Mlle GOUMINGOUMIN âgée de 17 ans, a eu un véritable coup de foudre pour PETICAILLOU, 19 ans. Ainsi, quelques mois après leur premier baiser, PETICAILLOU a demandé à GOUMINGOUMIN de l'épouser : il s'est mis à genoux sous une averse et lui a tendu la bague sertie de diamants qu'il avait hérité de son arrière-grand-mère. Alors que chacun s'évertue à organiser une fastueuse cérémonie depuis plusieurs semaines, PETICAILLOU a une révélation : il est en réalité amoureux depuis toujours de Mlle LOVESECRETE, a cousine germaine Il rejoint GOUMINGOUMIN, en plein essayage de sa robe de mariée, pour la quitter devant les yeux ébahis des amies et de la mère de celle-ci venue spécialement pour assister à l'essayage final de la robe. Depuis, PETICAILLOU a épousé LOVESECRETE, sans témoin et dans le plus grand secret afin que leurs familles ne soient pas au courant de cette union. Quant à GOUMINGOUMIN, elle tente d'oublier son chagrin en se concentrant sur sa vengeance. Elle n'a de cesse de se remémorer les derniers mots de PETICAILLOU (« je ne t'aime pas, je ne t'ai jamais aimée, je vais épouser une autre femme qui, elle, saura me rendre heureux ») et l'humiliation publique qu'elle a alors vécue. Elle espère ne jamais lui rendre la bague de fiançailles, faire annuler son mariage avec LOVESECRETE voire obtenir des dommages intérêts.
Pensez-vous que GOUMINGOUMIN pourra obtenir gain de cause ?
Proposition de résolution
Il ressort de l'espèce les faits suivants :
Mlle GOUMINGOUMIN, âgée de 17 ans, et M. PETICAILLOU, âgé de 19 ans, étaient sur le point de se marier après une demande en mariage romantique sous la pluie, impliquant une bague héritée de l'arrière-grand-mère de PETICAILLOU. Cependant, alors que les préparatifs d'une somptueuse cérémonie de mariage étaient en cours, PETICAILLOU annonce à GOUMINGOUMIN qu'il est en fait amoureux de sa cousine germaine, Mlle LOVESECRETE. Il rompt publiquement avec GOUMINGOUMIN lors de l'essayage de sa robe de mariée, provoquant une grande humiliation devant ses amies et sa mère.
PETICAILLOU épouse ensuite secrètement Mlle LOVESECRETE sans informer leurs familles. GOUMINGOUMIN, se sentant humiliée et trahie, décide de se venger et refuse de rendre la bague de fiançailles. Elle envisage également de faire annuler le mariage de PETICAILLOU avec LOVESECRETE et de demander des dommages-intérêts pour le préjudice subi.
Les questions juridiques à examiner incluent la validité du mariage, la restitution de la bague de fiançailles, Les causes d'annulation du mariage, et la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive des fiançailles.
Les problèmes qui se dégagent sont les suivants :
Quel est le sort de la bague de fiançailles offerte par l'ex-fiancé en cas de rupture des fiançailles ?
Un mineur peut-il se marier en droit ivoirien ?
Un mariage secrètement contracté est-il valable en droit ivoirien ?
Un mariage entre cousin et cousine germaine est-il valable ?
La réponse à ces interrogations se fera selon l'ossature suivante :
I-La rupture des fiançailles et le sort de la bague de fiançailles
Mlle GOUMINGOUMIN envisage d'agir en responsabilité civile délictuelle contre PETICAILLOU (ex-fiancé) pour obtenir des dommages et intérêts en réparation des préjudices subis du fait de la rupture de leurs fiançailles. Il convient dès lors de déterminer dans quelles conditions la rupture des fiançailles peut être fautive (A) avant d'examiner la question de la conservation de la bague de fiançailles offerte à la fiancée en vue du mariage (B).
A-La rupture des fiançailles a l'initiative de PETICAILLOU
1-Le principe
Selon la jurisprudence ivoirienne (CSCJ, 4 avril 1969, RID, 1970, n02, p. 30 ; CAA, 16 juin 1972, RID 1974, no 1-2, p.18), les fiançailles ne constituent pas un contrat mais un simple fait juridique. Il ressort de ce qui précède d'une part, la liberté pour toute personne de se marier ou de ne pas se marier, mais surtout de choisir librement son conjoint.
D'autre part, les fiançailles peuvent être librement rompues. Aussi, « la rupture d'une promesse de mariage n'est-elle pas, à elle seule, génératrice de dommages-intérêts, lesquels ne peuvent être accueillis que s'il vient s'y ajouter une faute en raison des circonstances ».
En l'espèce donc, PETICAILLOU pouvait librement rompre ses fiançailles d'avec Mlle GOUMINGOUMIN pour le bonheur de LOVESECRETE.
2-Exception
« La rupture d'une promesse de mariage n'est pas, à elle seule, génératrice de dommages-intérêts, lesquels ne peuvent être accueillis que s'il vient s'y ajouter une faute en raison des circonstances ».
Le seul fait de mettre fin aux fiançailles ne constitue donc pas une faute en soi. Seules les conditions dans lesquelles intervient cette rupture peuvent être considérées comme une faute exposant son auteur au paiement des indemnités (Somme d'argent) à l'autre fiancé (e) délaissé.
En l'espèce, l'annonce tardive et brutale de la rupture des fiançailles s'est accompagnée de propos humiliants et vexatoires à l'égard de Mlle GOUMINGOUMIN. Par conséquent, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil (faute, préjudice et lien de causalité) qui dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer », Mlle GOUMINGOUMIN peut efficacement assigner PETICAILLOU en responsabilité civile délictuelle afin d'obtenir sa condamnation au paiement des dommages-intérêts en guise de réparation des préjudices moral (souffrance endurée, déception) et matériel (dépenses et frais exposés pour les préparatifs du mariage) qu'elle a subi du fait de cette rupture abusive.
II-La conservation de la bague de fiançailles par l'ex-fiancée
En cas de rupture des fiançailles, une ex-fiancée peut-elle conserver la bague de fiançailles reçue de l'ex-fiancée ? En cas de rupture, la question se pose de savoir si la fiancée doit garder ou restituer la bague de fiançailles.
Principe : Selon l'article 51 de la loi sur les libéralités « La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d'inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite et pour cause d'ingratitude ». En vertu de ce texte, la bague doit être restituée parce qu'elle avait été donnée en vue du mariage, et si te mariage n'a pas eu lieu, elle doit être restituée, peu importe qui a raison ou tort.
En plus, les faits disent « qu'il lui a tendu la bague sertie de diamants qu'il avait hérité de son arrière-grand-mère ». Il s'agit d'un bien familial qui devait être transmis en cas de mariage. Faute de mariage, ce bijou doit revenir à la famille d'origine.
Exception : Si ce sont les fiancés eux-mêmes qui ont acheté la bague et que la fiancée n'est pas fautive, elle devrait logiquement garder la bague. Mais ici, les faits sont clairs, il s'agit d'une bague de famille. Donc in fine, Mlle GOUMINGOUMIN doit restituer la bague.
III-L'action en nullité du mariage
A-La question de la nullité du mariage entre PETICAILLOU et LOVESECRETE au regard de l'absence de témoin.
Le mariage célébré en l'absence de témoin et à l'insu des familles des époux encourt-il la nullité pour clandestinité ?
Selon l'article 23 al. 1 er de la loi n° 2019-570 du 26 juin 2019 relative au mariage « Le jour fixé pour la célébration du mariage, l'officier de l'état civil en présence de deux témoins majeurs, parents ou non, fait lecture aux futurs époux, personnellement présents, du projet d'acte de mariage, du régime matrimonial choisi si les époux n'ont pas fait de contrat de mariage, ainsi que des articles 45, 51, 52 et 56 ».
Seulement les articles qui imposent la nullité du mariage (articles 26 à 29 : nullité absolue) et qui suggère une nullité (articles 30 à 32 = nullité relative) ne visent aucunement l'absence de témoins. Doit-on dire que l'absence de témoins n'invalide pas le mariage ?
B-L'action en nullité du mariage pour cause de lien de parenté
Le mariage conclu entre un cousin et cousine germains encourt-t-il la nullité pour cause de parenté ?
Selon l'article 7 de la loi relative au mariage « Est prohibé le mariage entre
1 ° en ligne directe, les ascendants et descendants et les alliés dans la même ligne
2° en ligne collatérale, frère et sœur, oncle et nièce, neveu et tante et entre alliés au degré de beau-frère et belle-sœur, lorsque le mariage qui produisait l'alliance a été dissous par le divorce 3° 1'homme et la femme qui l'a nourri au sein ;
4° l'homme et la fille de son ancienne épouse née d'une autre union ;
5° la femme et le fils de son ancien époux né d'une autre union ;
6° 1'homme et l'ancienne épouse de ses ascendants en ligne directe et collatérale ;
7° la femme et l'ancien époux de ses ascendantes en ligne directe et collatérale ;
8° 1'adoptant et l'adopté ;
9° l'adopté et les enfants de l'adoptant ;
10° 1'adopté et le conjoint de l'adoptant et réciproquement entre l'adoptant et le conjoint de l'adopté
11° les enfants adoptifs de la même personne.
Néanmoins, le procureur de la République, saisi par toute personne intéressée, peut lever les prohibitions pour causes graves entre alliés en ligne directe et en ligne collatérale au degré de beau-frère et de belle-sœur, lorsque la personne qui a créé l'alliance est décédée.
Ce texte n'interdit aucunement le mariage entre cousin et cousine germains c'est-à-dire entre quelqu'un et le fils ou la fille de son oncle ou de sa tante.
En l'espèce, les époux PETICAILLOU sont cousin et cousine germains. Mais en dépit de ce lien de parenté, la loi n'empêche pas un tel mariage.
Le mariage contracté entre ces deux personnes est parfaitement légal. Une éventuelle action en nullité de l'ex-fiancée, Mlle GOUMINGOUMIN sur ce fondement n'aura donc également aucune chance de prospérer.
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