LES LIMITES JURISPRUDENTIELLES DU DROIT DE PROPRIETE
top of page

LES LIMITES JURISPRUDENTIELLES DU DROIT DE PROPRIETE

L’article 544 du Code civil consacre le droit de propriété issu des principes révolutionnaires de 1789 : le droit de propriété est un droit absolu.

Néanmoins, l’absolutisme de ce droit a été remis en cause par la consécration jurisprudentielle de deux théories : l’abus de droit (I) et les troubles anormaux de voisinage (II).


I- L’abus de droit de propriété

A- Régime juridique

L’abus de droit de propriété se caractérise par l’existence d’un comportement fautif ayant entraîné un préjudice : « L’installation sur un terrain d’un dispositif ne présentant aucune utilité et n’ayant d’autre but que de nuire à autrui constitue un abus de droit de propriété. » Affaire Coquerel c/ Clément-Bayard, Req. 3 août 1915.

L’abus de droit est sanctionné si le propriétaire du fonds voisin prouve l’intention de nuire de son voisin. Or le comportement malveillant d’une personne peut se déduire de l’abstention ou de l’absence d’utilité de son action, manifestant un défaut d’intérêt légitime et sérieux.

Civ. 1ère, 20 janvier 1964« L'exercice du droit de propriété, qui a pour limite la satisfaction d'un intérêt sérieux et légitime, ne saurait autoriser l'accomplissement d'actes malveillants, ne se justifiant par aucune utilité appréciable et portant préjudice à autrui.»


B- Fondement de l’abus de droit

La théorie jurisprudentielle de l’abus de droit de propriété se fonde sur le droit commun de la responsabilité civile, et plus particulièrement l’article 1382 du Code civil, impliquant donc une faute mais également un dommage et le lien de causalité.

Le juge pourra alors choisir la réparation la plus adéquate. (CA Caen, 21 février 2002)


II- Les troubles anormaux de voisinage

La théorie des troubles anormaux de voisinage a été consacrée par la jurisprudence afin de limiter l’absolutisme du droit de propriété : « Nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ».

Cette théorie se distingue de l’abus de droit quant à son régime juridique mais également quant à sa portée aujourd’hui.


A- Caractères du trouble anormal de voisinage

Un trouble anormal de voisinage peut être sanctionné en l’absence de toute intention de nuire. Dès lors, il est nécessaire de prouver un trouble anormal, c’est-à-dire un trouble qui dépasse objectivement les inconvénients normaux de voisinage. (Civ. 3ème, 26 juin 1996)

La qualification de trouble anormal relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. (Civ. 2ème, 27 mai 1999)


B- Fondement de la responsabilité

La responsabilité pour trouble anormal de voisinage est fondée sur le principe autonome selon lequel nul ne peut causer de trouble de voisinage à autrui. Ainsi, le régime juridique de l’action en responsabilité est indépendant de tout autre régime juridique de responsabilité civile.

Civ. 3ème, 4 février 1971 « Si, aux termes de l’article 544 du Code civil , la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibe par les lois ou par les règlements, le propriétaire voisin de celui qui construit légitimement sur son terrain est néanmoins tenu de subir les inconvénients normaux du voisinage ; qu'en revanche, il est en droit d'exiger une réparation dès lors que ces inconvénients excèdent cette limite. »


C- Extension de cette théorie au problème des antennes relais

Les juges ont étendu la théorie des troubles anormaux de voisinage au problème des antennes-relais. Ils ont en effet considéré que les risques sanitaires liés aux antennes-relais constituent une anormalité engageant la responsabilité civile de leur propriétaire.

Toutefois, cette position a fait l’objet de vives critiques dans la mesure où il s’agissait seulement de risques de dommage. A noter qu’aujourd’hui les juges se fondent sur le principe de précaution, sans écarter la possibilité de caractériser un trouble anormal de voisinage. (CA Versailles, 4 février 2009)


bottom of page