I. Le lien entre l’enquête de flagrance et la procédure de flagrance
Les deux notions s’inscrivent dans le cadre des procédures d’urgence destinées à réagir rapidement à une infraction commise ou en cours. Leur objectif commun est de garantir l’efficacité de la justice pénale en préservant les preuves, en identifiant les auteurs, et en évitant l’impunité.
1. Un fondement commun : la notion de "flagrance"
Définition partagée (Art. 77 CPP ivoirien) :
La "flagrance" couvre trois situations :
L’infraction en train de se commettre (exemple : un vol en cours).
L’infraction venant de se commettre (exemple : un cambriolage découvert immédiatement).
Les indices immédiats (objets saisis, traces, poursuite par la clameur publique).
Exemple jurisprudentiel : Une personne arrêtée avec des bijoux volés dans les heures suivant un cambriolage, muni d’outils suspects, relève de la flagrance.
2. Une finalité commune : la célérité et la préservation des preuves
Urgence : Les deux procédures permettent de contourner les lenteurs d’une enquête préliminaire classique.
Conservation des indices (Art. 78) : L’OPJ doit sécuriser les éléments fragiles (traces ADN, témoignages directs).
Défèrement rapide : Le suspect est présenté au procureur de la République (Art. 86) pour une mise en détention ou un jugement accéléré.
3. Articulation pratique
L’enquête de flagrance prépare la procédure de flagrant délit :
Phase 1 : L’OPJ mène l’enquête de flagrance (Art. 77-78) → constatations, auditions, saisies.
Phase 2 : Le procureur déclenche la procédure de flagrant délit (Art. 86) → défèrement, mandat de dépôt, saisine du tribunal.
Exemple : Dans une affaire de trafic de drogues pris en flagrance, l’OPJ saisit la marchandise (enquête de flagrance), puis le trafiquant est jugé en 72h (procédure de flagrant délit).
II. Critères de distinction entre les deux procédures
1. Nature et phase procédurale
Enquête de flagrance (Art. 77-78) :
Phase investigative : menée par l’OPJ sous le contrôle du procureur.
Objectif : Recueillir des preuves et identifier l’auteur.
Procédure de flagrant délit (Art. 86 et suivants) :
Phase judiciaire : déclenchée par le procureur et gérée par le tribunal.
Objectif : Juger rapidement le prévenu (délais stricts : Art. 402-407).
2. Régime juridique distinct
Critère | Enquête de flagrance | Procédure de flagrant délit |
Base légale | Art. 77-78 CPP | Art. 86, 396, 402-407 CPP |
Acteurs principaux | OPJ, procureur | Tribunal correctionnel, procureur |
Délais | Immédiateté des constatations | Jugement sous 15 jours (Art. 406) |
Sanctions visées | Délits | Délits punis d’emprisonnement (Art. 86) |
Exceptions | Aucune sauf en matière de crime | Mineurs ou information obligatoire (Art. 86) |
3. Conséquences pour le suspect
Enquête de flagrance :
Garde à vue possible (non explicitée dans les textes fournis, mais implicite).
Saisie des preuves opposables au procès.
Procédure de flagrant délit :
Mandat de dépôt (Art. 86) : Détention provisoire ordonnée par le procureur.
Jugement accéléré : Audience immédiate (Art. 402) ou sous 15 jours (Art. 406).
Liberté automatique si jugement différé au-delà de 15 jours (Art. 406).
Exemple : Un individu arrêté pour violences en réunion est jugé en 48h, mais si le tribunal ne statue pas à temps, il est libéré (Cour d’appel de Bouaké, 2019).
4. Cas d’exclusion
Procédure de flagrant délit :
Inapplicable aux mineurs (Art. 86).
Information obligatoire (ex. : crimes ou délits complexes nécessitant une instruction).
Conclusion
L’enquête de flagrance et la procédure de flagrant délit sont deux étapes complémentaires mais distinctes du processus pénal ivoirien. La première relève de l’enquête policière urgente, tandis que la seconde organise un jugement rapide pour éviter l’encombrement des tribunaux. Leur articulation repose sur le principe d’immédiateté, mais leurs régimes juridiques diffèrent radicalement, notamment sur les garanties procédurales (délais, droits de la défense) et les acteurs impliqués.
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