Article 394. - Constitue une mutilation génitale, l'atteinte à l'intégrité de l'organe génital de la femme, par ablation totale ou partielle, infibulation, insensibilisation ou partout autre procédé.
Quiconque commet une mutilation génitale est puni d'un emprisonnement d’un à cinq ans et d'une amende de 200.000 à 2.000.000 de francs.
La peine est portée au double lorsque l'auteur appartient au corps médical ou paramédical.
La peine est d'un emprisonnement de cinq à vingt ans lorsque la victime en est décédée.
La tentative est punissable.
Article 395. - Le Juge peut, en outre, prononcer contre l'auteur l'interdiction d'exercer sa profession pendant une durée n'excédant pas cinq ans lorsqu'il appartient au corps médical ou paramédical.
Article 396. - Il n'y a pas d'infraction lorsque la mutilation a été faite dans les conditions indiquées à l'Article 389.
Article 397. nouveau - Par dérogation aux dispositions de l'Article 303, sont punis des peines prévues à l'Article 394 alinéa 2, les père et mère, alliés et parents de la victime jusqu'au quatrième degré inclusivement qui, sachant la mutilation génitale imminente, ne l'ont pas dénoncée aux autorités administratives ou judiciaires, ou à toute personne ayant le pouvoir de l'empêcher.
Les peines prévues à l'Article 394 alinéa 2 s'appliquent également aux conjoints, concubins, alliés et parents de l'auteur de l'acte jusqu'au quatrième degré inclusivement.
Article 398. - Les dispositions des Articles 114, 115 et 130 ne sont pas applicables aux cas prévus aux alinéas 3 et 4 de l'Article 394.
Selon l’UNICEF (institution onusienne en charge de la protection des droits des enfants), les femmes qui ont subi la mutilation génitale en Côte d’Ivoire constituent (36%) de la population féminine ivoirienne.
C’est une pratique coutumière, un rite initiatique qui permet à la jeune fille de devenir adulte et d’acquérir une valeur sociale non méritée pour les filles non mutilées. En effet, « dans certaines régions, une femme non excisée est considérée comme mineure et ne siège pas au sein des groupes de femmes ».
Mais cette pratique entraine de graves conséquences tant sur le plan physique que psychique de la jeune fille (complications médicales, risques d’infections à VIH-SIDA, le tétanos, anxiété et la mélancolie etc.).
Au regard de ces conséquences néfastes, la mobilisation internationale et nationale a abouti à l’adoption de la loi n°98-757 du 23 décembre 1998 portant répression de certaines formes de violences à l’égard des femmes.
Le nouveau code a abrogé cette loi, les incriminations qu’elle prévoyait ont été directement intégrées dans le code.
§1 - l’incrimination de la mutilation génitale
L’incrimination est prévue à l’article 394 cp.
A/ L’élément matériel de la mutilation génitale
Aux termes de l’article précité, « Constitue une mutilation génitale, l'atteinte à l'intégrité de l'organe génital de la femme, par ablation totale ou partielle, infibulation, insensibilisation ou partout autre procédé ».
L’ablation totale de l’organe génitale (clitoridectomie) est une opération qui consiste à sectionner le clitoris et souvent les petites lèvres de l’organe reproducteur féminin.
L’ablation partielle correspond à la circoncision chez le garçon qui consiste en l’ablation, ou en l’incision du capuchon du clitoris.
L’infibulation, est une excision doublée de l’ablation des grandes lèvres suivie de la suture bord à bord des deux moignons laissant une minuscule ouverture pour permettre l’écoulement de l’urine et du flux menstruel.
Quant à l’insensibilisation, il vise à faire perdre au sexe de la femme, toute sensibilité. Elle se réalise concrètement par le massage ou des piqûres du sexe de l’enfant ou de la femme jusqu’à le rendre insensible.
L’imagination de l’être humain étant sans borne, notre législateur ivoirien prend le soin de viser « tout autre procédé » pouvant être utilisé pour mutiler la femme afin qu’aucune forme d’atteinte demeure impunie.
B/ L’élément moral de la mutilation génitale féminine
L’article 394 cp qui incrimine cette forme de violence à l’égard des femmes n’a pas exigé de dol spécial : l’élément moral de la mutilation se caractérise donc par la conscience qu’a l’auteur de commettre un fait prohibé par la loi.
§2- la répression de la mutilation génitale
La répression de la mutilation génitale féminine demeure spécifique dans la mesure où, d’une part, les règles de poursuite sont partiellement différentes des règles applicables aux agressions sexuelles telles que le viol ou le harcèlement et d’autre part, certaines circonstances aggravantes de cette infraction ne se retrouvent dans aucune des deux autres violences sexuelles.
A/ les règles de poursuite
L’une des originalités de la procédure relative à la répression des mutilations, c’est l’obligation faite à certaines personnes ayant connaissance du caractère imminent d’une mutilation d’en informer soit la police, soit le procureur de la République ou le juge d’instruction territorialement compétent ou toute autre personne ayant capacité pour l’empêcher : art. 397 cp. Il s’agit des père et mère, alliés et parents de la victime jusqu'au quatrième degré inclusivement,
En cas de dénonciation, ces personnes s’exposent à un emprisonnement d'un à cinq ans et d'une amende de 200.000 à 2.000.000 de francs.
Un autre point procédural distinctif, est l’interdiction faite au procureur de transiger en la matière alors que cette infraction est un délit.
B/Les modalités de la répression
Ø Faits justificatifs :
L’article 396 cp exclut de la répression certains cas de mutilations, notamment, celles effectuées dans le cadre médical. Il n’y a donc pas d’infraction lorsque la mutilation a été faite dans les conditions indiquées à l’article 389 du code pénal, lequel pose trois conditions cumulatives pour que les actes médicaux ou chirurgicaux ayant entraîné l’homicide, les blessures ou les coups ne soient pas constitutifs d’infractions.
Ainsi, si les mutilations ont été effectuées dans un intérêt thérapeutique, conformément aux données de la science, à l’éthique médicale et aux règles de l’art, par une personne légalement habilitée à le pratiquer et avec le consentement du patient ou de son conjoint ou de la personne qui en a la garde, elles ne constituent plus des infractions.
La question qui se pose immédiatement est de savoir si les individus qui ont réalisé ou, ont commandité la mutilation génitale sont punissables alors qu’ils entendaient agir dans l’intérêt de la victime ? Les mobiles étant sans influence sur la responsabilité pénale, la réponse à cette question est affirmative quel qu’honorable fut le mobile de ces individus.
Ø La tentative est punissable
La tentative de mutilation génitale est visée par le dernier alinéa de l’article 394 cp.
La tentative de la mutilation génitale suppose réunies, les deux conditions requises par l’article 28 du code pénal ivoirien à savoir, l’acte impliquant sans équivoque l’intention irrévocable du délinquant et le désistement involontaire.
Il y aurait désistement involontaire, par exemple si la jeune fille s’échappe des mains des individus devant pratiquer la mutilation, ou lorsque la mutilation n’a pu être réalisée par suite de la résistance opposée par la victime ou encore lorsque l’individu a renoncé à l’acte par crainte d’être dénoncé.
Les tribunaux ivoiriens ne se sont pas encore prononcés sur des cas de tentative de mutilation génitale féminine. Mais, il y a eu quelques cas de condamnation pour excision par les tribunaux correctionnels de province.
C/ les peines applicables
L’infraction simple de mutilation est punie selon l’article 394 al. 2 cp, d’un emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 200 000 à 2 000 000 FCFA.
La peine est aggravée en raison de la qualité de l’auteur de l’acte d’une part, et d’autre part, des conséquences de la mutilation sur la vie de la victime.
La peine initiale est doublée lorsque l’auteur de l’infraction, membre du corps médical ou para-médical, aura agi en méconnaissance des conditions cumulatives posées par l’article 389 du code pénal : dans ce cas, la peine encourue sera un emprisonnement de deux à dix ans et une amende de 400 000 à 4 000 000 FCFA. En plus de cette peine, le juge a la faculté de prononcer contre l’auteur de la mutilation une interdiction d’exercer sa profession pendant une durée n’excédant pas cinq ans (art. 395 cp).
Si la victime décède, la peine encourue est un emprisonnement de cinq à vingt ans (art. 394 al.4 cp).
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