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QUE DIT LE DROIT IVOIRIEN SUR LE RECEL DE CADAVRE ?

Le recel de cadavre est une infraction pénale qui consiste à dissimuler, cacher ou déplacer le corps d’une personne décédée, généralement dans le but d’entraver l’action de la justice ou de masquer les circonstances de la mort. En Côte d’Ivoire, l’infraction de recel est régie par l’article 477 du Code pénal ivoirien, qui réprime le recel de manière générale, et par des dispositions spécifiques dans d’autres systèmes juridiques, comme l’article 434-7 du Code pénal français. Ce développement explore les éléments constitutifs de cette infraction, son appréciation par la jurisprudence et les cas particuliers qui en découlent.

 

1. Le cadre légal du recel de cadavre

a) Article 477 du Code pénal ivoirien

L’article 477 du Code pénal ivoirien définit le recel comme le fait de dissimuler, détenir ou transmettre une chose en sachant qu’elle provient d’un crime ou d’un délit. Bien que cet article ne mentionne pas explicitement le recel de cadavre, il peut s’appliquer à cette infraction si le cadavre est considéré comme une « chose » provenant d’un crime ou d’un délit.

 

b) Article 434-7 du Code pénal français

L’article 434-7 du Code pénal français réprime spécifiquement le recel de cadavre, défini comme le fait de cacher ou de receler le cadavre d’une personne victime d’un homicide ou décédée des suites de violences.

 

Ratio legis : L’objectif de cette infraction est de prévenir les entraves à la justice en empêchant la dissimulation de preuves liées à un crime ou à un délit.

 

2. Les éléments constitutifs de l’infraction

a) Objet du recel : le cadavre

Le recel de cadavre suppose l’existence d’un cadavre, c’est-à-dire le corps d’une personne décédée. La jurisprudence précise que le cadavre doit être celui d’une personne née et viable. Ainsi, le recel du cadavre d’un fœtus non viable ou d’un enfant mort-né ne constitue pas cette infraction.

Exemple : Dans l’affaire T. corr. Fontainebleau, 25 avril 1947 (D. 1947. 312), le recel du cadavre d’un fœtus de trois mois n’a pas été considéré comme un recel de cadavre, car le fœtus n’était pas juridiquement une personne.

 

b) Action de recel

L’infraction de recel de cadavre consiste à dissimuler, cacher ou déplacer le cadavre, ou à servir d’intermédiaire pour le faire. L’action doit être volontaire et réalisée en connaissance de cause.

Exemple : Dans l’affaire Rouen, 26 octobre 1995 (BICC 1996. 130), le transport du corps par des personnes non impliquées dans l’homicide, dans le but d’entraver les recherches de la justice, a été qualifié de recel de cadavre.

 

c) Intention coupable

Le recel de cadavre suppose que l’auteur agisse en connaissance de cause, c’est-à-dire qu’il sache que le cadavre provient d’un crime ou d’un délit. L’intention de dissimuler ou de cacher le cadavre pour entraver la justice est essentielle.

Exemple : Dans l’affaire Angers, 24 janvier 1985 (BICC 1985, n° 219), la dissimulation du cadavre d’une victime d’homicide involontaire, dans le but de faire disparaître les preuves, a été qualifiée de recel de cadavre.

 

3. Appréciation par la jurisprudence

La jurisprudence a développé une interprétation large de l’infraction de recel de cadavre, en se focalisant sur l’atteinte à l’action de la justice et le respect dû aux défunts.

a) Recel de cadavre et homicide

Le recel de cadavre ne peut être retenu à l’encontre de l’auteur de l’homicide, car la dissimulation du cadavre est considérée comme une suite logique du crime principal. En revanche, les complices ou les tiers qui participent à la dissimulation du cadavre peuvent être poursuivis pour recel de cadavre.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 19 juillet 1956 (Bull. crim. n° 556), la Cour de cassation a confirmé que l’auteur d’un homicide volontaire ne peut être poursuivi pour recel de cadavre, car la dissimulation du cadavre est une conséquence du crime.

 

b) Tentative de recel de cadavre

La tentative de recel de cadavre n’est pas punissable, car elle n’est pas expressément prévue par la loi. Seul le recel consommé est réprimé.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 15 mars 1960 (Bull. crim. n° 149), la tentative de recel de cadavre n’a pas été retenue, car elle n’est pas prévue par la loi.

 

c) Prescription

Le délai de prescription pour le recel de cadavre ne commence à courir qu’à partir du moment où la dissimulation cesse, c’est-à-dire lorsque le cadavre est découvert.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 13 décembre 2017, n° 17-83.330 (D. 2018. 1611, obs. Pradel), la Cour de cassation a confirmé que le délai de prescription ne court qu’à partir de la cessation de la dissimulation.

 

4. Cas particuliers

a) Recel de cadavre et avortement

Le recel du cadavre d’un fœtus issu d’un avortement ne constitue pas un recel de cadavre, car le fœtus n’est pas considéré comme une personne juridique.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 6 août 1945 (Gaz. Pal. 1945. 2. 143), la dissimulation d’un fœtus après un avortement n’a pas été qualifiée de recel de cadavre.

 

b) Recel de cadavre et infraction principale

Le recel de cadavre ne peut être retenu que si l’auteur n’a pas participé à l’infraction principale (homicide ou violences ayant entraîné la mort). En revanche, les tiers qui dissimulent le cadavre pour protéger l’auteur du crime peuvent être poursuivis pour recel de cadavre.

Exemple : Dans l’affaire Crim. 24 novembre 2010 (D. 2011. Pan. 2829, obs. Garé), la Cour de cassation a confirmé que le recel de cadavre ne peut s’appliquer à l’auteur de l’homicide, mais seulement aux tiers.

 

Conclusion

Le recel de cadavre est une infraction qui vise à prévenir les entraves à la justice en réprimant la dissimulation ou la cachette du corps d’une personne décédée. En Côte d’Ivoire, cette infraction est régie par l’article 477 du Code pénal ivoirien, tandis que d’autres systèmes juridiques, comme le Code pénal français, prévoient des dispositions spécifiques (article 434-7). La jurisprudence a développé une interprétation large de cette infraction, en se focalisant sur l’atteinte à l’action de la justice et le respect dû aux défunts. Les cas particuliers, tels que le recel de cadavre après un avortement ou la distinction entre l’auteur de l’infraction principale et les tiers, illustrent la complexité de cette infraction et la nécessité d’une analyse rigoureuse des éléments constitutifs. Les références jurisprudentielles et doctrinales citées permettent de mieux comprendre les nuances et les limites de cette protection pénale.

 

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