L’action civile, de par sa nature n’a pas vocation à être exercée devant une juridiction pénale.
S’agissant d’une action en réparation de dommage, une action en indemnisation, sa juridiction de prédilection est la juridiction civile, même si le dommage est né de l’infraction. D’ailleurs, l’action civile peut être exercée séparément de l’action publique. Cependant, l’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique devant la même juridiction. Il en résulte que la victime de l’infraction a le choix, entre engager séparément l’action civile et le faire en même temps que l’action publique devant la même juridiction. Il convient dès lors de préciser les contours de ce choix.
1. Le droit d’option de la victime de l’infraction
Dire que l’action civile peut être exercée en même temps que l’action publique et devant la même juridiction, c’est signifier que l’action civile peut être engagée devant la juridiction pénale puisque l’action publique ne peut être exercée que devant cette juridiction.
De même en affirmant que l’action civile peut être exercée séparément de l’action publique, c’est admettre que cette action puisse être engagée en dehors de la juridiction pénale, donc devant la juridiction civile.
Ces différentes hypothèses offrent donc à la victime de l’infraction un droit d’option quant à la juridiction devant recevoir son action en réparation.
Mais comment exercer ce droit d’option qui suppose réunies certaines conditions.
2. Les conditions d’exercice du droit d’option
Trois conditions ont été dégagées par la jurisprudence pour que ce droit puisse être exercé. La première est que les deux juridictions, civile et pénale doivent être ouvertes en même à l’action civile. La seconde condition exige que le dommage dont la réparation est demandée ait pour fondement l’infraction. Enfin la troisième est que l’action publique ne doit pas être prescrite.
a. L’exigence d’une ouverture concurrente de la juridiction pénale et de la juridiction civile à l’exercice de l’action civile
Pour faire un choix il faut au moins deux possibilités. S’il n’y a qu’une seule possibilité il n’y a plus de choix. Seule cette possibilité s’impose. Dès lors pour que la victime de l’infraction puisse avoir le choix de la juridiction devant recevoir son action, il faut que la juridiction civile et la juridiction pénale soient ouvertes en même temps à cette action. Si l’une ou l’autre est fermée à son action elle n’a plus le choix car la seule voie ouverte va s’imposer à elle.
Or, bien que cela paraît inimaginable il peut arriver qu’une des juridictions, pénale ou civile soit fermée à l’action en réparation du dommage causé par l’infraction. Par exemple, en droit pénal français, l’action en réparation du dommage causé par le délit de diffamation ne peut être intentée que devant la juridiction pénale. Ce qui signifie que la victime de la diffamation ne peut exercer une telle action devant une juridiction civile. Dans ce cas elle n’a pas le choix de la juridiction puisque la voie civile est fermée à son action.
b. La nécessité d’un lien de cause à effet entre l’infraction et le dommage dont la réparation est demandée
Cette exigence signifie que le dommage à réparer doit avoir sa source dans l’infraction, il doit avoir pour fondement l’infraction. Pourquoi une telle exigence pourtant évidente ?
Cette exigence se situe surtout au niveau de la juridiction pénale. En effet la juridiction pénale ne peut recevoir l’action en réparation d’un préjudice qui n’a pas été causé par l’infraction puisque ce que juge d’abord cette juridiction à travers l’action publique, c’est l’infraction. C’est sur la base de l’existence de l’infraction qu’elle peut apprécier la réalité et l’étendue du dommage dont la réparation est demandée.
Dès lors si le dommage n’a pas sa source dans l’infraction, la juridiction pénale est incompétente à recevoir l’action civile qui sollicite sa réparation et la voie pénale se trouve ainsi fermée.
Pour rendre l’action civile en réparation recevable par la juridiction pénale il faut un lien de cause à effet entre l’infraction et le dommage. C'est-à-dire que l’infraction doit être à la base du dommage subi, autrement dit le fait générateur du dommage. Pour illustrer cette exigence il convient de prendre l’exemple suivant. A la suite d’un contrat de dépôt conclu entre A et B, le premier remet en dépôt son bien entre les mains du second avec possibilité de restitution à la date convenue. Advenue cette date, B ne restitue pas le bien et ne donc aucune explication de son refus. Il est donc présumé l’avoir détourné ou dissipé. A porte plainte pour le délit d’abus de confiance contre B. celui-ci est condamné pour l’infraction d’abus de confiance. Mais au moment de demander réparation devant la juridiction pénale, du dommage que lui a causé cette situation A invoque le non-respect du contrat de dépôt qui le liait à B et non l’infraction d’abus de confiance pour laquelle B a été condamné. Son action n’étant pas fondée sur l’infraction mais sur une violation de contrat, elle ne sera pas reçue par la juridiction pénale. La voie pénale se trouve ainsi fermée à la réparation du dommage causé par l’infraction.
c. L’action publique ne doit pas être prescrite au moment de l’exercice de l’action civile
La victime ne peut avoir le choix de la juridiction que si l’action civile et l’action publique coexistent au moment de l’option. Car, si l’action publique venait à être éteinte par prescription, donc avant même qu’elle n’ait été examinée la voie pénale s’en trouverait automatiquement fermée. On reviendrait alors à la première exigence de l’ouverture concurrente des deux juridictions. En outre on ne peut pas obtenir réparation du dommage causé par l’infraction, si l’infraction elle-même n’a pas été établie, prouvée puisque l’action publique pour le faire est déjà prescrite. Par contre si l’action publique a été engagée devant la juridiction pénale et qu’elle s’est prescrite par la suite faute d’acte de poursuite, l’action civile exercée devant la même juridiction peut être continuée.
3. Conséquences de l’exercice du droit d’option
La principale conséquence de l’exercice du droit d’option est que le choix opéré par la victime est irrévocable. Cependant cette règle connait quelques atténuations
a. L’irrévocabilité du choix de la juridiction opéré par la victime de l’infraction
Le CODE DE PROCÉDURE PÉNALE prévoit que « La partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut plus la porter devant la juridiction répressive. »
De cette disposition légale on a tiré la conclusion que lorsque la victime a choisi la juridiction devant laquelle il souhaite exercer son action en réparation du dommage que lui a causé l’infraction, il ne peut plus revenir sur son choix qui devient ainsi irrévocable. Cette règle de l’irrévocabilité e principe est une application de la maxime latine « electa una via datur recursus da alteram » qui signifie que lorsqu’on a choisi une voie on ne peut plus revenir en arrière. Elle traduit trouve son explication dans le souci de ne pas faire « balader » le prévenu d’une juridiction à une autre, ce qui pourrait lui occasionner des frais de déplacement inutiles. Mais la règle connait quelques atténuations dégagées par la jurisprudence.
b. Les atténuations au principe de l’irrévocabilité de l’option
Trois principales atténuations à la règle ont été dégagées par la jurisprudence.
La première est que le choix de la juridiction civile compétente est révocable si dans le même temps la juridiction répressive a été également saisie par le ministère public à condition qu’un jugement sur le fond n’ait pas encore été rendu par la juridiction civile. Autrement dit tant que la juridiction civile ne s’est pas prononcée sur la demande en réparation alors que la juridiction répressive est encore saisie de l’action publique, la victime peut toujours revenir sur son choix de la voie civile. Cette première atténuation jurisprudentielle de la règle de l’irrévocabilité de l’option a été consacrée par le CODE DE PROCÉDURE PÉNALE.
La deuxième atténuation résulte de ce que la jurisprudence a admis que la victime peut encore revenir sur son choix si la juridiction civile qu’elle a saisie en premier n’est pas compétente pour recevoir son action en réparation.
Troisièmement enfin, le choix de la voie civile par la victime peut être également abandonné au profit de la voie pénale si avant son choix elle ignorait la nature infractionnelle du fait qui lui a causé un dommage.
On peut remarquer à l’analyse des atténuations dégagées par la jurisprudence que la révocabilité du choix ne semble possible que dans un seul sens. Celui du choix de la voie civile au profit de la voie pénale. Mais le contraire ne semble pas possible. C'est-à-dire que la victime ne peut porter son action d’abord devant la juridiction pénale, puis ensuite devant la juridiction civile. Cette impossibilité d’abandon de la voie pénale pour la voie civile semble s’expliquer par plusieurs raisons :
*Premièrement, si la victime renonçait à la voie pénale pour exercer son action civile devant la juridiction civile, elle serait obligée d’attendre le jugement de l’action publique avant que ne soit examinée l’action civile puisque la faute civile qui va justifier la réparation doit avoir pour fondement la faute pénale. A moins que son action en réparation devant la juridiction civile ne soit pas fondée sur l’infraction. Le juge civil nouvellement saisi serait alors obligé de surseoir à statuer jusqu’au jugement de l’action publique. On dit que le criminel tient le civil en l’état.
*Deuxièmement, la victime par l’exercice de son action civile devant la juridiction pénale, met en mouvement l’action publique qui est par la suite exercée par le Ministère Public. Elle ne peut donc pas abandonnée cette action en cours d’instance alors qu’elle l’a initiée.
*Enfin troisièmement l’exercice de l’action civile devant la juridiction pénale offre plus d’avantage en termes de moyens de preuve de la faute pénale et de célérité dans la prise de la décision. En effet en matière pénale, il n’appartient pas à la victime de démontrer la faute pénale. Cela relève du Ministère public.
Ainsi une fois que la faute pénale est établie la victime peut aisément obtenir réparation, pourvu qu’elle prouve le préjudice. Par ailleurs, devant la juridiction pénale, les décisions sur l’action publique et l’action civile peuvent intervenir et être exécutées en même temps.
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