Dans sa mission de police administrative, l’autorité administrative est habilitée à prendre des mesures pour prévenir et éviter tout trouble à l’ordre public. Il est important d’analyser le contenu de ces mesures avant de voir le régime leur étant applicable.
I- Le contenu des mesures de police
A- Les actes juridiques ou mesures de police
1-La réglementation : Il s'agit de règles nécessairement législatives ou réglementaires qui encadrent une activité et à laquelle quiconque souhaitant s’y livrer doit se soumettre.
C’est par exemple le cas de l'affichage ou de la circulation automobile.
2-La déclaration préalable : L'activité concernée ne peut être exercée qu’après déclaration de cette activité à l'autorité de police. Deux hypothèses doivent cependant être distinguées :
Dans la première, il s'agit d’une simple mesure d'information comme en matière d'association.
Dans la seconde, la déclaration peut avoir des conséquences plus fâcheuses
NB-Pour le déclarant. La loi peut prévoir qu'informer par une déclaration, l'autorité de police puisse réagir par une interdiction. C'est notamment le cas pour les cortèges sur la voie publique.
3-L'autorisation préalable : Le principe n’est plus la liberté, puisqu’il faut une autorisation préalable. Des
noms variés sont utilisés : licence, agrément permis… exemple : la licence d'officine
4-Les interdictions : L'interdiction est une mesure encore plus limitative de la liberté individuelle.
Par exemple : l'interdiction de la projection de films, de la tenue de réunions.
Plus grave est le régime de la dissolution ordonnée par une autorité de police à l'encontre d’un groupe ou d’une association qui menace l'ordre public.
5-L'injonction de réaliser : Cette mesure est de plus en plus fréquente. Elle est souvent justifiée par les dangers qui sont encourus dans certains domaines. Ainsi, en va-t-il de l'injection de réaliser des travaux sur des édifices menaçant ruine cass. Civile, 2eme chambre, 29 Avril 1998, commune de Biarritz. Où encore de l'injection de réaliser des travaux en matière d'installations classées.
B- Les actes matériels ou les moyens d’exécution
S’agissant des actes matériels, on parle souvent de coercition, laquelle consiste dans la possibilité d’employer la force publique pour prévenir ou faire cesser un désordre. Le principe est que la mise en œuvre de la force publique est subordonnée à l’autorisation du juge, sauf en cas d’urgence. Il n’est naturellement pas besoin de l’autorisation du juge, lorsqu’il s’agit d’utiliser la force publique pour maintenir l’ordre public.
II- Le régime des mesures de police
A- L’encadrement des mesures de police
1- Les interdictions
a- L'interdiction de la délégation des pouvoirs de police aux personnes privées
L’exercice des pouvoirs de police ne peut être délégué, tandis que la gestion du service public peut être confiée à des personnes privées, notamment par le procédé de la concession. Cette différence repose sur la différence d'objet des deux missions de l’administration : la police administrative est une fonction de réglementation, de prescription alors que le service public est une fonction de prestation.
Cette interdiction a été consacrée par le Conseil d'Etat dans l’arrêt ville de Castelnaudary. Il s'agit, en l'espèce, d’un maire qui avait confié le service de la police rurale à des gardes particuliers fournis par une association de propriétaires. Le conseil a dénié un tel droit au maire au motif que le service de la police rurale, par nature, ne saurait être confié qu’à des agents placés sous l'autorité de l'Administration ; qu'en confiant la charge de ce service à une fédération de propriétaires privées, le conseil municipal de Castelnaudary a excédé ses pouvoirs. » CE 17 juin 1932, ville de Castelnaudary, D.1932, 3.27. Cette jurisprudence a été confirmée entre autres, par l’arrêt Amoudruz dans lequel le conseil d'Etat a implicitement considéré que la
sécurité des baigneurs ne saurait figurer parmi les obligations d'un concessionnaire de service public. CE sect. 23 mai 1958, consorts Amoudruz, AJDA 1958, 2, 309.
Plus récemment, en Côte d’Ivoire, la Cour Suprême a réaffirmé nb l'interdiction de la délégation des pouvoirs de police aux personnes privées.
Ainsi, dans l'affaire Madame Kouassi Adjoua Madeleine épouse Koïta c/ maire du Plateau, la Cour Suprême a considéré que « le maire du Plateau…a institué par arrêté n°21/03/CPL/SG une amende pour réprimer les contraventions à la circulation routière et autorisé, en suite de cet arrêté, une SARL la CIVES, personne morale de droit privé, à constater lesdites contraventions, confisquer les pièces de véhicules, alors surtout que les pouvoirs de police en la matière ne peuvent faire l'objet de délégation aux personnes privées…
b- L'interdiction des régimes de déclaration préalable sans autorisation législative
Législateur est seul compétent pour décider de soumettre l'exercice d’une liberté publique à un régime d'autorisation ou de déclaration préalable. Il s’ensuit que le juge administratif annule les règlements de police subordonnant à une autorisation l’activité de photo-filmeurs professionnels (CE Ass. 22 Juin 1951, Daudignac) l'utilisation de pistes de ski CE 22 janvier 1982, Association foyer de ski de fond de crevaux). Il n’y a de dérogation que lorsque l’exercice de la liberté en cause suppose une occupation privative du domaine public (Conseil d'Etat 17 janvier 1986, Mansuy, Rec. P. 616).
c- L'interdiction des mesures de caractère général
Les interdictions générales et absolues sont présentées comme illégales. La police, dit-on, ne doit pas prendre des mesures générales et absolues d’interdictions qui apparaissent comme la négation même de la liberté. Il est vrai que le juge considère avec suspicion les interdictions de caractère général et absolu. Le juge présume qu’il est possible de parvenir au but recherché par des mesures moins radicales que l’interdiction générale. Mais en réalité, une interdiction générale et absolue n’est pas nécessairement illégale. Il s’agit toujours d’une question d’espèce, de circonstances de temps et de lieu. La légalité de la mesure dépend du point de savoir si dans les circonstances de l’espèce, la mesure d’interdiction était ou non nécessaire. On peut trouver une illustration avec la jurisprudence des photos filmeurs (Cf. CE, 22 juin 1951, Daudignac ; CE, 13 mars 1968, Epoux Leroy, Rec., p. 178 ou AJDA 1969, p. 221). Dans l’arrêt du 23 octobre 1983, Commune de Louroux-Béconnais (Rec., p. 803), en considération des troubles déjà intervenus, le Conseil d’État a admis la légalité de l’arrêt du maire interdisant sur sa commune les bals publics jusqu’à nouvel ordre. Les interdictions générales et absolues sans limitation dans l’espace et le temps sont illégales. Est aussi déclarée illégale la saisie d’un journal de façon générale (TC, 8 avril 1935, Action française, GAJA). Ainsi, peut-on dire que dans l’affaire Dembélé contre le maire de Kouto du 28 octobre 1992, le requérant aurait pu demander l’annulation de l’arrêté municipal, en se fondant sur le caractère général et absolu de l’arrêté portant interdiction de la danse Simpa (CSCA, 28 oct. 1992, Dembélé c/Maire de Kouto).
2- Le contrôle des mesures de police ou interdiction des mesures non-professionnelles
Le juge administratif veille à ce que les autorités de police administrative générale ne portent pas atteinte à l’exercice d'une liberté publique, au-delà de ce qui est nécessaire au maintien. De l'ordre. Afin d’empêcher tout arbitraire de l'administration en la matière, il les soumet à un contrôle dit « maximum ».
Ce contrôle consiste à vérifier la proportionnalité de la mesure de police attaquée par rapport au motif invoqué par l'autorité administrative pour la justifier.
a- Libertés définies
La liberté de réunion et d’association font l’objet d’une protection spéciale de la loi de même que la liberté de presse, d’association de culte et syndicale.
Ces libertés sont généralement garanties par la constitution ivoirienne et sont organisées par la loi. C’est l’exemple de la loi N° 60-315 du 21 /09 / 1960 relative aux associations qui dispose en son article 20 : « les associations de personnes peuvent se former librement sans autorisation préalable ».
C’est le pendant de la loi française du 01 / 07 / 1901 relatives aux contrats d’association.
Cette protection spéciale de la loi amène le juge à contrôler de façon stricte le respect de ces dites libertés.
S’agissant de la liberté de réunion, le juge exige deux conditions cumulatives pour que l’interdiction soit légale :
- Menace de trouble grave à l’ordre public
- Absence de moyen efficaces ou insuffisance des forces de police pour maintenir l’ordre public. Conseil d’Etat 19 mai 1963 benjamin, conseil d’Etat 30 novembre 1956, Djibo Bakari, 19 juin 1953 Houphouët Boigny.
En ce qui concerne la liberté d’association le juge contrôle le respect de cette liberté par l’autorité de police en veillant à ce que l’administration ne substitue pas l’autorisation préalable au régime de la déclaration préalable, afin de refuser un récépissé aux intéressés.
b- Libertés non définies
Ce sont celles prévues par la loi, mais non organisées par celle-ci. C’est pourquoi, elle ne bénéficie pas de la même protection que les libertés définies. Dans ce domaine, le juge reconnait de larges pouvoirs aux autorités de police. On peut citer les spectacles, les films, les enregistrements sonores, les théâtres et manifestation sur la voie publique. *C’est ainsi que la projection de film est soumise à une autorisation préalable de l’autorité de police générale. *Les manifestations sur la voie publique bénéficient d’une protection soumise à un régime différent selon que la manifestation est traditionnelle ou non. -Les manifestations traditionnelles telles que les funérailles, bénéficient d’une présomption d’absence de trouble ; par conséquent elles ne peuvent être interdites qu’en cas de crainte d’un désordre grave sur la voie publique et non une entrave à la circulation (Conseil d’Etat 19 février 1909 Abbé olivier). -Quant aux manifestations non traditionnelles, kermesse, défilés, elles sont moins protégées, elles ne bénéficient pas de cette prévention (Chambre administrative Dembélé boa et Dembélé Langamenien contre le roi de M’pouto). Dans cet arrêt, le juge a considéré d’une part que les troubles n’étaient pas caractérisées par leur gravité d’une part et qu’il y a suffisamment de force de l’ordre d’autre part. Les deux conditions n’étaient donc pas réunies.
B- La sanction du pouvoir de police
Il existe différents moyens permettant de sanctionner l’usage illégal du pouvoir de police.
1- Il y a d’abord le contentieux de la légalité
Comme tout acte administratif, la mesure de police peut faire l’objet d’un Recours pour Excès de Pouvoir (REP). Pour limiter les effets parfois irréversibles des décisions administratives, dont l’annulation intervient souvent plusieurs mois ou plusieurs années après avoir été prises, il est recommandé d’accompagner le recours pour excès de pouvoir d’une demande de sursis à exécution.
Il est possible, au surplus, de soulever l’exception d’illégalité devant le juge pénal.
2- Ensuite, il y a le contentieux de la responsabilité
Lorsqu’une mesure de police est illégale et cause un dommage, la victime peut en demander réparation à l’administration. En d’autres termes, la responsabilité de l’administration peut être engagée pour les mesures de police illégales. Dans la plupart des cas, la responsabilité est engagée sur le fondement d’une faute ; généralement une faute simple suffit, mais parfois, une faute lourde est exigée relativement aux activités matérielles et aux mesures de police délicates à édicter. Mais, la responsabilité de l’administration peut être aussi engagée sans faute sur la base d’une rupture d’égalité devant les charges publiques (CE, 30 novembre 1923, Couitéas).
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