Bien que le terme "chantage" ne soit pas explicitement mentionné dans le code pénal ivoirien, les Articles 474 et 475 répriment les comportements assimilables à cette infraction, notamment l’extorsion par la menace de révéler des faits portant atteinte à l’honneur ou à la considération. Cette analyse structure les éléments constitutifs du chantage et illustre son traitement jurisprudentiel.
I. Fondements juridiques du chantage en droit ivoirien
A. Textes applicables
Article 474 :
Punit l’extorsion par force, violence ou contrainte visant à obtenir un acte portant atteinte au patrimoine (ex. : signature d’un document, remise de fonds).
Peines : 5 à 10 ans d’emprisonnement et amende de 100 000 à 1 000 000 FCFA.
Tentative punissable et exclusion du sursis (Art. 130).
Article 475 :
Réprime l’extorsion par menace écrite ou orale, y compris de révélations ou imputations diffamatoires.
Peines : 1 à 5 ans d’emprisonnement et amende de 300 000 à 3 000 000 FCFA.
Circonstances aggravantes (peines doublées) :
Habitude délictueuse ou abus de profession (ex. : avocat, comptable).
Victime mineure ou incapable.
Ruine ou suicide de la victime.
B. Analogie avec le droit français
Inspiré du droit français, le code ivoirien assimile le chantage à une extorsion par violence morale :
Menace de révélation de faits diffamatoires (vrais ou faux).
But : Obtenir un avantage (argent, signature, secret).
II. Éléments constitutifs du chantage
A. Élément matériel
La menace :
*Nature : Menace de révéler ou d’imputer des faits portant atteinte à l’honneur ou à la considération (Art. 475).
Exemple : Menace de divulguer une relation adultère (jurisprudence française : Crim. 28 janv. 2015).
*Forme : Écrite, orale, implicite (allusions suffisantes).
Exemple : Lettre anonyme exigeant de l’argent sous peine de révéler une fraude fiscale.
L’obtention d’un avantage :
*Objet : Fonds, biens, signature, renonciation, secret (Art. 475).
*Lien de causalité : La remise doit résulter directement de la menace.
Exemple : Paiement effectué après menace de diffamation (jurisprudence française : Crim. 8 nov. 2011).
B. Élément moral
Intention frauduleuse : Volonté de contraindre la victime à céder sous la menace.
Exemple : Exiger une somme disproportionnée pour étouffer une affaire (jurisprudence française : Crim. 20 févr. 1963).
Exclusion des menaces légitimes :
Menace de recours en justice pour une créance réelle (inapplicable si la demande est proportionnée).
III. Jurisprudences et applications pratiques
A. Cas d’application
Chantage affectif :
Menace de révéler une homosexualité supposée pour obtenir un avantage financier (analogie : Crim. 28 janv. 2015).
Chantage en entreprise :
Salarié menaçant de révéler des irrégularités comptables pour obtenir une promotion (Art. 475).
Chantage médiatique :
Menace de publier des informations diffamatoires dans la presse (jurisprudence française : Paris, 26 oct. 1956).
B. Limites et exceptions
Absence de proportionnalité :
Transaction excessive obtenue sous la menace = chantage (Crim. 20 févr. 1963).
Menace légitime :
Dénonciation d’une infraction sans demande d’avantage (ex. : plainte pour vol sans exigence pécuniaire).
IV. Distinctions avec d’autres infractions
Critère | Chantage (Art. 475) | Extorsion (Art. 474) | Escroquerie |
Moyens | Menace morale | Force/violence physique | Tromperie/manœuvres frauduleuses |
Objet | Avantage matériel ou moral | Acte patrimonial | Profit indu |
Victime | Personne menacée ou tiers | Victime directe | Victime trompée |
Conclusion
En droit ivoirien, le chantage est réprimé sous le couvert des Articles 474 et 475, qui sanctionnent l’extorsion par menace de révélation diffamatoire. Bien que le terme "chantage" ne soit pas explicitement cité, les éléments constitutifs (menace + obtention d’un avantage) et la jurisprudence comparée confirment son assimilation à ces infractions. Les peines sévères et l’exclusion du sursis soulignent la gravité accordée à cette atteinte à l’intégrité morale et patrimoniale.
Exemple synthétique :
Un employeur menace de révéler des erreurs passées d’un salarié pour obtenir sa démission sans indemnités.
Qualification : Chantage (Art. 475) → Menace de révélation diffamatoire + avantage (renonciation à des droits).
Sanction : 1 à 5 ans d’emprisonnement et amende jusqu’à 3 000 000 FCFA.
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