LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE
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LA RESPONSABILITÉ SANS FAUTE


La faute demeure, en principe, le fondement essentiel de la responsabilité. Toutefois, la responsabilité de l’administration peut être engagée en dehors de toute idée de faute dans des hypothèses qui ont tendance à se multiplier.

   Deux hypothèses sont à envisager :

- Soit la responsabilité de l’état est engagée sur le risque ; - Soit sur la rupture de l’égalité devant les charges publiques.


Section 1 : La responsabilité pour risque 

   Certaines activités de l’administration présentent un caractère particulièrement dangereux et peuvent causer des dommages en dehors de toute faute.


A- La responsabilité pour dommages causés par des choses et des activités dangereuses :

C’est donc essentiellement l’idée de risque créée par l’activité administrative qui explique que la responsabilité de l’administration puisse être engagée sans qu’elle ait commis de faute.


La responsabilité peut tenir d’abord des choses dangereuses : tel est l’exemple du fort qui explose alors que des explosifs ont été accumulés ; de l’utilisation d’armes dangereuses par la police (le fonctionnaire de police qui, au cours d’une opération de police, tire un coup de feu qui va mortellement blesser un patron de café assis devant son établissement).

- Il peut s’agir de méthodes dangereuses : les dommages causés par de jeunes délinquants évadés d’une maison d’éducation surveillée ; traitement de malades mentaux hébergés dans des établissements spécialisés mais disposant de permission de sorties ; détenus bénéficiant de permission de sorties. 

-Il peut enfin s’agir de situations dangereuses : certains agents de l’administration peuvent se retrouver, dans le cadre de leur mission, dans des situations dangereuses susceptibles d’engager la responsabilité pour risque de l’administration en cas de dommage. Ex : une institutrice en état de grossesse qui a fait sa classe alors qu’une épidémie de rubéole s’est glissée dans l’établissement ; son enfant ayant subi de ce fait de graves malformations. 


B- La responsabilité pour dommages de travaux publics :

Ce sont les dommages causés par l’exécution des travaux et par l’existence d’ouvrages publics : par exemple, les dommages provoqués par la construction d’une route. Une distinction doit être réalisée entre les tiers et les usagers.


1) Les dommages subis par les tiers : le tiers est celui qui ne profite en aucune façon de l’ouvrage, qui n’en tire aucun avantage ni aucun bénéfice. Il aura droit à réparation de son préjudice dès lors qu’il existe un lien de cause à effet entre l’ouvrage et le dommage sans que l’administration puisse dégager sa responsabilité en prétextant qu’elle n’a pas commis de faute. Il suffit donc pour le tiers de prouver l’existence du dommage, que celui-ci est anormal et qu’il lui est spécial. Tel est

l’exemple de la rupture du barrage de Malpasset en 1959 qui a causé des dommages aux personnes et aux biens.

2) Les dommages subis par les usagers : l’usager est celui qui utilise l’ouvrage, qui en bénéficie d’une façon ou d’une autre, qui en tire avantage. Ex : l’usager de la voie publique : le

piéton, l’automobiliste, le cycliste… Sa situation est moins favorable que celle du tiers : la responsabilité de l’administration ne peut être engagée qu’en cas de défaut d’entretien normal. Cette notion se rapproche de la faute, mais la preuve en est moins difficile à reporter car l’usager victime devra seulement prouver deux choses : l’existence du dommage et un lien de causalité entre l’ouvrage et le dommage. C’est à l’administration qu’appartiendra de dégager sa responsabilité, de prouver qu’elle avait entretenu normalement l’ouvrage en question (ex : prouver que la signalisation était mal montrée).


C- La responsabilité pour dommages subis par des collaborateurs des services publics :


Le principe est que l’administration doit indemniser les dommages subis par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions en raison des dangers ou des risques que leur activité peut entraîner pour eux, même si l’administration n’a pas commis de faute.


1) Le cas des agents permanents : le conseil d’état a posé le principe de la réparation de tout préjudice subi par un de ses agents dans l’exercice de ses fonctions, même si l’état n’avait pas commis de faute. Cette jurisprudence est, depuis, tombée en désuétude puisqu’il existe aujourd’hui un régime de pension d’invalidité qui permet à l’agent accidenté de percevoir une rente en fonction de son taux d’incapacité.


2) Le cas des collaborateurs occasionnels : il s’agit de personnes qui apportent bénévolement, ponctuellement leur concours au fonctionnement des services publics et qui ne sont pas couvertes par un régime de réparation forfaitaire. Les dommages qu’elles peuvent subir pourront être réparés sur la base de la théorie du risque, sans qu’elles aient à prouver de faute de la part de l’administration. Depuis quelques années, cette jurisprudence a été considérablement élargie, surtout en faveur des sauveteurs bénévoles. Les conditions d’application du régime de la responsabilité sans faute sont les suivantes :

-  Le concours apporté à l’exécution du service public doit être justifié, sachant que la collaborationpeut être requise, sollicitée ou spontanée ;

-  La collaboration doit être apportée à un service public ;

-  La personne intervenue doit avoir la qualité de collaborateur et non d’usager du service public. Tel est le cas, par exemple, des habitants d’une commune à qui le maire a demandé de tirer un feu d’artifice et qui sont blessés à cette occasion ; des baigneurs qui portent secours à une personne en difficulté et qui sont eux-mêmes blessés.


D- La responsabilité pour risque social :

Le législateur est quelque fois intervenu

afin de mettre en place, pour certaines activités de l’administration, une responsabilité pour risque. Il s’agit, en particulier, de la responsabilité de l’état du fait des attroupements et des rassemblements lors de manifestations politiques, sportives ou socioprofessionnels. Il n’est pas nécessaire que le dommage allégué revête le caractère d’un préjudice anormal et spécial.


E- La responsabilité pour risque médical :


La responsabilité hospitalière est engagée dans plusieurs hypothèses, sans que le patient ait à prouver l’existence d’une faute. Il en est ainsi de la contamination par un virus à la suite d’une transfusion sanguine ; des dommages résultants de la réalisation d’un risque dont l’existence est connue mais la réalisation exceptionnelle ; des dommages constitutifs d’une infection nosocomiale.


Section 2 : La responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques 


   L’égalité devant les charges publiques a été consacrée par le conseil d’état comme un principe général du droit. Ce principe permet d’engager la responsabilité de l’administration lorsqu’un administré doit supporter des charges particulières le mettant, dès lors, dans une position inégale par rapport à d’autres. Afin d’obtenir une indemnisation, le dommage subi par la victime doit être anormal, c’est-à-dire d’une importance certaine et spéciale, c’est-à-dire qu’il n’atteint que certains administrés. Il existe deux hypothèses.


A- La responsabilité du fait des lois :

La loi, par elle-même, ne peut être ni fautive ni dangereuse, mais il arrive qu’elle puisse causer des dommages dont les victimes auront droit à réparation. Celle-ci est soumise à des conditions restrictives, à savoir que le dommage doit être certain, grave, spécial et la loi ne doit pas avoir exclu le droit à réparation. Ex : une loi avait interdit la fabrication de produits susceptibles de remplacer la crème naturelle et ne provenant pas exclusivement du lait ; cette interdiction avait entraîné la faillite d’une société qui fabriquait de tels produits.


B- La responsabilité du fait des décisions administratives régulières :

Cette responsabilité est reconnue dans des exemples de refus d’accorder le concours de la force publique à un individu afin d’assurer l’exécution d’une décision de justice. Le concours de la force publique peut être parfois refusé lorsqu’il est de nature à troubler gravement l’ordre public. L’administration, non seulement peut, mais doit faire tout son possible pour éviter le déclenchement de troubles, fut-ce au prix du refus d’exécuter la décision de justice. Il paraît équitable que les conséquences dommageables du refus soient réparées, malgré l’absence de faute de l’administration. Tel est le cas des expulsions de logement d’occupants sans titre ou de grévistes.


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