Le recours pour excès de pouvoir que bien des observateurs considèrent comme l’une des merveilles du droit administratif français évoque bien des questions dont la première est celle du juge compétent. Il convient donc de se pencher sur cette question avant d’étudier les différents points relatifs pour recours pour excès de pouvoir. Rappelons que le système juridictionnel ivoirien a connu quelques modifications depuis les réformes constitutionnelles du 02 juillet 1998. L’on est ainsi passé de l’unité de juridiction à la dualité de juridiction, avant d’être placé sous un régime juridictionnel mixte par l’effet de la constitution du 08 novembre 2016, instituant la troisième république.
Le dualisme juridictionnel, quoique prévu par la révision constitutionnelle de 1998 et confirmée par la constitution du 1er août 2000, n’a pu recevoir l’effectivité attendue. Le système consacré par la constitution du 08 novembre 2016, qualifié de dualiste par la constitution, mais mixte en réalité, n’ayant pas encore été installé, l’unité de juridiction instituée par la constitution du 03 novembre 1960 continue d’être en vigueur. Dans un tel système, quelle est l’instance qualifiée pour connaître des recours pour excès de pouvoir. En la matière, de la logique du monisme juridictionnel n’a pas été poussée jusqu’à son bout : ce n’est pas le juge ordinaire qui est compétent, mais plutôt la chambre administrative de la cour suprême qui a reçu compétence pour connaître des recours pour excès de pouvoir, formés contre les décisions prises par les autorités administratives. C’est dire que dans l’unité de juridiction, c’est le juge suprême qui est qualifié pour connaître des recours pour excès de pouvoir. Il en est ainsi probablement parce que le fait de connaître de la légalité des actes administratifs et de les censurer éventuellement, a été senti et ressenti par le législateur comme quelque chose de tellement redoutable qu’on ne pouvait en confier le soin au juge ordinaire.
Ce point établi ou précisé, il est possible maintenant d’examiner les problèmes qui se posent relativement à cette belle invention qu’est le recours pour excès de pouvoir.
I- LES CARACTERES DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR
Le recours pour excès de pouvoir présente un certain nombre de caractères qu’il nous incombe d’exposer successivement.
A- Le recours pour excès de pouvoir, « procès fait à un acte »
Cette belle formule d’Edouard Laferrière fait apparaître le caractère objectif du recours pour excès de pouvoir. Elle traduit ce qu’est la seule question posée au juge et qui est la suivante : l’acte attaqué est-il légal ?
Il ne s’agit pas pour le juge de reconnaître que le requérant est titulaire d’un droit à l’encontre de l’administration ou que cette dernière est tenue à une obligation à l’égard du requérant. Il s’agit de décider du sort de l’acte contre lequel le recours est dirigé. Toutefois, il faut souligner que l’on n’assiste pas à un simple face à face entre le juge et l’acte attaqué. La procédure suivie en la matière est contradictoire et cela a pour but de permettre au juge d’avoir les meilleures chances de statuer en bonne connaissance de cause. C’est dire que le juge se trouve en face du requérant poursuivant l’annulation de l’acte, et du représentant légal de l’administration combattant l’argumentation du requérant. Mais, dans l’instance engagée, c’est-à-dire dans le procès, le requérant joue le rôle d’un ministère public poursuivant la répression d’une infraction. Il reste toutefois que selon la doctrine dominante et selon la jurisprudence, le recours pour excès de pouvoir n’est pas un litige entre parties, conseil d’Etat, 10 avril 1950, Villèle.
Enfin, l’annulation prononcée vaut à l’égard de tous. Elle a l’autorité de la chose jugée. Et c’est dans l’intérêt de la légalité que l’annulation a été décidée.
B- le recours pour excès de pouvoir, recours d’utilité publique
Ayant pour objet la sauvegarde de la légalité, le recours pour excès de pouvoir se présente comme un recours d’utilité publique. Cette circonstance explique que le recours pour excès de pouvoir soit ouvert sans nécessité d’un texte et cela, parce que le recours pour excès de pouvoir est un principe général de droit. Ainsi, le recours pour excès de pouvoir est ouvert contre toute décision administrative, sauf disposition législative contraire, conseil d’Etat 17 février 1950, dame Lamotte ; CSCA 1er avril 1964, Dibi Yao Georges.
Un autre principe se rattachant au caractère d’utilité publique du recours pour excès de pouvoir, est que ce recours doit être facile à exercer. C’est la raison pour laquelle tant en France, en Côte d’Ivoire, au Sénégal par exemple, le ministère d’avocat n’est pas obligatoire. Cette facilité tend à écarter le risque de renoncement pour des raisons financières à l’exercice du recours pour excès de pouvoir. Le caractère d’utilité publique explique encore que la jurisprudence définisse de façon très extensible, l’intérêt personnel, dont les requérants doivent justifier pour être recevables à agir, sans toutefois que cette facilité débouche sur l’actio popularis qui serait source d’afflux, de recours, susceptible d’encombrer le prétoire du juge ou de paralyser la justice. Enfin, le caractère d’utilité publique explique que le régime des délais en matière de recours pour excès de pouvoir, soient marqués d’une rigueur destinée à obliger les intéressés à ne pas différer (reporter à plus tard) l’exercice de ce recours.
C- le recours pour excès de pouvoir, recours d’ordre public
Le recours pour excès de pouvoir est un recours d’ordre public car il a pour objet, la sauvegarde de la légalité. Ce caractère d’ordre public se manifeste de plusieurs manières.
Tout d’abord, on ne peut renoncer ni à l’exercice du recours pour excès de pouvoir, ni au bénéfice de la chose jugée. Qu’est-ce à dire ? Cela signifie que s’il est admis que l’on puisse renoncer à poursuivre la reconnaissance d’un droit subjectif, parce qu’il s’agit d’une question d’ordre personnel, il est en revanche constant et établi qu’on ne peut renoncer à demander l’annulation d’une décision illégale, en ce sens que la renonciation ne serait pas opposable à celui qui l’aurai faite et qui peut toujours revenir sur sa renonciation, dans le délai du recours. En d’autres termes, l’acquiescement donné à une décision ne met pas fin au droit de contester cette décision et le juge ne saurait tenir compte de cet acquiescement, conseil d’Etat 13 février 1948, Louarn.
Même dans l’hypothèse où la décision administrative est présentée comme prise à la demande du requérant, le recours pour excès de pouvoir reste recevable, conseil d’Etat, 13 octobre 1961, Weitzdorfer.
Le caractère d’ordre public étend ses effets à l’autorité de la chose jugée. Ainsi, on ne peut renoncer au bénéfice de la chose jugée en matière de recours pour excès de pouvoir. S’il est possible de renoncer à la chose jugée en ce qui concerne un droit subjectif, on ne peut pas renoncer à la chose jugée en matière de recours pour excès de pouvoir, car la décision annulée est considérée comme « ayant été et restant annulée », conseil d’Etat 13 juillet 1967, Ecole privée de fille de Pradelle. Là encore, la renonciation n’est pas opposable à son auteur. Celui-ci peut y revenir et le juge lui-même a l’obligation de tenir compte de l’annulation de même que l’administration a l’obligation de tirer des conséquences qui s’attachent à l’annulation.
En outre, le caractère d’ordre public du recours pour excès de pouvoir se traduit par le fait que le requérant peut en tout état de cause revenir sur son désistement. En ce qui concerne le contentieux
subjectif, le demandeur ne peut plus rétracter son désistement dès lors que ce désistement a été accepté par son adversaire. En revanche, en matière d’excès de pouvoir, l’acceptation du désistement est sans conséquence sur la possibilité de rétracter ou de le retirer.
Enfin, le caractère d’ordre public se traduit par ceci que le moyen tiré de l’annulation d’une décision prononcée sur recours pour excès de pouvoir est un moyen d’ordre public. C’est par conséquent un moyen dont les parties à un litige quelconque peuvent se prévaloir en tout état de la procédure, en premier ressort, en appel ou en cassation.
Par ailleurs, en cas d’abstention des parties, le juge est tenu de soulever d’office ce moyen en tout état de la procédure.
D- Le recours pour excès de pouvoir, recours non suspensif
Le caractère non suspensif du recours pour excès de pouvoir signifie que la saisine du juge d’une demande en annulation d’un acte administratif est sans conséquence immédiate sur l’acte ni sur les effets de l’acte. Le recours pour excès de pouvoir ne suspend pas l’exécution de la décision attaquée. C’est dire que l’administration agira quitte à tirer des conséquences juridiques de l’annulation de la décision critiquée devant le juge de l’excès de pouvoir. Une telle décision administrative peut être une mesure de rétrogradation, de révocation d’un fonctionnaire ou un arrêté d’expulsion d’un étranger. Tel est le principe, lequel principe est destiné à assurer l’efficacité de l’action administrative. Mais, un tel principe comporte certaines dérogations prévues par les textes ou la jurisprudence et parmi ces dérogations, figure le sursis à l’exécution.
En effet, à la demande du requérant, le juge pourra ordonner qu’il soit sursis à l’exécution de l’acte administratif ou de la décision administrative, et cela jusqu’au jugement du recours en annulation, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’intervienne une décision au fond, sur la requête tendant à l’annulation pour excès de pouvoir. Le sursis à l’exécution est prononcé par le juge devant lequel le recours pour excès de pouvoir a été porté et cela aux conditions suivantes :
D’abord les conditions de recevabilité de la demande de sursis à l’exécution. Pour sa recevabilité, la demande de sursis à l’exécution doit être portée séparément devant le juge de l’excès de pouvoir, après que celui-ci a été saisi d’un recours pour excès de pouvoir. C’est dire que e juge compétent pour prononcer le sursis à l’exécution est celui devant lequel le recours en annulation a été porté et le sort de la demande de sursis est du point de vue de la recevabilité, lié au sort du recours pour excès de pouvoir. Ainsi, en l’absence de recours pour excès de pouvoir, la demande de sursis à l’exécution de l’acte administratif est irrecevable. D’autre part, lorsque pour différentes raisons, le recours pour excès de pouvoir est irrecevable, la demande de sursis est également irrecevable, conseil d’Etat 20 novembre 1961 Soualah.
Les conditions de recevabilité de la demande de sursis satisfaites, le juge ne peut prononcer le sursis que si l’acte à propos duquel le sursis a été demandé, ne concerne pas l’ordre public et l’octroi ou le prononcé du sursis est soumis à deux conditions cumulatives, consacrées par la loi ivoirienne du 21 décembre 1972, portant code de procédure civile, commerciale et administrative.
La première condition de fond est qu’il faut que la décision attaquée et pour laquelle le sursis a été demandé, risque d’entrainer, si elle était exécutée, des conséquences difficilement réparables ou des conséquences irréversibles ou encore que les intérêts du requérant
soient gravement et définitivement compromis par suite de l’exécution de la décision querellée.
La deuxième condition de fond exigée pour l’octroi du sursis à l’exécution, est celle tenant à l’existence de moyens sérieux, plus exactement, il est exigé par le juge que le requérant invoque des moyens sérieux, c’est-à-dire des moyens susceptibles de donner à penser que la décision administrative poursuivie est entachée d’irrégularités graves qui, le moment venu, ne manqueraient pas de provoquer l’annulation de l’acte par le juge de l’excès de pouvoir. En d’autres termes, les moyens invoqués doivent être de nature à faire peser sur la décision attaquée, une faute présomption d’illégalité.
Les deux conditions de fond que voilà sont admirablement exprimées par le juge ivoirien dans l’arrêt Bahlou Kophy et Diolot Loba.
Il convient ici de noter que c’est lorsque ces deux conditions sont réunies que le juge prononce le sursis à l’exécution qui ne vaut pas annulation de la décision attaquée.
L’effet du sursis est de suspendre l’exécution de la décision administrative jusqu’à la date du prononcé par le juge de l’excès de pouvoir, d’une décision au fond, sur la régularité juridique de l’acte attaqué. L’administration est obligée de se conformer au sursis à l’exécution prononcé par le juge et lorsque le juge de l’excès de pouvoir en arrive à statuer, la décision par lui rendue retentit sur le sursis à l’exécution : ou bien l’acte est reconnu régulier et dans ce cas, un tel acte qui avait été suspendu retrouve son plein et entier effet. Ce qui emporte disparition du sursis à l’exécution.
Ou bien l’acte est annulé et dans ce cas également, le sursis disparait, faisant place à l’annulation prononcée par le juge. Ici, l’acte qui n’était que privé d’effet temporairement, disparait ab initio…
II- LES CONDITIONS DE RECEVABILITE DU RECOURS POUR EXCES DE POUVOIR
Les conditions de recevabilité, ce sont les exigences qui doivent être satisfaites pour que le juge puisse être valablement saisi et qu’il examine l’affaire au fond. Ces conditions sont dans la plupart des Etats, au nombre de quatre. Elles tiennent à la nature de l’acte, à la qualité du requérant, au délai du recours et à l’absence de recours parallèle.
En côte d’Ivoire, une cinquième condition est prévue par les textes. Elle se rapporte au recours administratif préalable.
A- La condition tenant à l’acte
*Il doit s’agir d’un acte administratif, ce qui veut dire que l’acte doit émaner d’une autorité administrative ou assimilée, c’est-à-dire d’une personne privée gérant un service public.
*L’acte doit par ailleurs constituer une décision. Ce qui veut dire qu’il doit modifier l’ordonnancement juridique. Ces considérations amènent à exclure les actes pris par l’organe législatif, ainsi que les actes édictés par le pouvoir exécutif et ayant la nature d’actes de gouvernement ou d’actes législatifs compte tenu des circonstances.
*Il faut également exclure les actes des autorités administratives qui ne produisent aucun effet sur l’ordonnancement juridique. C’est le cas des mesures d’ordre intérieur telles les circulaires, c’est également le cas des avis, des souhaits, des vœux ou des actes préparatoires.
B- Les conditions tenant au requérant.
La loi du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile, commerciale et administrative détermine les conditions tenant au demandeur. A cet égard, trois conditions sont énoncées. La première condition est celle tenant à la capacité d’agir en justice :
*La capacité des personnes physiques résulte de la majorité civile. Toutefois, des personnes physiques ayant l’âge requis peuvent être privées de la capacité d’agir en justice, soit pour des raisons tenant à leur état de santé mentale, soit par suite d’une condamnation pénale. S’agissant des associations ou groupements de personnes, la capacité d’agir en justice résulte de la satisfaction des exigences conférant la personnalité morale.
*La deuxième condition édictée par la loi, c’est la qualité pour agir. C’est le titre donnant droit à agir en justice ou la qualification pour agir en justice exigée à peine d’irrecevabilité.
*La troisième condition est celle d’un intérêt légitime juridiquement protégé, direct et personnel. C’est en d’autres termes, l’intérêt pour agir. C’est l’avantage que procurerait au demandeur, la reconnaissance par le juge de la légitimité de sa prétention…
C- La condition tenant aux délais
Les règles du délai posées par le législateur sont des règles qu’on retrouve dans les lois successives relatives à la cours suprême (loi de 1961, 1978 et 1994). Aux termes de ces textes, confirmés par la jurisprudence, le recours devant le juge pour excès de pouvoir n’est recevable que s’il est précédé d’un recours administratif préalable.
*Ce recours doit être exercé :
-dans les deux mois qui suivent la notification de l’acte querellé, s’il s’agit d’un acte individuel, ou
-dans les deux mois qui suivent la publication de l’acte si celui-ci est un acte réglementaire.
Il s’agira d’une jurisprudence constante et abondante, depuis les premiers arrêts rendus par la chambre administrative de la cour suprême, CSCA 1er avril 1964, N’san Yapi Célestin. En règle générale et sauf exception, la publication d’un acte se fait par l’insertion au journal officiel. Quant à la notification, sa forme n’est pas précisée. Toutefois, le juge déclare que l’expédition de l’acte par la poste ou le communiqué de presse, ne valent ni notification, ni publication, CSCA 30 janvier 1990 N’guessan Nicolas contre ministère de la fonction publique ou CSCA 26 mars 2003 Anon Acaba contre préfet de San-Pedro.
La conséquence que le juge de l’excès de pouvoir attache à l’absence de publicité est d’ordre procédural. Le recours administratif préalable cesse d’être enfermé dans le délai de deux mois prévu par la loi.
Le requérant, en l’absence de publicité de l’acte est fondé à exercer valablement le recours administratif préalable puis le recours pour excès de pouvoir à partir de la date à laquelle il a connaissance de l’acte ou déclare avoir connaissance de l’acte. C’est la théorie de la connaissance acquise (voir les grands arrêts de la jurisprudence administrative ivoirienne).
Il est à préciser que contrairement à ce que bien des requérants croient et soutiennent, l’absence de publicité de l’acte n’en affecte pas la validité, la régularité juridique. Elle n’affecte que l’opposabilité de l’acte. C’est dire qu’elle ne peut être invoquée au soutien d’une demande en annulation, CSCA 20 février 1963 Kipré Gbeuly Pierre ; CSCA 22 février 1995 Emissa Cissé Houlématou contre ministère de l’emploi public.
*Le deuxième délai prévu par la loi est lié aux suites du recours administratif préalable. De deux choses l’une :
-ou bien l’administration répond dans le délai de quatre mois et l’intéressé insatisfait dispose d’un délai de deux mois pour saisir le juge de l‘excès de pouvoir, au compté de la notification du rejet total ou partiel du recours administratif préalable.
-Ou bien, l’administration ne répond pas au recours administratif préalable qui lui a été adressé. Dans cette hypothèse, l’intéressé devra attendre l’écoulement d’un délai de quatre mois, le silence gardé par l’administration pendant ce délai de quatre mois, valant rejet implicite du recours administratif préalable.
A partir de là, le requérant peut saisir le juge de l’excès de pouvoir. Il dispose, pour ce faire, d’un délai de deux mois et la réponse de l’autorité administrative intervenant au-delà du délai de quatre mois, ne peut ouvrir un nouveau délai pour l’exercice du recours pour excès de pouvoir, CSCA 25 mai 1994 Kouassi Kouakou contre ministère de l’emploi et de la fonction publique.
*On peut récapituler les choses de la façon suivante : deux mois pour saisir l’administration d’un recours administratif préalable à partir de la notification ou de la publication de l’acte administratif ; un délai de quatre mois impartit à l’administration pour répondre au recours administratif préalable. Au cas où l’administration réponds dans ce délai de quatre mois, le requérant dispose d’un délai de deux mois pour saisir le juge de l’excès de pouvoir à compter de la notification de la réponse de l’autorité administrative. Dans l’hypothèse où l’administration ne répond pas au recours administratif préalable, alors au bout des quatre mois, son silence équivaut à un rejet et le requérant a alors deux mois pour saisir le juge.
Comment se fait la computation des délais ou en d’autres termes, comment le juge calcule-t-il les délais ?
L’examen de la jurisprudence donne de savoir que les délais prévus par la loi sont des délais francs. Leur calcul se fait de quantième à quantième 20 février 1978, 20 février 1979. La conséquence que le juge de l’excès de pouvoir attache à l’inobservation des délais est l’irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir, motif pris de ce que « les formes et délais du recours pour excès de pouvoir impartis par la loi sont d’ordre public ». C’est dire qu’ils sont insusceptibles de dérogation, CSCA, 30 janvier 2002 N’dri Valérie contre conseil national de l’ordre des pharmaciens.
De plus, le juge de l’excès de pouvoir est tenu de soulever d’office le non-respect de ses règles, CSCA 1964 N’san Yapi Célestin. Il en va ainsi sauf dans quelques cas limitativement prévus. Il existe à cet égard deux dérogations prévues par la loi du 16 août 1994 relative à la cour suprême. La première dérogation est ainsi énoncée : « si l’autorité administrative saisie du recours administratif préalable est un corps délibéré, le délai de quatre mois est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la fin de la première session légale qui suit le dépôt de la demande ».
En second lieu, la loi modificative de 1997 consacre la force majeure comme un évènement susceptible de provoquer la prorogation des délais du recours.
D- L’exception de recours parallèle
La loi relative à la cour suprême fait du recours pour excès de pouvoir, un recours subsidiaire, c’est-à-dire un recours qui ne peut être exercé que s’il n’existe pas d’autres voies de recours permettant au requérant de recevoir satisfaction. Ainsi, les recours pour excès de pouvoir à objet pécuniaire, étaient systématiquement déclarés irrecevables. Ils faisaient l’objet de ce qu’on appelle la ‘’fin de non-recevoir’’, tirée de l’existence d’un recours parallèle (voir en ce sens CSCA 14 mars 1966, Dame Maillend contre ministre des finances).
Mais, cette situation a connu une évolution consacrée par l’arrêt Essis Esso Jean Mathieu Claude rendu le 25 juillet 2001 par la chambre administrative de la cour suprême. En vertu de cet arrêt, les recours pour excès de pouvoir dirigés contre les décisions administratives à incidence financière, ne sont pas systématiquement déclarés irrecevables, pour raison tirée de l’existence d’un recours parallèle. La requête est recevable dès lors qu’il a pour objet et fin de critiquer la légalité et la seule légalité de l’acte…
E- La condition tenant au recours administratif préalable
Le recours administratif préalable est un recours que l’administré, victime ou insatisfait d’une décision administrative adresse soit à l’auteur de l’acte (recours gracieux) soit au supérieur hiérarchique de l’auteur de l’acte (recours hiérarchique), et tenant à demander clairement à l’autorité administrative de retirer ou de reconsidérer sa décision. Ce recours doit intervenir dans les deux mois qui suivent la publicité de l’acte.
Au départ, l’absence de recours administratif préalable, emportait systématiquement comme conséquence, l’irrecevabilité du recours pour excès de pouvoir. Mais, depuis la loi de 1978 relative à la cour suprême, en l’absence de recours administratif préalable, le juge de l’excès de pouvoir peut impartir au requérant, un délai pour aller exercer le recours administratif et revenir pour régulariser la procédure. C’est une faculté et non une obligation pour le juge. Mais, le juge ne peut emprunter cette voie que si des conditions sont cumulativement réunies.
-La première condition est que le recours pour excès de pouvoir doit avoir été intenté dans le délai du recours contentieux prévu par la loi.
-La deuxième condition est que le requérant doit avoir agi sans ministère d’avocat. Il est à préciser que si le requérant bénéficiaire d’un délai aux fins de la régularisation de la procédure, n’a pas régularisé celle-ci, alors, il est réputé s’être désisté de son instance…
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