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PREROGATIVES DU PRENEUR DANS LE DROIT OHADA


Le contrat de bail a une nature synallagmatique.

Il confère des droits et obligations à chacune des parties.

Le preneur est certes astreint à plusieurs obligations comme il vient d’être démontré. Mais, en même temps, il est bénéficiaire d’un nombre non négligeable de prérogatives. Celles-ci ont trait aussi bien au bail (§1) qu’à l’activité exercée (§2).


I- Prérogatives tenant au bail

Sans avoir nécessairement un contenu identique, les prérogatives du preneur trouvent leur terrain indiqué de manifestation en matière de cession (A) et de sous-location (B) du bail.


A- Cession du bail


Article118.- Si le preneur cède le bail et la totalité des éléments permettant l’activité dans les lieux loués, la cession s’impose au bailleur. Si le preneur cède le bail seul ou avec une partie des éléments permettant l’activité dans les lieux loués, la cession est soumise à l’accord du bailleur. Toute cession du bail doit être portée à la connaissance du bailleur par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire, mentionnant : l’identité complète du cessionnaire ; son adresse ; et le cas échéant, son numéro d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.

Article119.- A défaut de signification ou de notification, dans les conditions de l’Article 118 ci-dessus, la cession est inopposable au bailleur. Article120.- Lorsque la cession s’impose au bailleur, celui-ci dispose d’un délai d’un mois à compter de cette signification ou notification pour s’opposer, le cas échéant, à celle-ci et saisir la juridiction compétente statuant à bref délai, en justifiant des motifs sérieux et légitimes de s’opposer à cette cession. La violation par le preneur des obligations du bail, et notamment le non paiement du loyer, constitue un motif sérieux et légitime de s’opposer à la cession. Pendant toute la durée de la procédure, le cédant reste dans les lieux et demeure tenu aux obligations du bail. Lorsque la cession requiert l’accord du bailleur, celui-ci dispose d’un délai d’un mois à compter de cette signification ou notification pour communiquer au preneur son acceptation ou son refus. Passé ce délai, le silence du bailleur vaut acceptation de la cession de bail.


*Définition : La cession du bail est l’acte par lequel le titulaire du bail appelé « cédant » en transmet le bénéfice à un tiers appelé « cessionnaire », soit gratuitement, soit moyennant un prix.

Une telle opération n’entraîne pas la création d’un bail nouveau. Le contrat primitif subsiste. Seule la personne du preneur change. Le cessionnaire remplace le cédant et devient le nouveau locataire, sans d’ailleurs que le précédent titulaire du bail soit déchargé de ses obligations.


*Différence entre la cession de bail en droit commun et en droit commercial :

En droit commun, le bail est conclu intuitu personae, c’est-à-dire en considération de la personne. Sa cession à un tiers n’est possible qu’avec le consentement du bailleur.

Par contre, en droit commercial, on sait que le bail commercial constitue souvent un élément du fonds de commerce (Voir article 105 (nouvel art. 137) AUDCG qui en fait un élément facultatif). Les règles de droit commun sont alors inadaptées à leur cession (Voir A. P. Santos et J. Yado Toé, OHADA, Droit commercial général, collection droit uniforme africain, Bruylant, Bruxelles, 2002, op. cit., p. 181).


1- Les conditions de cession

a- Conditions relatives à la forme de la cession

*Toute cession du bail doit être portée à la connaissance du bailleur par signification d’huissier de justice ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire, mentionnant : l’identité complète du cessionnaire ; son adresse ; et le cas échéant, son numéro d’immatriculation au Registre du Commerce et du Crédit Mobilier.


b- Conditions relatives aux modalités de cession

*La cession de plein droit du bail (Cession consécutive à une cession d’activité)

*La cession négociée du bail (Cession seule du bail ou d’une partie des éléments permettant l’activité dans les lieux loués)


2- Les effets de la cession

a- Les effets de la cession à l’insu du bailleur

*Nullité

*Inopposabilité


b- Les effets de la cession régulière


Reste à préciser en cas de mutation du droit de propriété sur l’immeuble dans lequel se trouvent les locaux donnés à bail, l’acquéreur est de plein droit substitué dans les obligations du bailleur, et doit poursuivre l’exécution du bail. Il se doit de le faire jusqu’à son terme (Voir TPI de Cotonou, 1re Chambre commerciale, jugement, n° 025/1re C. Com du 02 sept. 2002, affaire société africaine de distribution de vêtement (SADIV) c/ Société Fabohoun et fi ls SARL, Ohadata J-05-294). On peut le noter valablement, dans cette hypothèse, la continuation du bail de plein droit constitue une exception remarquable au principe de l’effet relatif des conventions.


*En cas de cession de plein droit

Lorsque la cession s’impose au bailleur, celui-ci dispose d’un délai d’un mois à compter de cette signification ou notification pour s’opposer, le cas échéant, à celle-ci et saisir la juridiction compétente statuant à bref délai, en justifiant des motifs sérieux et légitimes de s’opposer à cette cession. La violation par le preneur des obligations du bail, et notamment le non-paiement du loyer, constitue un motif sérieux et légitime de s’opposer à la cession. Pendant toute la durée de la procédure, le cédant reste dans les lieux et demeure tenu aux obligations du bail.

*En cas de cession négociée

Lorsque la cession requiert l’accord du bailleur, celui-ci dispose d’un délai d’un mois à compter de cette signification ou notification pour communiquer au preneur son acceptation ou son refus. Passé ce délai, le silence du bailleur vaut acceptation de la cession de bail.


B- Sous-location du bail

Article121.- Sauf stipulation contraire du bail, toute sous-location totale ou partielle est interdite. En cas de sous-location autorisée, l’acte doit être porté à la connaissance du bailleur par tout moyen écrit. A défaut, la sous-location lui est inopposable.

Article122.- Lorsque le loyer de la sous-location totale ou partielle est supérieur au prix du bail principal, le bailleur a la faculté d’exiger une augmentation correspondante du prix du bail principal, augmentation qui à défaut d’accord entre les parties est fixée par la juridiction compétente, statuant à bref délai, en tenant compte des éléments visés à l’Article 117 ci-dessus.


*Définition : Elle consiste pour un locataire (locataire principal) à devenir à son tour bailleur et à recevoir d’une autre personne (le sous-locataire) un loyer alors qu’il continue à payer le loyer principal au propriétaire du local

La sous-location peut être totale ou partielle. En matière civile, elle est autorisée (Voir article 1717 du Code civil). Mais dans le domaine commercial, sauf stipulation contraire du bail, elle est interdite.


1- Les conditions de la sous-location

a- Conditions de fond

*Stipulation expresse dans la convention de bail ;

*Les personnes concernées par la sous-location ;

b- Conditions de forme

*Acte porté à la connaissance du bailleur par tout moyen.


2- Les effets de la sous-location

a- En cas de sous-location non autorisée (Inopposabilité ; Nullité du contrat ; Résiliation du bail)

En cas de sous-location non autorisée, le juge saisi peut prononcer la résiliation du bail (CA Dakar, Arrêt n°237 du 13 avril 2001). Mise en demeure préalable du sous locataire (Article 127)

*À défaut de stipulation expresse, la sous-location lui est inopposable. Et du moment où il y a violation des clauses du bail, il peut solliciter la résiliation du bail et l’expulsion du locataire (Voir Tribunal régional horsclasse de Dakar, jugement du 18/06/2002, affaire Sense c/ RTI, Ohadata J-03-49 ; TPI de Daloa, jugement, n° 31 du 20 février 2004, affaire Ayants droit de feu S.B. c/ B.T. et B.H., Le Juris Ohada, n° 2/2005, p. 44, Ohadata J-05-369 ; CA de Dakar, Chambre civile et commerciale, arrêt, n° 237 du 13/04/2001, affaire Amara Diarra c/ Yoro Sy, Ohadata J-06-85).


*En cas de sous-location non autorisée par bailleur, si celui-ci omet de mettre en demeure pour cessation de la sous-location, le motif légitime est considéré comme inexistant et l’indemnité d’éviction due (Voir CA Dakar, Ch. civ. et commerciale 2, arrêt, n° 384/2005 du 7 avril 2005, affaire Lecointe c/ Diallo, note Bakary Diallo, Penant, n° 855, p. 255, Ohadata J-06-187).


b- En cas de sous-location autorisée

*En cas de loyer supérieur :

Lorsque le loyer de la sous-location totale ou partielle est supérieur au prix du bail principal, le bailleur a la faculté d’exiger une augmentation correspondante du prix du bail principal (Voir à titre de droit comparé, civ. 3e, 28 mai 1997, Bull. civ. III, no 131, D., 1997, IR, p. 141), augmentation qui, à défaut d’accord entre les parties, est fixée par la juridiction compétente en tenant compte des éléments objectifs suivants : la situation des locaux, leur superficie, l’état de vétusté, le prix des loyers commerciaux couramment pratiqués dans le voisinage pour les locaux similaires.

*En cas de loyer inférieur…

*On peut néanmoins se poser deux importantes questions à cet égard :

Un sous-locataire peut-il solliciter le renouvellement de son contrat directement du locataire principal ?

Le locataire peut-il obtenir le renouvellement sur la partie des locaux sous-loués où son fonds de commerce n’est pas exploité ?

Les textes OHADA sont muets à ce sujet. Et selon certains auteurs (A. Fénéon et J. R. Gomez, OHADA, oit commercial général, commentaires, 1999, éd. FFA, op.cit., p. 65) qu’il y a lieu d’approuver, en cas de besoin, l’on pourrait s’inspirer des solutions jurisprudentielles retenues en France en cette matière, pour trancher.


-Par rapport à la première interrogation, la Cour de cassation a répondu par l’affirmative en posant clairement que le sous-locataire a le droit de demander le renouvellement du contrat de sous-location au locataire principal à l’expiration du bail principal, si celui-ci a agréé la sous-location (Civ. 3, 22 janv.1992, RJDA, 1992, no 326, D., 1992, IR, 58). Et pour aller plus loin, lorsque la sous-location est irrégulière, le locataire principal peut être amené à indemniser le sous-locataire du préjudice que celui-ci a subi du fait du refus du renouvellement.

Toutefois, du moment où ce dernier ne s’est pas assuré du respect des formalités qui conditionnent son droit, il commet également une faute, ce qui entraîne en définitive un partage de responsabilités.


-À propos de la seconde question,une réponse négative a été donnée par la haute juridiction française en ces termes : le locataire ne peut prétendre à un droit au renouvellement sur la partie des locaux sous-loués dans laquelle son fonds de commerce n’est pas exploité (Voir Civ., 3e, 7 juillet 1993, RJDA, 1993, no 879).

Autrement dit, l’extension d’activité n’est pas interdite, le preneur devant simplement éviter que cette opération cause un préjudice au bailleur.


II- Prérogatives liées à l’activité exercée : déspécialisation du bail


Article113.- Le preneur est tenu d’exploiter les locaux donnés à bail, en bon père de famille, et conformément à la destination prévue au bail ou, à défaut de convention écrite, suivant celle présumée d’après les circonstances. Toutefois il est possible, pour le preneur, d’adjoindre à l’activité prévue au contrat de bail des activités connexes ou complémentaires relevant d’un même domaine que celui envisagé lors de la conclusion du bail. Le preneur doit en aviser de manière expresse le bailleur. Le bailleur peut s’y opposer pour des motifs graves. En cas de changement de l’activité prévue au contrat, le preneur doit obtenir l’accord préalable et exprès du bailleur qui peut s’y opposer pour des motifs sérieux. En cas de conflit entre le bailleur et le preneur, il appartient à la partie la plus diligente de saisir la juridiction compétente.


Lorsque les parties concluent un bail de nature commerciale, c’est généralement avec une indication précise du type d’activité à exercer dans les locaux loués.

Le locataire se doit alors de respecter la désignation prévue au bail. Il ne peut en principe procéder à une modification ou à un changement de ladite désignation.

À cet effet, il est possible d’envisager deux formes de déspécialisation : la déspécialisation simple (A) et la déspécialisation renforcée (B).



A- Déspécialisation simple

*C’est celle qui permet au locataire d’adjoindre à l’activité prévue dans le bail, des activités connexes ou complémentaires. En droit français, le locataire a la latitude de procéder à cette adjonction. Il en est ainsi même si l’activité nouvelle devient plus importante que l’ancienne (Civ., 3e, 24 oct.1984, Bull. civ. III, no 79).


La possibilité de faire usage de la déspécialisation partielle est prévue en de termes implicites par l’article 81 al. 3 de l’AUDCG. (Le nouvel article 113 al. 2 est toutefois mieux conçu : Il est possible pour le preneur d’adjoindre à l’activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires relevant d’un même domaine que celui envisagé lors de la conclusion du bail. Le preneur doit en aviser de manière expresse le bailleur. Le bailleur peut s’y opposer pour des motifs sérieux. En cas de conflit entre le bailleur et le preneur, il appartient à la partie la plus diligente de saisir la juridiction compétente). Ce texte indique en effet que le bailleur est apte à demander à la juridiction compétente la résiliation du bail s’il subit un préjudice lorsque le preneur veut adjoindre à l’activité prévue au bail une activité connexe ou complémentaire.


B- Déspécialisation renforcée

*Encore connue sous la dénomination de déspécialisation plénière ou générale, c’est celle qui permet au locataire de demander au bailleur l’autorisation d’effectuer des activités différentes de celles prévues au bail eu égard à la conjoncture économique.

L’autorisation du bailleur étant requise, cette forme de déspécialisation n’est pas un droit pour le locataire.


Dans la législation OHADA, la règle trouve sa source dans les deux alinéas de l’article 113 de l’AUDCG ainsi rédigés :

1 : « Le preneur est tenu d’exploiter les locaux donnés à bail en bon père de famille, et conformément à la destination prévue au bail […] ».

2 : « Si le preneur donne aux locaux un autre usage que celui auquel ils sont destinés, et qu’il en résulte un préjudice pour le bailleur, celui-ci pourra demander à la juridiction compétente la résiliation du bail ».


Une fois de plus, les rédacteurs de ces textes n’ont pas choisi une démarche directe pour se prononcer au sujet de la déspécialisation renforcée. Mais dans une interprétation a contrario de ces dispositions, on peut remarquer que si le preneur désire se démarquer de la destination prévue au bail, il se doit de requérir au préalable l’accord du bailleur. À défaut, il peut être condamné à payer des dommages - intérêts pour réparer le préjudice subi à cette occasion par ce dernier. Fort heureusement, le nouvel art. 113 de l’AUDCG apporte une amélioration notoire en son alinéa 3 ainsi libellé : en cas de changement de l’activité prévue au contrat, le preneur doit obtenir l’accord préalable et exprès du bailleur qui peut s’y opposer pour des motifs sérieux.

Étant donné que la déspécialisation générale entraîne une véritable modification du contrat de bail, on comprend que celle-ci ne puisse se réaliser efficacement que par application des dispositions de l’article 1134 du Code civil qui subordonne cette situation au consentement mutuel des parties (Voir J. Gatsi, Pratique des baux commerciaux dans l’espace OHADA, 2e éd., op. cit., p. 165, p. 169).

Le plus souvent, l’autorisation du bailleur n’est donnée que si les nouvelles activités sont compatibles avec la destination, les caractères et la situation de l’immeuble ou de l’ensemble immobilier.

Cette forme de déspécialisation entraînant une véritable transformation de l’exploitation, elle est de nature à porter une grave atteinte aux droits des créanciers du preneur. Pour cette raison, la logique voudrait qu’il les informe du changement d’activité survenu. Dans le cas contraire, il pourrait être condamné, d’une part, à honorer ses engagements à leur endroit, et d’autre part, à leur verser des dommages - intérêts sur le fondement de l’article 1382 du Code civil s’ils ont subi un préjudice de ce fait.


*Le désaccord entre le bailleur et le preneur demandeur de la déspécialisation renforcée peut être porté à la connaissance de la juridiction compétente pour décision. C’est ce qui ressort implicitement (on a déjà relevé la formulation directe de l’alinéa 4, art. 113 : « En cas de conflit entre le bailleur et le preneur, il appartient à la partie la plus diligente de saisir la juridiction compétente ») des dispositions de l’article 81 al. 2 sus-cité qui autorisent le bailleur à demander la résiliation du bail lorsque l’usage autre donné aux locaux par le preneur lui cause un préjudice. Autrement dit, face à l’hostilité du propriétaire, le locataire a le droit de se pourvoir devant la juridiction compétente aux fins de demander l’autorisation de la déspécialisation renforcée, en apportant la preuve qu’elle est nécessaire et surtout pas de nature à causer un quelconque préjudice au bailleur.

Le juge est apte à autoriser cette opération si la nécessité est véritablement établie. C’est le cas lorsqu’elle est motivée par l’impérieux souci d’assurer la survie du commerce considéré et par conséquent, de sauver de nombreux emplois.


En considération de ces paramètres, des autorisations de réaliser des déspécialisations renforcées ont été données dans les cas ci-après en droit comparé : la transformation d’un pressing en restaurant, mais sans modification des locaux (Civ., 3e, 24 juin 1992, Bull.civ. III, no 221) ; le changement d’activité des cartes géographiques peu rentable et défi citaire à cause des nécessités de la conjoncture économique et de l’organisation rationnelle de la distribution (Civ., 3e, 8 juin 1995, D., 1995, IR, 173).

Évidemment, lorsque, tranchant le litige, le tribunal accorde l’autorisation sollicitée par le preneur, il se doit, le cas échéant, de donner une suite favorable à la demande d’augmentation conséquente du loyer formulée par le bailleur, celle-ci étant réalisée par dérogation à toutes les conditions et limites fixées dans le contrat initial (Civ., 3e, 24 juin 1992, D., 1992, IR, 214).



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