Délit d’application très fréquente, il représente une part importante du contentieux en matière d’accidents routiers, accidents de travail dans les entreprises ou à l’occasion de l’exercice d’un sport, de la médecine etc.
SECTION I – LES ELEMENTS CONSTITUTIFS
Le caractère involontaire de cette infraction supprime l’élément intentionnel.
Mais, s’il n’y a pas d’intention coupable à l’origine, il existe un acte fautif souvent volontaire. Le lien de causalité est également fondamental en la matière.
§1 – l’existence d’une faute pénale
Article 392 : « Est puni d'un emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs, quiconque, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements commet involontairement un homicide ou en est involontairement la cause ».
La constitution de l’infraction d’homicide suppose une faute. Il est notable que le code pénal n'incrimine pas de façon générale n'importe quelle faute, mais vise précisément des comportements ayant entraîné une atteinte à l'intégrité d'une personne.
La faute pénale revêt plusieurs formes (protéiformes) :
A/ Les faute de maladresse, imprudence, inattention, négligence.
Les deux premières (maladresse, imprudence) désignent des fautes de commission au cours d’une action dommageable.
La maladresse est un manque de dextérité manuelle, un manque d’habileté. Par exemple, commet une faute de maladresse, l’ouvrier qui laisse échapper un outil qui s’écrase sur la tête d’une tierce personne et la tue.
Exemple : Le médecin qui prescrit un remède manifestement trop énergique : le malade meurt. Le chasseur atteint un passant alors qu'il voulait tuer une pièce de gibier.
La faute d’imprudence, c'est la méconnaissance des règles élémentaires de prudence malgré l'éventualité prévisible d'un dommage. Elle peut se manifester par une prise de risques excessifs (ex : vitesse excessive), un défaut de précautions (ex : non respect des prescriptions sur le fonctionnement d'une machine) ou le non respect d'un règlement intérieur d'entreprise.
Exemples : Le conducteur qui a une crise d'épilepsie au volant et cause un accident alors qu'il se savait atteint d'une telle affection. Le chirurgien qui ne s'assure pas qu'un lavage d'estomac a été fait avant l'anesthésie.
Les fautes d’inattention et de négligence sont généralement des fautes d’omission ou d’abstention. L’auteur de ce type de faute prend un risque ou exécute un acte conscient mais le réalise mal.
L'inattention se manifeste par une attitude distraite, étourdie : par exemple, le cas du chirurgien qui oublie une pince dans l’abdomen d’un opéré, qui intervient tardivement. Les infirmiers qui, par inattention ou négligence, laissent un aliéné confié à leur garde mettre fin à ses jours, commettent le délit d’homicide involontaire, la mort de l’aliéné étant due, en effet, non à sa libre volonté, mais à la faute de ses gardiens.
La négligence est une faute d'abstention ou d'omission. Elle est la manifestation de la paresse ou de l'indiscipline : par exemple, dans une espèce, les juges ont retenu la responsabilité pénale d’un maire de commune, parce qu’une grosse pierre en équilibre dans un lieu public s’est déplacée et a tué un enfant par écrasement, le maire connaissant la dangerosité de la pierre.
Exemples : Un chirurgien qui oublie une pince dans les viscères d'un opéré. Le fait pour un propriétaire de ne pas avoir remédié à l'état défectueux des conduites de gaz, ce qui a entraîné l'asphyxie d'un locataire.
Les juges du fond apprécient souverainement les faits constituant ces fautes.
La gravité de la faute est sans influence sur l'existence de l'infraction. Le délit d’homicide involontaire prévu par l’art. 392 est constitué dès lors que cet homicide est le résultat d’une faute, même légère.
En outre, seul peut être considéré comme fautif un comportement qui n’est pas celui d’une personne normalement diligente au regard des circonstances de l’espèce. La faute s’apprécie au regard de l’obligation de diligence qui s’impose à tous : le bon sens, la prudence du « bon père de famille ». La faute simple s’apprécie donc in abstracto. Dans le cas des professionnels, le respect de "la règle de l'art" servira à apprécier la faute.
B/ Manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par le règlement
La faute consistant en l’inobservation des règlements caractérise un dol éventuel.
Cette faute suppose l’existence d’un texte particulier et la volonté réfléchie de le violer en sachant qu’un dommage peut se produire sans que ce dommage ait été recherché.
Les règlements doivent être entendus dans le sens le plus large possible : il s’agit non seulement des actes émanant du pouvoir exécutif (décrets et arrêtés : code du travail, code de la route etc.) mais aussi des règles professionnelles (usages professionnels, règles de l’art etc.).
Les règlements intérieurs des entreprises ou établissements en sont exclus.
On retrouve de nombreuses applications de cette faute dans les accidents de la circulation : excès de vitesse, état défectueux ou non entretien du véhicule automobile, défaut de maîtrise du véhicule, prêter le véhicule à un enfant mineur etc.
§2 – l’exigence d’un préjudice
Il faut que l’imprudence entraîne le décès. La jurisprudence exige que pour que le délit de l’art. 392 soit possible, la victime doit être encore en vie au moment de l’action imprudente du prévenu. Le délit d’homicide involontaire commis sur la personne d’un enfant qui vient d’être mis au monde, ne peut être retenu que s’il est établi que ledit enfant a vécu, qu’il est né vivant et viable.
Ainsi, ne peut être condamné pour homicide involontaire, le conducteur d'un véhicule qui passe sur le corps d'une personne renversée par un autre véhicule et dont il n'est pas prouvé qu'elle vivait encore au moment du second choc (Crim. 12 décembre 1972, RSC 1973-409, obs. Levasseur). En revanche, lorsque la victime meurt ultérieurement des suites de ses blessures, il y a bien homicide par imprudence. En effet, l'homicide est constitué au jour du décès et non à la date du fait délictueux qui en a été la cause (Ch. Mixte 26 février 1971 BC 67).
§3 – l’existence d’un lien de causalité entre la faute et le décès
Le lien de cause à effet est donc indispensable à la répression, et le juge doit en conséquence, en affirmer l’existence.
L’art. 392 ne fait pas de distinction entre les cas où la personne physique a causé directement le dommage et les cas où, la personne a créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou n’a pas pris les mesures permettant de l’éviter: « commet involontairement un homicide ou en est involontairement la cause ».
Ainsi, l’art. 392 n’exige pas pour son application que le lien de causalité soit direct et immédiat. Il suffit seulement que les conséquences dommageables de la faute aient été ou non prévisible pour son auteur. C’est la consécration de la théorie de l’équivalence des conditions.
Ainsi, le fait de laisser trainer une arme à feu à la portée d’un enfant ou d’un dément qui s’en sert, et tue accidentellement une personne.
Ainsi, le décès de la victime d’un accident de la circulation, provoqué par une anesthésie au cours d’une opération chirurgicale jugée utile pour diminuer l’impotence fonctionnelle dont elle souffrait, justifie des poursuites pour homicide involontaire à l’encontre de l’auteur de l’accident : Crim. 10/7/1952, bull. crim. 1952, n°85.
Même solution, dans le cas où la victime apparemment indemne décède d’une hémorragie quelques heures après l’accident.
Par ailleurs, il convient de noter que l’art. 392 n’exige pas, pour son application, que la faute du prévenu ait été la cause exclusive du dommage.
Plusieurs cas de figure peuvent se présenter :
Ø Concours de la faute du prévenu et de la faute d'un tiers : les juges attribuent une part de responsabilité pénale à toute personne dont la faute a concouru à la réalisation de l'infraction (ex : exploitants de dancing, installateur de chauffage, fournisseur de matières inflammables et maire impliqués dans l'incendie d'une boîte de nuit).
Ø Concours de la faute du prévenu et de la faute de la victime : la faute de la victime ne peut exonérer l’auteur de sa responsabilité pénale, à moins qu’elle ait été la cause unique et exclusive de la mort de la victime. Dès lors que la faute du prévenu a créé les conditions de réalisation du dommage même si la victime a commis une faute, sa responsabilité est retenue.
Le prévenu ne pourra aussi se dégager de sa responsabilité pénale que s’il prouve que le dommage a été causé par un cas de force majeure et non par sa faute.
Par exemple, il a été jugé que par sa nature, l’éclatement d’un pneumatique est soudain et instantané ; il en résulte une surprise totale pour le conducteur, lequel est fondé à se prévaloir de la situation de force majeure. En revanche, une défaillance physique que l’auteur de l’infraction avait la possibilité de prévoir ne saurait constituer une circonstance exclusive de la culpabilité ; ainsi en est-il d’un malaise prévisible à raison de troubles anciens et d’une tension très basse.
Ø Prédisposition de la victime : solution identique. Est coupable d’homicide involontaire, le prévenu qui a causé un accident dont la victime est décédée, alors même qu’en raison de l’état de santé déficient de celle-ci, cet accident n’a pas été la cause exclusive du dommage du décès auquel il a contribué.
Si l’article 392 n’exige pas pour recevoir application, qu’un lien de causalité directe et immédiat existe entre la faute du prévenu et le décès de la victime, il faut tout de même que l’existence de ce lien soit certaine. Les juges doivent le constater. Par exemple, l’existence du lien de causalité n’est pas certaine, dans une poursuite pour homicide involontaire, quand la cour d’appel relève que l’expert, envisageant deux causes possibles de la mort, a lui-même noté qu’aucune ne pouvait être affirmée de manière absolue en l’absence d’autopsie.
SECTION II – LA REPRESSION
Le fait justificatif de la légitime défense est inconciliable avec le caractère involontaire de l’infraction.
§1 – La peine applicable
Article 392 :
emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs.
emprisonnement de trois mois à trois ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs au cas où l'homicide a été entraîné ou provoqué par un incendie causé involontairement.
§2 – La prescription
Le délit d’homicide n’est constitué que du jour du décès. Dès lors, le point de départ de la prescription de l’action publique est fixé non pas à la date de commission de la faute pénale, mais à la date du décès. Donc, s’il y a faute et si le préjudice ne se produit que de nombreuses années après, la prescription ne commence à courir qu’après le décès car c’est à ce moment là seulement que le délit est constitué.
La responsabilité de la personne morale est possible : cf. Article 96 CP.
Comments