La question de la postériorité de la décision concerne l'application des lois nouvelles à des situations juridiques déjà engagées, notamment lorsque des condamnations ont été prononcées ou que des poursuites sont en cours. Les jurisprudences suivantes clarifient les principes applicables en la matière.
1. Poursuites achevées : Irréversibilité des condamnations définitives
Principe général : Une loi nouvelle, même plus douce, ne peut remettre en cause les condamnations devenues définitives avant son entrée en vigueur.
Jurisprudence clé :
Crim. 28 avr. 1975, n° 75-90.161 P : Une loi abrogeant une peine complémentaire ne s'applique pas aux condamnations déjà définitives.
Crim. 25 nov. 1992, n° 92-82.386 P : Une loi nouvelle ne peut modifier les peines prononcées et devenues définitives sous l'empire de la loi ancienne.
Crim. 9 nov. 1993 : Même principe pour une loi introduisant des restrictions au prononcé d'une peine.
Justification : La sécurité juridique et l'autorité de la chose jugée interdisent de revenir sur des décisions définitives, même en cas de changement législatif favorable.
2. Cumul des peines et lois nouvelles
Confusion des peines : Une loi nouvelle plus douce ne s'applique pas aux peines déjà prononcées sous l'empire de la loi ancienne, même en cas de confusion des peines.
Jurisprudence clé :
Crim. 15 juin 1982, n° 81-92.922 P : Une loi modifiant le maximum encouru pour une infraction ne s'applique pas aux peines définitives prononcées avant son entrée en vigueur.
Justification : Le principe de non-rétroactivité des lois pénales plus sévères s'applique également à l'inverse pour préserver la stabilité des décisions judiciaires.
3. Application de l'article 24 du Code pénal
Lois nouvelles et décisions définitives : Une loi pénale nouvelle, même moins sévère, n'a pas d'incidence sur les peines prononcées par une décision passée en force de chose jugée.
Jurisprudence clé :
Crim. 22 mai 1995, n° 94-83.601 P : Un condamné pour meurtre reste soumis à la période de sûreté prévue par la loi ancienne, même si une loi nouvelle modifie cette période.
Crim. 7 juin 1994, n° 93-83.428 P : Confirme que les lois nouvelles ne s'appliquent pas aux décisions définitives.
Justification : L'article 24 alinéa 1, du Code pénal prévoit expressément que les lois nouvelles ne s'appliquent pas aux décisions passées en force de chose jugée.
4. Poursuites en cours : Rétroactivité des lois plus douces
Principe général : Lorsqu'une loi nouvelle, plus douce, intervient en cours de poursuites ou avant qu'une décision ne soit définitive, elle s'applique rétroactivement.
Jurisprudence clé :
Crim. 20 mai 1947 : Un prévenu doit bénéficier des dispositions d'une loi nouvelle moins sévère intervenant avant la décision définitive.
Crim. 12 juill. 1982 : Les modifications législatives moins rigoureuses s'appliquent rétroactivement aux poursuites en cours.
Crim. 14 oct. 1980 : Une condamnation prononcée sous l'empire d'une loi abrogée doit être annulée si elle n'a plus de base légale.
Justification : Le principe de rétroactivité in mitius (en faveur du justiciable) s'applique lorsque la loi nouvelle est plus favorable.
5. Application des lois nouvelles aux infractions commises avant leur entrée en vigueur
Infractions non encore jugées : Une loi nouvelle moins sévère s'applique aux infractions commises avant son entrée en vigueur, à condition qu'elles n'aient pas donné lieu à une condamnation définitive.
Jurisprudence clé :
Crim. 14 oct. 2014, n° 13-85.779 P : Une loi abrogeant une peine minimale pour vol en récidive s'applique à un prévenu dont la condamnation n'était pas définitive.
Crim. 31 mars 2015, n° 14-86.584 P : Une loi de procédure (ex. motivation des peines) ne s'applique pas rétroactivement aux décisions rendues avant son entrée en vigueur.
Synthèse des principes
Condamnations définitives : Les lois nouvelles, même plus douces, ne s'appliquent pas aux décisions passées en force de chose jugée.
Poursuites en cours : Les lois nouvelles moins sévères s'appliquent rétroactivement aux infractions non encore jugées.
Lois de procédure : Les modifications procédurales ne s'appliquent pas rétroactivement aux décisions déjà rendues.
Ces jurisprudences illustrent l'équilibre entre la sécurité juridique (respect des décisions définitives) et le principe de faveur (rétroactivité des lois plus douces). Elles soulignent également l'importance de la distinction entre les lois pénales de fond et les lois de procédure.
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