LES EFFETS DU DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL (DROIT OHADA)
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LES EFFETS DU DROIT AU RENOUVELLEMENT DU BAIL (DROIT OHADA)

La mise en œuvre du droit au renouvellement du bail est susceptible de produire des effets distincts selon que le bail est renouvelé (§1) ou non (§2).


I- Effets du bail renouvelé

A- La prise d’effet du nouveau bail

1- Bail à durée déterminée

Le nouveau bail prend effet à compter de l’expiration du bail précédent si celui-ci est à durée déterminée.


2- Bail à durée indéterminée

En revanche, s’il est à durée indéterminée, l’effet est produit à partir de la date pour laquelle le congé a été donné.


B- Les effets au niveau du délai et du contenu du contrat

1- Au niveau du délai

a- Pour le BDD

En cas de renouvellement accepté expressément ou implicitement par les parties, et sauf accord différent de celles-ci, la durée du nouveau bail est fixée à 3 ans (Article 103 AUDCG ; Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement du 10/07/2002, affaire Marie Dieng c/ Mamoudou Sall, Ohadata J-03-46).


b- Pour le BDI

En cas de renouvellement pour une durée indéterminée, les parties doivent prévoir la durée du préavis de congé qui ne peut être inférieure à six mois (nouvel article 123 al. 3, AUDCG).


2- Au niveau du contenu du contrat

*Possibilité pour les parties de modifier les termes du nouveau bail : Dans l’un et dans l’autre cas, le bail renouvelé répond en principe au même régime que le bail initial. Rien n’interdit toutefois que les parties modifient certaines clauses du premier contrat.

-Ainsi, celle relative au loyer peut être révisée dans le sens d’une augmentation du montant, pour tenir par exemple compte de la nouvelle valeur locative.

-Il n’est d’ailleurs pas exclu que dès le départ, les parties insèrent dans leur contrat une clause recette, dite clause d’indexation (Voir Monéger, note sous Cass. 3e civ., 27 janv. 1999, SA Intexal et A. c/ Société centre commercial de la défense, RTD Com., 1999, p. 368).

-Elles peuvent aussi insérer dans leur contrat, toute référence permettant de réviser le loyer automatiquement sans qu’on ait à recourir au jeu des mécanismes de révision légale. Dans ces différentes hypothèses, la stipulation contractuelle s’impose et tient lieu de loi dans les termes de l’article 1134 du Code civil (Voir A. Foko, Observations sous Cour Commune de Justice et d’Arbitrage, 2e ch., arrêt, n° 4 du 9 mars 2006, Affaire A.B. c/ Société ivoirienne de Promotion de Supermarchés dite PROSUMA, Ohadata J-07-11, Le Juris-OHADA, n° 3/2006, p. 16, in Les grandes décisions de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, op. cit., p. 57 ; R. Njeufack Temgoua, Observations sous CCJA, arrêt, n° 036/2008 du 3 juillet 2008, Société Burkina Schell c/ Ouedraogo Sibiri Philippe, Les grandes décisions de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA, ibid., p. 31).


II- Effets du bail non renouvelé

Il est possible que le renouvellement du bail soit refusé catégoriquement. Le refus peut être suivi du paiement d’une indemnité d’éviction (A) ou non (B).


A- Refus de renouvellement du bail avec paiement d’une indemnité d’éviction


*En l’absence de motif légitime : En principe, le bailleur peut toujours refuser le renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée. Mais il est tenu de payer une indemnité (indemnité d’éviction) s’il ne s’appuie sur aucun motif légitime (Article 94 (nouvel art. 126 al. 1) AUDCG ; CA d’Abidjan, arrêt, n° 1205 du 29/11/2002, affaire Kouame Krah et cinq autres c/ Traoré Yacouba, Ohadata J-03-307).

*Motif illégal : Lorsque le bailleur refuse de renouveler le bail et invoque un motif illégal, il est également tenu de payer l’indemnité d’éviction (Voir Tribunal de Toumadi, jugement, n° 09 du 18/01/2001, affaire Dame K. CICR, Ohadata J-05-55).


Cette indemnité vise à compenser les risques auxquels s’expose le preneur qui est contraint par le bailleur de quitter les lieux loués. D’après un auteur averti, elle constitue pour le locataire « la contrepartie financière exacte des avantages que lui aurait procuré le renouvellement » (Voir Y. Reinhard, Droit commercial, actes de commerce, commerçants, fonds de commerce, Litec, 4e éd., 1996 cité par A. Kenmogne Simo dans ses observations sous CCJA, arrêt, n° 017/2006, Société nationale des télécommunications dite Sonatel c/ Société d’exploitation de la clinique Sokhna Fatma, op. cit., p. 63).

En principe, l’indemnité d’éviction est payée en argent. À titre exceptionnel, elle peut être payée en nature et consister par exemple en l’affectation d’un autre local dans un immeuble reconstruit lorsque l’ancien abritait le local objet du bail.


Contrairement à la législation antérieure (Voir loi du 30 juin 1926 dans ses diverses applications en Afrique noire francophone), le législateur OHADA n’a malheureusement pas fixé de montant minimum pour l’indemnité d’éviction. Les critères d’évaluation de celle-ci ainsi que son montant sont laissés à la libre appréciation des parties, le risque étant élevé que le bailleur dicte sa loi au locataire, présumé partie faible dans un tel contrat. Mais, à défaut d’accord sur son montant, celui-ci est fixé par la juridiction compétente en tenant compte notamment du chiffre d’affaires, des investissements réalisés par le preneur et de la situation géographique du local (Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement, n° 153 du 22/01/2002, affaire Kamil Akdar c/ Mohamed Fettouny, Ohadata J-05-58 ; Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement, n° 234 du 31/01/2001, affaire Héritiers de feu Alia Sall c/ El Hadj Ndiame Talla, Ohadata J-05-62 ; Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement du 24/07/2001, affaire Jacqueline, Laïla, Georgette et Georges Wehbé c/ Melhem Haïdar Wizani, Ohadata J-02-196), sans oublier les frais de déménagement imposés par le défaut de renouvellement (Voir nouvel art. 126, al. 2 de l’AUDCG).



*Mais l’indemnité d’éviction ne doit être confondue ni avec l’indemnité de la plus-value, ni avec l’indemnité pour commerce similaire, ni avec l’indemnité d’occupation.

En raison de ce qu’elles ne sont pas expressément traitées par l’AUDCG, leur examen demande que l’on interroge la loi du 30 juin 1926 sur les baux commerciaux.

-L’indemnité de plus-value : Les articles 6 et 7 de cette loi traitent de deux sortes d’indemnités de plus-value qui ont pour but d’éviter que le propriétaire ne s’enrichisse sans cause.

L’article 6 vise le cas où le propriétaire d’un immeuble et du fonds de commerce exploité dans cet immeuble a loué le tout à un locataire. Celui-ci n’étant que locataire du fonds, ne peut bénéficier du droit au renouvellement du bail, droit réservé au propriétaire du fonds de commerce.

À l’expiration du contrat de location des murs et de gérance du fonds, le propriétaire (des murs et du fonds) peut reprendre la jouissance et continuer l’exploitation. Mais il doit alors verser une indemnité au locataire à concurrence du profit qu’il aura tiré de la plus-value apportée soit au fonds, soit à la valeur locative de l’immeuble du fait des améliorations matérielles effectuées par le locataire (ceci exclut la plus-value résultant de l’accroissement de la clientèle).

L’article 7 vise un cas spécial, celui du propriétaire qui exerce le droit de reprise sans être tenu légalement de verser une indemnité d’éviction. Dans ce cas, « le propriétaire devra, à moins qu’il préfère demander la remise des lieux en l’état où ils étaient lors de l’entrée en jouissance, payer au locataire sortant, une indemnité à concurrence du profit qu’il aura tiré de la plus-value apportée par lui à la valeur locative de l’immeuble, par suite des aménagements effectués, si d’après le bail, ceux-ci ne deviennent pas la propriété du bailleur, sans que cette indemnité ne puisse dépasser le prix de la main-d’œuvre et la valeur des matériaux employés ».

-Indemnité de commerce similaire : Dans tous les cas justifiés ou non° de « non-renouvellement » du bail, qu’il ait droit ou non à l’indemnité d’éviction, le locataire bénéficie de l’article 8 qui interdit au propriétaire ou au nouveau locataire d’exercer un commerce similaire à celui du commerce sortant et ce, sous peine de dommages-intérêts. Mais cette règle ne s’applique pas si après avoir exercé le droit de reprise de l’immeuble, le propriétaire a racheté le fonds de commerce du locataire sortant (ici, le propriétaire peut continuer à exercer le commerce sans payer l’indemnité).

-Indemnité d’occupation : Lorsque le locataire conserve la possession des lieux après l’expiration de son titre de location, que ce soit contre le gré du propriétaire ou avec le consentement tacite de ce dernier, il doit une indemnité d’occupation dont le montant est fixé par le juge.

Lorsqu’il y a acceptation du principe du bail renouvelé, la loi prévoit que le locataire doit payer son loyer au taux de l’ancien bail pendant toute la durée de la procédure de renouvellement du bail.

Lorsque le locataire se maintient contre le gré du propriétaire, l’indemnité est égale au préjudice.


B- Refus de renouvellement sans paiement d’une indemnité d’éviction

Le bailleur peut s’opposer au droit au renouvellement du bail à durée déterminée ou indéterminée sans avoir à régler l’indemnité d’éviction dans trois hypothèses : l’existence d’un motif légitime à l’encontre du preneur sortant (I), la reprise de l’immeuble aux fins de démolition et de reconstruction (II) ainsi que la reprise de l’immeuble aux fins d’habitation (III)


1- Existence d’un motif légitime à l’encontre du preneur sortant

Ce motif peut consister soit en l’inexécution par le locataire d’une obligation substantielle du bail, soit en la cessation de l’exploitation du fonds de commerce.

Mais un tel motif ne peut être invoqué que si les faits se sont poursuivis ou renouvelés plus de deux mois après une mise en demeure du bailleur par acte extrajudiciaire, d’avoir à les faire cesser.

Sur le plan pratique, le motif grave et légitime est généralement relevé dans la violation d’une obligation contractuelle par le locataire, et les exemples sont nombreux : réalisation des travaux ou changement de destination des lieux loués sans autorisation du bailleur ; dégradations diverses ; violation de l’interdiction des sous-locations ou exercice d’un commerce immoral (Paris 29 janv. 1987, JCP, 1987, II, 20814, concl. Connen) ; non-paiement ou paiement partiel des loyers (Voir article 95 al. 1 (nouvel art. 127) AUDCG).


Mais on peut aussi retenir un motif grave et légitime du preneur dans une faute relativement étrangère à l’exécution du bail à l’instar des injures et violences exercées à l’égard du bailleur (Com., 3 fév.1958, Grands arrêts, 118, Cl. Champaud ; JCP, 1958, 2, 10586) ou de l’émission de chèques sans provision (Civ. 3e, 19 nov.1975, D., 1976, IR, 38).


2- Reprise de l’immeuble aux fins de démolition et de reconstruction

-Le bailleur n’est pas tenu de verser une indemnité d’éviction lorsqu’il envisage de démolir l’immeuble comprenant les lieux loués et de le reconstruire. Tel est le cas lorsque les travaux sont justifiés par l’insalubrité de l’immeuble ou lorsqu’il est établi que ce dernier ne peut être occupé sans danger à raison de son état (Cass. civ., 9 janv.1969, Gaz. Pal., 1969, 1, 224).

Mais il est tenu de justifier la nature et la description des travaux projetés.

-Le preneur a toutefois le droit de rester dans les lieux jusqu’au commencement des travaux de démolition (Voir Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA), arrêt, n° 33 du 26 mai 2005, Kaita Bassidiki c/ Fabris Oscar Adone, Recueil de jurisprudence de la CCJA, n° 5, janv.-juin 2005, vol. II, p. 9 ; Le Juris-Ohada, n° 4/2005, juillet-sept. 2005, p. 2, Ohadata J-06-13). Et il bénéfice d’un droit de priorité pour se voir attribuer un nouveau bail dans l’immeuble reconstruit


-Lorsque les travaux de réhabilitation de l’immeuble ont été autorisés par la Cour suprême, l’ouverture des portes ne peut être autorisée par le juge des référés (Voir CA d’Abidjan, Arrêt, n° 1098 du 29/07/2003, affaire, La SCI Résidence du stade c/ Maître Béatrice Cowppli Boni, Ohadata J-04-346).


-Si les locaux reconstruits ont une destination différente de celle des locaux, objet du bail, ou s’il n’est pas offert au preneur un bail dans les nouveaux locaux, le bailleur devra verser au preneur l’indemnité d’éviction (Tribunal régional hors classe de Dakar, jugement, n° 1712 du 25/10/2000, affaire Ibra Guèye c/ SCI Amine, Ohadata J-05-60).


3- Reprise de l’immeuble aux fins d’habitation

Le bailleur peut aussi, sans versement d’indemnité d’éviction, refuser le renouvellement du bail portant sur les locaux d’habitation accessoires des locaux principaux, pour les habiter lui-même ou les faire habiter par son conjoint ou ses ascendants, ses descendants ou ceux de son conjoint (Article 96 (nouvel art. 128 al. 1) AUDCG).

On peut regretter avec certains auteurs (A. P. Santos et J. Yado Toé, OHADA, Droit commercial général, collection droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, op. cit., p. 193) que le législateur OHADA n’ait pas autorisé la reprise par le bailleur à des fins d’exploitation commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle, ne serait-ce qu’à l’avantage du propriétaire, son conjoint, leurs descendants ou conjoints de ceux-ci.

C’est du reste ce que prévoyait la législation antérieure dont l’un des objectifs était d’encourager la création de modestes affaires familiales.

Et dans tous les cas, le droit de reprise en vue d’une affectation commerciale donnait lieu au versement au locataire ou à ses ayants cause d’une indemnité dont le montant correspondait au minimum à l’équivalent de cinq fois le loyer annuel.

Cette reprise peut être exercée lorsque le preneur établit que la privation de jouissance des locaux d’habitation accessoires apporte un trouble grave à la jouissance du bail dans les locaux principaux (Cass. civ., 1er fév. 1968, D.S., 1968, 349) ou lorsque les locaux principaux d’habitation forment un tout indivisible.



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