Les voies de recours susceptibles d’être exercées contre les décisions rendues par les juridictions de jugement pour mineurs sont énumérées à l’article 831 du CPP. Ce texte dispose que « Le droit d'opposition, d'appel ou de recours en cassation peut être exercé soit par le mineur, soit par son représentant légal. »
Il s’ensuit que l’opposition (B), l’appel (C) et le pourvoi en cassation (D) sont les voies de recours pouvant être exercées contre les décisions des juridictions de jugement pour mineurs[1]. Mais, en premier lieu, les ordonnances rendues par le Juge des enfants, en sa qualité de magistrat instructeur, peuvent-elles aussi faire l’objet d’appel (A).
A- L’appel des ordonnances du Juge des enfants
Les ordonnances rendues par le Juge des enfants, dans son office de magistrat instructeur pour les mineurs, peuvent faire l’objet d’appel devant le Chambre d’instruction.
En effet, selon l’article 839 du CPP « Les dispositions des articles 216 à 222 sont applicables aux ordonnances du Juge des enfants (…) ». Les articles 216 à 222 dont s’agit en l’espèce sont relatifs aux notifications, significations et appels contre les ordonnances du Juge d’instruction. Il s’ensuit que ces règles spécifiques régissant les ordonnances du Juge d’instruction sont également applicables aux ordonnances rendues par le Juge des enfants.
Ainsi, en application des textes susvisés, le mineur inculpé ou son représentant légal peut interjeter appel des ordonnances énumérées à l’article 220 du CPP[2]. Les ordonnances concernant la garde provisoire ou la détention préventive du mineur sont également susceptibles d'appel[3] de la part du mineur inculpé.
Selon l’article 839 du CPP, l’appel contre les mesures provisoires visées aux articles 808 et
809, à savoir la garde provisoire et la détention préventive, est formé dans les délais de l'article 559 du CPP[4]. Cet appel est porté devant la Chambre spéciale de la Cour d'appel[5]. Cette chambre spéciale, en pratique, semble être la Chambre d’instruction, qui connait de façon générale de l’ensemble des recours exercés contre les décisions des juridictions d’instruction de premier degré. Le délai d’appel, ainsi qu’il ressort de l’article 559 susvisé, est de 20 jours, à compter de la notification de l’ordonnance du Juge, et dans les conditions prévues par ledit article.
La partie civile peut quant à elle interjeter appel des ordonnances visées à l’article 221 du CPP. Il s’agit notamment des ordonnances de non informer, de non-lieu et des ordonnances faisant grief à ses intérêts civils. Toutefois, son appel ne peut, en aucun cas, porter sur une ordonnance ou sur la disposition d’une ordonnance relative à la détention de l’inculpé. Elle peut aussi faire appel de l’ordonnance par laquelle le Juge des enfants a, d’office ou sur déclinatoire, statué sur sa compétence, ainsi que des ordonnances rejetant sa demande d’expertise, de complément d’expertise ou de contre-expertise.
S’agissant du Procureur de la République, ce dernier, en application de l’article 220 du CPP, a le droit d’interjeter appel devant la Chambre d’Instruction de toute ordonnance du Juge des enfants.
Dans les cas autres que ceux concernant les ordonnances de garde provisoire et de détention préventive, l’appel de l’inculpé et de la partie civile est interjeté dans les 72 heures[6] à compter de la notification de l’ordonnance à l’intéressé ou à son conseil s’il en a. Si le mineur inculpé est détenu, les ordonnances du Juge des enfants lui sont notifiées par le Greffier. S’il est libre, lesdites ordonnances lui sont signifiées à la requête du Procureur de la République dans les 24 heures. Elles sont également signifiées à la partie civile dans le même délai, toujours à la requête du Procureur de la République.
L’appel a lieu, soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a statué, soit par lettre recommandée avec accusé de réception ou par télégramme, soit par lettre par porteur contre décharge, adressé au greffier de cette juridiction. Le greffier dresse procès-verbal de réception de la lettre ou du télégramme d’appel sur le registre des appels. En pratique, l’appel est formé auprès du greffier du cabinet du Juge des enfants ayant rendu l’ordonnance attaquée. Si le mineur inculpé est détenu, sa déclaration d’appel est transmise par l’intermédiaire du chef de l’établissement pénitentiaire.
En dehors de l’appel formé contre les ordonnances du Juge des enfants, les jugements par défaut rendus par ce magistrat, ainsi que ceux rendus par le Tribunal pour enfants peuvent faire l’objet d’opposition.
B- L’opposition contre les jugements du Juge des enfants et du Tribunal pour enfants
L’article 832 du CPP déclare que, « Les règles sur le défaut et l'opposition résultant des articles 511 et suivants sont applicables aux jugements du juge des enfants et du tribunal pour enfants (...) »
Il ressort du texte précité que lorsque le mineur a été jugé par défaut par le Juge des enfants ou par le Tribunal pour enfants, soit parque qu’il n’a pas comparu, soit parce qu’il n’a pas eu connaissance de la procédure, ce dernier ou son représentant légal peut former opposition contre ledit jugement. Cette opposition peut toutefois être limitée aux dispositions civiles du jugement.
L’opposition rend le jugement par défaut non avenu dans toutes ses dispositions faisant l’objet de l’opposition. Le Juge ou le Tribunal statuant sur opposition rend un nouveau jugement[7]. L’opposition est faite par déclaration au greffe[8]. Elle est immédiatement notifiée, par le greffier, au Ministère public, à charge par lui d’en aviser, par notification, la partie civile. Dans le cas ou ̀ l’opposition est limitée aux dispositions civiles du jugement, l’opposant doit adresser la notification directement à la partie civile.
L’opposition est formée dans les délais de 10 jours, si le prévenu réside sur le territoire de la République et d’un mois, dans les autres cas. Ces délais courent à compter de la signification du jugement. Lorsque la signification n’a pas été faite à la personne du mineur prévenu ou son représentant, les délais d’opposition sont ceux prévus par l’article 517 du CPP[9].
L’opposition est non avenue si l’opposant ne comparaît pas à la date qui lui est fixée[10].
Le mineur et son représentant légal peuvent également interjeter appel des jugements du Juge des enfants, du Tribunal pour enfants et du Tribunal criminel pour mineurs.
C- L’appel contre les jugements du Juge des enfants, du Tribunal pour enfants et du Tribunal criminel pour mineurs
L'appel des jugements du Juge des enfants et du Tribunal pour enfants s’exerce suivant les règles édictées par les articles 555 et suivants du CPP. La faculté d’interjeter appel appartient au mineur ou à son représentant légal, ainsi qu’aux autres personnes visées à l’article 558[11] du CPP. L’appel est interjeté dans le délai de 20 jours, à compter du prononcé du jugement contradictoire, et selon les spécifications fixées à l’article 559 du CPP. Si le jugement est rendu par défaut ou par itératif défaut, le délai d’appel, qui est également de 20 jours, ne court qu’à compter de la signification du jugement, quel qu’en soit le mode.
L’appel contre les jugements du Juge des enfants et du Tribunal pour enfants est jugé par la Cour d'appel, au cours d’une audience spéciale, suivant la même procédure qu'en première instance.
La faculté d’interjeter appel contre les jugements du Tribunal criminel pour mineurs appartient à l’accusé, au Ministère public, à la personne civilement responsable quant à ses intérêts civils, à la partie civile quant à ses intérêts civils et en cas d’appel du Ministère public, aux Administrations publiques dans les cas où celles-ci exercent l’action publique. Le Procureur général peut également faire appel des jugements d’acquittement.
L’appel est également interjeté dans le délai de 20 jours à compter du prononcé de la décision contradictoire. Les délais d’appel ne courent qu’à compter de la signification du jugement pour la partie qui n’était pas présente ou représentée à l’audience au cours de laquelle la décision a été prononcée, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n’auraient pas été informés du jour où le jugement serait prononcé. En cas d’appel d’une partie pendant les délais ci-dessus, les autres parties ont un délai supplémentaire de 05 jours pour interjeter appel.
L'appel des jugements rendus par le Tribunal criminel pour mineurs est porté devant la chambre criminelle spéciale de la Cour d’appel. Celle-ci se réunit durant la session de la chambre criminelle de ladite Cour.
L'accusé absent sans excuse valable à l'ouverture de l'audience du Tribunal criminel pour mineurs est jugé par contumace. Il en est de même lorsque l'absence de l'accusé est constatée au cours des débats et qu'il n'est pas possible de les suspendre jusqu'à son retour. La procédure de contumace est décrite aux articles 354 à 361 du CPP.
Un pourvoi en cassation peut aussi être formé par les parties contre les décisions rendues en matière d’enfance délinquante.
D- Le pourvoi en cassation
Le recours en cassation (formé contre les arrêts de la Chambre d’Instruction et les arrêts et jugements rendus en dernier ressort en matière criminelle, correctionnelle et de simple police) n’est pas suspensif, sauf si une condamnation pénale est intervenue. Le pourvoi est porté devant la Cour de cassation par le Ministère public et toutes les parties, dans le délai de 15 jours francs à compter du prononcé de la décision attaquée. Toutefois, en application de l’article 604 du CPP, le délai de pourvoi ne court qu’à compter de la signification de l’arrêt, quel qu’en soit le mode : « 1°pour la partie qui, après débat contradictoire, n’était pas présente ou représentée à l’audience où l’arrêt a été prononcé, si elle n’avait pas été informée ainsi qu’il est dit à l’article 484, alinéa 2 ; 2°pour le prévenu qui a demandé à être jugé en son absence dans les conditions prévues à l’article 421, alinéa 1 ; 3°pour le prévenu qui n’a pas comparu dans le cas prévu aux articles 420 et 421, alinéa 4 ; 4°pour le prévenu qui a été jugé par itératif défaut ; le délai du pourvoi contre les arrêts ou les jugements par défaut ne court, à l’égard du prévenu que du jour où ils ne sont plus susceptibles d’opposition. A l’égard du Ministère public, le délai court à compter de l’expiration du délai de dix jours qui suit la signification ».
La déclaration de pourvoi est faite au greffier de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ou au greffier de la juridiction de la résidence du demandeur en cassation. Elle est signée par le greffier et par le demandeur en cassation lui-même ou par un avocat ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l’acte dressé par le greffier. Si le déclarant ne peut signer, le greffier en fait mention. Elle est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le droit de s’en faire délivrer une copie. Dans le cas où le pourvoi est reçu par le greffe de la résidence, le greffier qui a dressé l’acte le transmet sans délai au greffe de la juridiction qui a statué[14].
Lorsque le demandeur en cassation est détenu, il peut également faire connaître sa volonté de se pourvoir par une lettre qu’il remet au chef de l’établissement pénitentiaire ; ce dernier lui en délivre récépissé. Le chef de l’établissement pénitentiaire certifie sur cette lettre même que celle-ci lui a été remise par l’intéressé et il précise la date de la remise. Ce document est transmis immédiatement au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée ; il est transcrit sur le registre prévu par l’article 613 alinéa 3, et est annexé à l’acte dressé par le greffier[15].
En principe, le demandeur au pourvoi est tenu, à peine de déchéance, de consigner la somme de 25.000 francs. Exceptionnellement, les mineurs de 18 ans sont dispensés de cette consignation[16].
Au terme de cette étude, il convient de retenir que la question de la délinquance juvénile a toujours été au centre des préoccupations du législateur ivoirien, qui très tôt, en 1960 déjà, lui a consacré une législation spéciale, protectrice des droits du mineur délinquant et guidé par le souci de la rééducation, à travers le principe de « la primauté de l’éducation sur la répression ». Cette volonté constante du législateur de protéger le mineur délinquant a été sans ambages réaffirmée dans la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 portant Code de procédure pénale. Cette loi a poursuivi l’énorme chantier entamé par la loi n°60-366 du 14 novembre 1960 et en a comblé certaines carences, notamment le défaut de dispositions spéciales sur la garde à vue du mineur. Cette nouvelle loi a également précisé les modalités relatives à la prolongation de la détention préventive du mineur, et celles relatives à la désignation des membres du Tribunal criminel pour mineurs et leur remplacement. L’on peut, au terme de cette étude, affirmer que les règles applicables au mineur délinquant ont connu une évolution notable dans le sens de la protection des droits du mineur, même si, comme toute œuvre humaine, la loi n°2018-975 du 27 décembre 2018 n’est pas parfaite en tous points. Mais, aujourd’hui plus que jamais, l’espoir placé en cette nouvelle loi est immense, d’autant que sa bonne application par tous les acteurs de la chaine pénale, aura sans doute pour effet de créer un équilibre entre la nécessaire répression des mineurs délinquants et leur rééducation, dans un contexte marqué par l’émergence de nouvelles formes de criminalité juvénile, telle que le « phénomène des enfants en conflit avec la loi ».
[1] Mais rien n’empêche qu’une demande en révision soit formée contre les décisions des juridictions susvisées, dans les conditions prévues par les articles 637 et suivants du CPP.
[2] Il s’agit de l’ordonnance : 1° par laquelle le juge des enfants statue sur sa compétence ; 2° déclarant recevable la constitution de partie civile ; 3° sur la restitution d’objets saisis ; 4° rejetant sa demande d’expertise, de complément d’expertise ou de contre-expertise ; 5° de placement en détention préventive, de prolongation de sa détention ou de refus de mise en liberté ; 6° de renvoi en police correctionnelle ; 7° de renvoi devant le tribunal de simple police.
[3] Article 839 du CPP « Les ordonnances du juge des enfants concernant les mesures provisoires visées aux articles 808 et 809 sont susceptibles d'appel. »
[4] Article 559 du CPP « Sauf dans le cas prévu à l’article 565, l’appel est interjeté dans le délai de vingt jours, à compter du prononcé du jugement contradictoire. Toutefois, le délai d’appel ne court qu’à compter de la signification du jugement, quel qu’en soit le mode : 1°pour la partie qui après débat contradictoire n’était pas présente ou représentée à l’audience où le jugement a été prononcé, mais seulement dans le cas où elle-même ou son représentant n’auraient pas été informés du jour où le jugement serait prononcé. 2°pour le prévenu qui n’a pas comparu, dans les conditions prévues par l’article 421, alinéa 4. Il en est de même dans le cas prévu à l’article 420. »
[5] Article 839 du CPP.
[6] Article 221 alinéa 3 du CPP.
[7] Article 514 du CPP.
[8] Elle est constatée en pratique par un procès-verbal de déclaration d’opposition dressé par le Greffier.
[9] Article 517 du CPP « Si la signification du jugement n’a pas été faite à la personne du prévenu, l’opposition doit être formée dans les délais ci-après, qui courent à compter de la signification du jugement faite à domicile, à Mairie ou à Parquet : dix jours si le prévenu réside en Côte d’Ivoire, un mois dans les autres cas. Toutefois s’il s’agit d’un jugement de condamnation et s’il ne résulte pas, soit de l’avis constatant remise de l’acte prévue aux articles 592, alinéa 3, et 593, alinéa 2, soit d’un 111 acte d’exécution quelconque, ou de l’avis donné conformément à l’article 595, que le prévenu a eu connaissance de la signification, l’opposition tant en ce qui concerne les intérêts civils que la condamnation pénale reste recevable jusqu’à l’expiration des délais de prescription de la peine. Dans les cas visés à l’alinéa précédent, le délai d’opposition court à compter du jour où le prévenu a eu cette connaissance »
[10] En une telle occurrence, le mineur prévenu est jugé suivant la procédure d’itératif défaut.
[11] Article 558 du CPP « La faculté d’appeler appartient : 1°au prévenu ; 2°à la personne civilement responsable ; 3°à la partie civile et à la partie intervenante définie à l’article 20, quant à leurs intérêts civils seulement ; 4°au Procureur de la République ; 5°aux Administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l’action publique ; 6°au Procureur général près la cour d’appel ; 7°à l’assureur »
[12] Article 564 « L’appel a lieu, soit par déclaration au greffe de la juridiction qui a statué, dans les délais ci-dessus, soit par lettre recommandée avec accusé de réception ou par télégramme, soit par lettre par porteur contre décharge, adressé au greffier de cette juridiction. Le greffier, sur le registre des appels, dresse procès-verbal de réception de la lettre ou du télégramme d’appel. La date d’envoi portée sur le cachet de la poste est considérée comme date d’appel. La partie qui a interjeté appel par lettre ou par télégramme doit ensuite dans le même temps régulariser son appel au greffe de la juridiction répressive la plus proche. Le greffier qui a dressé l’acte le transmet sans délai au greffe de la juridiction qui a statué. En cas d’appel au siège de la juridiction qui a statué, la déclaration d’appel doit être signée par le greffier et par l’appelant lui-même, ou par un avocat ou par un fondé de pouvoir spécial ; dans ce dernier cas, le pouvoir est annexé à l’acte dressé par le greffier. Si l’appelant ne peut signer il en est fait mention par le greffier. La déclaration est inscrite sur un registre public à ce destiné et toute personne a le droit de s’en faire délivrer une copie. »
[13] Article 565 « Lorsque l’appelant est détenu, il peut également faire connaître sa volonté d’interjeter appel par une lettre qu’il remet au chef de l’établissement pénitentiaire ; ce dernier lui en délivre récépissé. Le chef de l’établissement pénitentiaire certifie sur cette lettre même que celle-ci lui a été remise par l’intéressé, et il précise la date de la remise. 121 Ce document est transmis immédiatement au greffe de la juridiction qui a rendu la décision attaquée par le chef de l’établissement pénitentiaire, sous peine d’une amende civile qui ne peut excéder 100.000 francs prononcée par le premier président de la cour d’appel. Il est transcrit sur le registre prévu par l’article 564, alinéa 4 et est annexé à l’acte dressé par le greffier. »
[14] Article 613 du CPP.
[15] Article 614 du CPP.
[16] Article 617 et 618 du CPP.
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