diligences à distance ne sera chose facile pour ce dernier.


[9] Article 15 : « les pouvoirs en cassation prévus à l’article 14 ci-dessus sont portés devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, soit directement par l’une des parties à l’instance, soit sur renvoi d’une juridiction nationale statuant en cassation saisie d’une affaire soulevant des questions relatives à l’application des actes uniformes. »


[10] CHATEAUBRIAND, Mémoires d’outre-tombe, t. II, p.143, citation prise dans la version électronique du Grand Robert de la langue française, 2005, version 2.0


[11] Article 44 ancien alinéa 1 du Règlement de procédure CCJA du 18 avril 1996


[12] Article 45 bis alinéa 2 : « la décision de radiation est une mesure d’administration judiciaire. »

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