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L’ATTEINTE A LA DIGNITE DES MORTS

Photo du rédacteur: Bléa AlbanBléa Alban

L’atteinte à la dignité des morts est une infraction pénale qui vise à protéger le respect dû aux défunts, à leurs sépultures et à leurs restes. En Côte d’Ivoire, cette infraction est régie par les articles 224 et 225 du Code pénal ivoirien, qui répriment les actes de profanation, de violation de sépultures et d’atteinte à l’intégrité des cadavres. Ce développement explore les éléments constitutifs de cette infraction, son appréciation par la jurisprudence et les cas particuliers qui en découlent.

 

1. Le cadre légal de l’infraction

Les articles 224 et 225 du Code pénal ivoirien définissent les infractions liées à l’atteinte à la dignité des morts. Ces dispositions visent à protéger le respect dû aux défunts, à leurs sépultures et à leurs restes.

a) Article 224 du Code pénal ivoirien

Cet article réprime trois types d’infractions :

  1. Trouble d’une cérémonie ou d’un convoi funéraire : Perturber une cérémonie ou un cortège funéraire.

  2. Violation ou profanation d’un lieu où repose un mort : Porter atteinte à l’intégrité d’une sépulture, d’un tombeau ou d’un lieu de repos.

  3. Dégradation ou souillure d’un monument funéraire : Endommager ou salir un monument érigé à la mémoire des morts.

Peines : Un emprisonnement d’un mois à un an et une amende de 50 000 à 500 000 francs.

 

b) Article 225 du Code pénal ivoirien

Cet article réprime des infractions plus graves liées à l’atteinte à l’intégrité des cadavres :

  1. Profanation ou mutilation d’un cadavre : Que le cadavre soit inhumé ou non.

  2. Outrage ou frappe publique d’un cadavre : Manifester publiquement un manque de respect envers un cadavre.

  3. Disparition ou soustraction d’un cadavre ou d’une partie de cadavre : Faire disparaître ou voler un cadavre ou des restes humains.

Peines : Un emprisonnement de deux mois à deux ans et une amende de 100 000 à 1 000 000 de francs.

 

2. Les éléments constitutifs de l’infraction

a) Atteinte à l’intégrité du cadavre

L’atteinte à l’intégrité du cadavre peut prendre diverses formes, notamment :

  • Profanation : Actes de dégradation ou de mutilation d’un cadavre.

  • Outrage public : Manifester un manque de respect envers un cadavre de manière publique.

  • Soustraction : Vol ou disparition d’un cadavre ou de parties d’un cadavre.

Exemple : Dans l’affaire TGI Arras, 27 octobre 1998 (D. 1999. 511, note Labbée), la prise de photos d’un cadavre partiellement déshabillé et manipulé a été qualifiée d’atteinte à l’intégrité du cadavre.

 

b) Violation ou profanation de sépultures

La violation ou la profanation de sépultures inclut tout acte portant atteinte au respect dû aux morts, que ce soit par des actions directes sur les tombes, les urnes cinéraires ou les monuments commémoratifs.

Exemples d’actes réprimés :

  • Destruction ou dégradation : Briser une pierre tombale, endommager un monument commémoratif.

  • Vol ou pillage : Voler des objets déposés sur une tombe ou dans une sépulture.

  • Actes symboliques : Inscriptions outrageantes, dépôt de tracts ou d’objets inappropriés.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 2 juin 1953 (Bull. crim. n° 188 ; D. 1953. 649, note F. G.), le fait de maculer une pierre tombale avec de la boue et d’y apposer des inscriptions a été qualifié de violation de sépulture.

 

3. Appréciation par la jurisprudence

La jurisprudence a développé une interprétation large de l’infraction, en se focalisant sur l’atteinte objective au respect dû aux morts, indépendamment de l’intention de l’auteur.

a) Intention non requise

L’infraction est caractérisée dès lors que l’acte implique nécessairement un outrage envers les morts, même si l’auteur n’avait pas l’intention de commettre un tel outrage.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 31 octobre 1889 (DP 1890. 1. 137), la Cour de cassation a confirmé que l’intention de l’auteur n’est pas un élément constitutif de l’infraction.

 

b) Cas d’exonération

Certains actes, bien qu’impliquant une manipulation du cadavre ou de la sépulture, ne sont pas considérés comme des infractions s’ils ne portent pas atteinte au respect dû aux morts.

Exemples :

  • Actes médicaux ou scientifiques : Une autopsie pratiquée dans le cadre de recherches scientifiques, même sans consentement explicite, ne constitue pas une infraction si elle ne vise pas à outrager le défunt (T. corr. Domfront, 21 décembre 1945, Gaz. Pal. 1946. 1. 153).

 

4. Cas particuliers

a) Exhumation et réinhumation

L’exhumation et la réinhumation ne constituent pas en elles-mêmes des infractions si elles sont justifiées par des raisons sérieuses et respectueuses. Cependant, des actes d’inconséquence graves lors de ces opérations peuvent être sanctionnés.

Exemple : Dans l’affaire T. corr. Bayonne, 10 octobre 1974 (Gaz. Pal. 1975. 1. Somm. 163), des actes de désinvolture lors d’une exhumation ont été qualifiés de violation de sépulture.

 

b) Vols dans les sépultures

Le vol d’objets déposés dans les sépultures ou les caveaux constitue une infraction distincte, mais peut également être qualifié de violation de sépulture si l’acte porte atteinte au respect dû aux morts.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 25 octobre 2000, n° 00-82.152 P (D. 2001. 1052, note Garé), des fossoyeurs ont été condamnés pour vol aggravé et violation de sépulture après avoir récupéré des bijoux dans des cercueils.

 

c) Dispersion des cendres

La dispersion des cendres d’un défunt ne constitue pas une infraction en soi, mais des tentatives de récupération des cendres peuvent être sanctionnées si elles portent atteinte au respect dû au défunt.

Exemple : Dans l’affaire Pau, 24 février 2005 (JCP 2005. IV. 3041), des prévenus ont été relaxés car leur intention était d’honorer la mémoire du défunt et non de commettre un outrage.

 

Conclusion

L’atteinte à la dignité des morts est une infraction qui vise à protéger le respect dû aux défunts, à leurs sépultures et à leurs restes. Les articles 224 et 225 du Code pénal ivoirien répriment les actes de profanation, de violation de sépultures et d’atteinte à l’intégrité des cadavres. La jurisprudence a développé une interprétation large de cette infraction, en se focalisant sur l’atteinte objective au respect dû aux morts, indépendamment de l’intention de l’auteur. Les cas particuliers, tels que les exhumations, les vols dans les sépultures ou la dispersion des cendres, illustrent la complexité de cette infraction et la nécessité d’une analyse rigoureuse des éléments constitutifs. Les références jurisprudentielles et doctrinales citées permettent de mieux comprendre les nuances et les limites de cette protection pénale.

 

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