Le critère de la décision est la portée de la décision. En effet la distinction tient à la question de savoir si la juridiction peut ou non revenir sur sa décision.
Un jugement est dit définitif lorsqu’étant rendu, le juge n’a plus la possibilité de la révoquer étant définitivement dessaisi de la question. Il ne faut pas faire la confusion à ce niveau entre le jugement définitif et le jugement sur le fond. Un jugement peut être définitif sans pour autant porté sur le fond.
Exemple : Si un juge est saisi d’une action en paiement de dommages et intérêts, et qu’une exception d’incompétence est soulevée, lorsqu’il statut sur l’exception d’incompétence pour retenir sa compétence, la décision relative à la compétence est définitive, mais il n’a pas statué sur le fond. Statuer sur le fond suppose qu’il dise si la demande de paiement en dommages et intérêts est bien fondée ou non.
La décision sur le fond est donc une décision définitive, mais n’épuise pas la liste des décisions définitives. La notion de décision définitive doit être également différenciée de celle de la décision insusceptible de voies de recours.
En revanche le jugement avant-dire-droit, est celui que prend une juridiction avant sa décision sur le fond, soit pour régler provisoirement la situation des parties, soit pour préparer la décision sur le fond. C’est pourquoi on dit que cette décision intervient avant que la juridiction ne dise le droit sur le fond.
Le jugement avant-dire-droit se présente sous deux (2) variétés : ce peut être soit des mesures provisoires, soit des mesures d’instruction.
a-Mesures provisoires
Pendant le cours de l’instance, il peut être utile pour les parties que le tribunal prenne des décisions avant de trancher le litige dont il est saisi, et qui oppose ces parties.
L’exemple courant est le cas où, dans le cadre d’une action en responsabilité des suites d’un accident, la victime demande une provision. Et si le tribunal accède à la demande de la victime sur la provision, il décidera par jugement avant-dire-droit que cette provision soit versée à la victime. Cette mesure provisoire, parce qu’elle ne lie pas le juge, il peut toujours revenir sur sa décision sans que le bénéficiaire ne puisse s’y opposer.
b-Mesures d’instruction
Il peut arriver que le tribunal étant saisi d’un litige, celui-ci présente une complexité telle que le tribunal n’en a pas une connaissance claire qui lui permet de rendre un jugement sur le fond.
Aussi, pour en avoir une idée plus nette, le tribunal peut être amené à ordonner des mesures d’instruction telles que l’expertise, l’enquête, le transport sur les lieux, etc. Et c’est en cela que sa décision, prise en vue de rendre la décision de fond qu’elle prépare, constitue une décision avant-dire-droit.
Dans les décisions avant-dire-droit, on distingue celles qui préjugent du fond, de celles qui n’en préjugent pas. Les premières sont interlocutoires, quand aux secondes, elles sont préparatoires.
Exemple : A l’occasion d’une action en responsabilité délictuelle résultant d’un accident, si le juge commet un expert pour évaluer le dommage, sa décision est interlocutoire, mais si au contraire, le juge commet l’expert en vue de déterminer seulement les circonstances de l’accident, il ne préjuge pas du fond et sa décision est dite préparatoire.
v Intérêt de la distinction
Le jugement définitif a toujours l’autorité de la chose jugée, de sortes que le juge ne peut plus révoquer sa décision.
Au contraire, le jugement avant-dire-droit peut dessaisir le juge ou ne pas le dessaisir. Il convient de faire à ce niveau une distinction.
-S’il s’agit d’une mesure provisoire, la solution est certaine que cette décision n’a pas l’autorité de la chose jugée. Elle peut toujours être remise en cause, et la partie qui en bénéficie n’a aucun intérêt à son maintien. Tout au plus, si la décision est rendue au fond à son bénéfice, ces mesures provisoires sont consolidées par la décision au fond, en raison du caractère définitif de celle-ci.
-S’il s’agit d’une mesure d’instruction, il faut distinguer selon que la mesure est interlocutoire ou préparatoire.
Si elle est préparatoire, dans la mesure où elle ne préjuge pas du fond, la mesure d’instruction peut être révisée, abandonnée, car elle n’a pas autorité de la chose jugée.
Si en revanche, elle a un caractère interlocutoire, du moment où la mesure ordonnée préjuge au fond, il devrait lui être attaché l’autorité de la chose jugée et le juge, en conséquence, devrait pouvoir revenir sur sa décision.
Mais la jurisprudence convient du contraire, car on estime que tant que le juge n’a pas statué au fond, il doit pouvoir se raviser. C’est ce qu’exprime l’adage : « L’interlocutoire ne lie pas le juge ».
Un autre intérêt attaché à la distinction entre jugement interlocutoire et jugement préparatoire vient de ce que l’article 163 du code de procédure civile prévoit les jugements avant-dire-droit, qu’elles préjugent ou non du fond, ne peuvent être frappés d’appel qu’avec la décision sur le fond.
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