LA MUTABILITE DU SERVICE PUBLIC
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LA MUTABILITE DU SERVICE PUBLIC

L’une des particularités liées au fonctionnement du service public est son adaptation aux évolutions sociales.


I- Signification et conditions d’application du principe

A- Signification

*Le principe de mutabilité (ou d'adaptation) signifie que le statut et le régime des services publics doivent pouvoir être adaptés, chaque fois que l'imposent l'évolution des besoins collectifs et les exigences de l'intérêt général. On peut songer à l'amélioration quantitative, qualitative des prestations, en fonction des améliorations de la technique, du progrès économique ou de l'aménagement de l'ordre juridique.

*A la différence de la continuité qui est présentée comme une véritable "loi", et de l'égalité, qui dans son application aux services publics est un principe général du droit, la mutabilité n'a fait l'objet d'aucune reconnaissance jurisprudentielle expresse. C'est un simple principe, non juridique, qui inspire les solutions de la jurisprudence, et certains régimes juridiques posés par le législateur. On peut presque considérer qu'il résulte de la nature fonctionnelle de la notion de service public : lorsque l'intérêt général, la finalité, change, le service public se modifie ipso facto; lorsque l'activité change, les principes généraux du droit administratif, à vocation instrumentale, favorisent la modification du service.

B- Conditions d'application

*Le principe de mutabilité trouve à s'appliquer en cas de changement des circonstances de fait. La personne publique responsable du service public peut aménager le service en conséquence, et pour ce faire, modifier la réglementation ou les conditions d'exécution des contrats (CE, 10 janvier 1902, Compagnie nouvelle de gaz de Deville-lès-Rouen, Rec.5, S 1902.3.17, note Hauriou). *Il s'applique également en cas de changement de l'état du droit. La personne publique responsable peut alors procéder de même, à condition de supporter en matière contractuelle les conséquences de ces changements. C'est ainsi que peuvent être supprimés des services inutiles dont le fondement juridique aurait disparu (CE Ass., 9 décembre 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg, Rec.1050, RDP 1933.117, concl. Josse, note Jèze).


II- Régime d’application du principe

A- L’application au niveau des usagers et du personnel

1- Application au niveau des usagers

*Les usagers du service n'ont pas de droit au maintien en vigueur du régime des services publics. Les usagers de services publics à caractère administratif ne peuvent donc s'opposer à la nécessaire adaptation (CE, 12 février 1982, Université de Paris-VII, Rec.70, à propos du prétendu droit à terminer ses études à l'endroit du service public de l'enseignement supérieur où on les a commencées, un régime transitoire n'est même pas obligatoire). Il en est de même des usagers des services publics à caractère industriel et commercial (Cass. req., 4 mai 1921, D 1922.1.41, note Appleton, à propos de modifications de polices d'abonnement en cours pour des prestations d'assurance futures).

*Les usagers n'ont, sauf exception législative de service public obligatoire, aucun droit au maintien de l'existence du service (CE Sect., 27 janvier 1961, Vannier, Rec.60, concl. Kahn, AJ 1961.74, chr., pour la suppression de certains standards d'émission en télédiffusion; CE Sect., 18 mars 1977, Chambres de commerce de La Rochelle, Belfort, Lille, Rec.153, concl. Massot, pour la suppression de dessertes aériennes; TA Strasbourg, 21 juin 1993, Soc. des transports automobiles des Hautes-Vosges, AJ 1993.657, concl. Louis, pour la desserte ferroviaire).


2- Application au niveau des personnels des services publics et des agents du service public

*Les personnels du service public n'ont, pas plus que les usagers, la possibilité d'invoquer un droit acquis au maintien d'une situation ou d'un avantage, qu'il s'agisse de fonctionnaires ou d'agents contractuels (CE, 4 novembre 1942, Association nat. des officiers de réserve, Rec.302, dans ce cas les contractuels peuvent prétendre à indemnité compensatrice), qu'il s'agisse d'un service public à caractère administratif ou d'un service public à caractère industriel et commercial (CE Sect., 1er mars 1968, Syndicat unifié des techniciens de l'ORTF, Rec.150, Dr. Soc. 1969.33).

*Ce principe implique également que les agents des services publics ne puissent jamais opposer à l’administration un droit acquis au maintien de leur statut (Conseil d'Etat 4 mai 1960, Jaffray, Lebon 291 ; CE, ass., 1er juin 1973, Synd. national du personnel navigant commercial, Lebon 388), y compris s’agissant des dispositions relatives à leur rémunération (CE 11 oct. 1995, Institut géographique national, Lebon 829).

B- Le maintien de certains droits

*Qu’il s’agisse des usagers du service comme des agents publics, le principe de mutabilité du service public ne les prive pas pour autant de tous droits. En effet, les usagers ont droit à un « fonctionnement normal du service » conformément aux règles prédéfinies (CE 25 juin 1969, Vincent, Lebon 334), et les agents à l’application exacte de leur statut tant qu’il n’est pas modifié. Dans les deux cas, toute modification du régime des prestations du service public ou du statut des agents ne peut revêtir un caractère rétroactif (respectivement : CE, ass., 25 juin 1948, Sté du journal « l’Aurore », Lebon 289 et CE 19 juill. 1991, Fédération nationale des associations d’usagers des transports, Lebon 295 ; CE 22 avr. 1959, Maître, Lebon 258 et CE, ass., 11 juill. 1984, Union des groupements de cadres supérieurs de la fonction publique, Lebon 258).

*En raison du principe de la mutabilité ou de l’adaptation, l’administration contractante bénéficie, à l’égard des contrats, du pouvoir de modification unilatérale des clauses du contrat. Toutefois, il est mis à la charge de l’administration de verser au cocontractant une indemnité en cas du rupture d’équilibre financier du contrat : Compagnie nouvelle du gaz de Deville Les Rouen12/Compagnie générale française des tramways13 (CE 11 novembre 1910).


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