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QU’ENTEND T-ON PAR SUBSTANCE MORTIFERE ?

Introduction

L’empoisonnement, réprimé par le Code pénal ivoirien et le Code pénal français, suppose l’emploi ou l’administration de substances mortifères, c’est-à-dire de substances de nature à entraîner la mort. Cette infraction soulève des questions complexes liées à la définition de la substance mortifère, à son appréciation par les juges, et aux circonstances spécifiques de son administration. Ce développement explore ces aspects en s’appuyant sur des exemples jurisprudentiels et des analyses doctrinales.

 

1. Définition de la substance mortifère

Une substance mortifère est une substance capable de causer la mort, qu’elle soit solide, liquide, gazeuse, minérale, végétale, animale, ou même un virus ou un rayonnement. L’appréciation de son caractère mortifère relève du pouvoir souverain des juges du fond, qui doivent déterminer si la substance est objectivement de nature à entraîner la mort.

 

Caractéristiques de la substance mortifère :

  • Toxicité : La substance doit être capable de causer la mort, même si son effet n’est pas immédiat.

  • Diversité des formes : La substance peut prendre diverses formes (poisons, gaz, virus, etc.).

  • Appréciation in abstracto : Le caractère mortifère est évalué en fonction des effets de la substance sur une personne moyenne, indépendamment des particularités de la victime.

 

2. Les différentes catégories de substances mortifères

La jurisprudence et la doctrine distinguent plusieurs catégories de substances mortifères, notamment les poisons classiques, les gaz toxiques, les virus et les combinaisons de substances.

 

a) Les poisons classiques

Les poisons les plus couramment utilisés dans les affaires d’empoisonnement sont l’arsenic, le cyanure et la strychnine.

  • Arsenic : Inodore et sans saveur, il provoque une intoxication progressive avec des symptômes gastro-intestinaux avant de causer la mort. Il est détectable par chromatographie.

  • Cyanure : D’effet foudroyant, il est identifiable par son odeur d’amande amère et par spectrométrie de masse.

  • Strychnine : Extrait de la noix vomique, elle provoque des convulsions douloureuses suivies d’une mort par asphyxie. Elle est détectable par chromatographie en phase liquide.

 

b) Les gaz toxiques

Les gaz toxiques, comme le monoxyde de carbone ou le gaz phosgène, peuvent également constituer des substances mortifères.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 18 juillet 1952 (Bull. crim. n° 193 ; D. 1952. 667), des médecins nazis ont été condamnés pour empoisonnement après avoir fait inhaler du gaz phosgène à des déportés.

 

c) Les virus

Certains virus, comme celui du typhus exanthématique ou du VIH, ont été considérés comme des substances mortifères dans des affaires d’empoisonnement.

Exemple : Des médecins d’Auschwitz ont été condamnés pour empoisonnement après avoir inoculé le virus du typhus à des déportés (Crim. 18 juillet 1952, précité).

 

d) Les combinaisons de substances

Une substance peut devenir mortifère lorsqu’elle résulte de la combinaison de plusieurs produits qui, pris séparément, ne seraient pas mortels.

Exemple : Crim. 8 juin 1993, n° 93-81.372 (Bull. crim. n° 203 ; Gaz. Pal. 1993. 2. 456, note J.-P. Doucet).

 

3. Appréciation du caractère mortifère

Le caractère mortifère d’une substance est apprécié in abstracto, c’est-à-dire en fonction de ses effets sur une personne moyenne, et non en tenant compte des particularités de la victime.

 

a) Appréciation in abstracto

Les juges doivent déterminer si la substance est de nature à causer la mort sur une personne ordinaire, indépendamment de la résistance ou de la sensibilité particulière de la victime.

Exemple : Si une substance est mortelle pour un enfant mais seulement toxique pour un adulte, son administration à un enfant constituera un empoisonnement, tandis que son administration à un adulte pourra être qualifiée d’administration de substance nuisible.

 

b) Cas de l’infraction impossible

Si l’auteur administre une substance qu’il croit mortifère mais qui est en réalité inoffensive, l’infraction est considérée comme une tentative d’empoisonnement.

Exemple : Crim. 16 janvier 1986, n° 85-95.461 (Bull. crim. n° 25 ; D. 1986. 265, note D. Mayer et J. Pradel).

 

4. Cas particuliers

a) Transmission du virus VIH

La transmission volontaire du virus VIH a soulevé des débats importants. La jurisprudence a refusé de retenir la qualification d’empoisonnement, faute d’intention de tuer (animus necandi), mais a admis la qualification d’administration de substance nuisible.

Exemple : Crim. 2 juillet 1998, n° 98-80.529 (Bull. crim. n° 211 ; D. 1998. 457, note Pradel).

 

b) Victime immunisée ou particulièrement sensible

Si la victime est immunisée contre une substance normalement mortifère, l’empoisonnement est tout de même consommé, car l’intention de tuer est présente. En revanche, si la victime est particulièrement sensible à une substance non mortifère, l’empoisonnement ne peut être retenu.

Exemple : Si une substance est mortelle pour un enfant mais pas pour un adulte, son administration à un enfant constituera un empoisonnement, tandis que son administration à un adulte pourra être qualifiée d’administration de substance nuisible.

 

Conclusion

La notion de substance mortifère dans l’infraction d’empoisonnement est appréciée de manière large par la jurisprudence, couvrant une variété de produits et de situations. Cette approche permet de réprimer efficacement des comportements dangereux pour la vie d’autrui, tout en s’adaptant aux évolutions scientifiques et sociales. Cependant, elle nécessite une analyse rigoureuse des éléments constitutifs de l’infraction, notamment l’intention de l’auteur et le lien de causalité entre l’acte et ses conséquences. Les références jurisprudentielles et doctrinales citées illustrent la richesse et la complexité de cette notion en droit pénal.

 

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