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INTRODUCTION GENERALE
Lorsque le juge est saisi d’un litige notamment en droit de la famille, et s’agissant par exemple d’un litige en droit du mariage ou bien qu’il s’agisse d’un litige en droit des obligations, en droit pénal, ou dans toutes autres disciplines, ce juge applique naturellement le droit positif ivoirien. Ainsi, il ne se soucie guère de savoir quelles lois va s’appliquer, mais, lorsque nous nous situons en DIP, lorsque le juge est saisi d’un litige, la question à laquelle il doit répondre est de savoir quelle loi appliquer à ce litige. Car en cette matière (DIP), la question délicate consiste à déterminer le droit ou les règles qui vont régir la relation internationale en cause. La question est fondamentale, en ce sens que les relations internationales privées mettent en cause les relations entre les personnes privées d’origine Étatique différente. Une telle relation aboutit donc à la situation dans laquelle différentes lois sont susceptibles de s’appliquer mais la solution consiste à choisir parmi celles-ci, une loi qui va s’appliquer donc à cette relation. On dit qu’une relation à un caractère international, lorsqu’elle comporte un élément d’extranéité, c’est-à-dire un élément qui implique une situation juridique mettant en cause deux ou plusieurs systèmes juridiques entraînant de ce fait un règlement des conflits de lois ou des conflits de juridiques. A titre d’exemple, le mariage de deux personnes de nationalité différentes est une relation internationale car ce mariage met en cause deux lois Étatiques d’origines différentes, et il importe peu que ce mariage soit célébré dans le pays de l’homme ou de la femme. Exemple: il y a élément d’extranéité attribuant le caractère international concernant un contrat entre deux opérateurs en ce sens que l’élément d’extranéité peut consister dans le lieu de signature du contrat ou bien dans le lieu d’exécution du contrat. Ces exemples montrent qu’ils comportent des rapports conflictuels qui posent le problème du droit applicable ainsi que le problème de la juridiction compétente. Car il s’agit de conflits qui présentent des rattachements juridiques différents.
En définitive, il faut savoir que le conflit de lois naît lorsqu’une situation juridique donnée comporte un élément d’extranéité qui le rattache à des ordres juridiques différents de sorte que chacune de ces lois à vocation à régir la situation ainsi créée. Le juge saisi d’un conflit à caractère international doit répondre à la question essentielle de savoir: Comment déterminer la loi applicable ou la juridiction compétente? Compte tenu du fait que plusieurs systèmes juridiques sont susceptibles de s’appliquer au cas d’espèce, c’est pour répondre donc à cette question importante que le Droit International Privé a fixé des méthodes, c'est-à-dire des procédés de détermination de la loi compétente et de la juridiction compétente, en vue de régler les litiges à caractère international. Il existe donc plusieurs méthodes de la loi ou de la juridiction compétente, ainsi dans l’exercice de son rôle, le juge va recourir à ces méthodes.
Les règles matérielles constituent l’ensemble des droits subjectifs reconnus aux individus dans leurs relations à caractère international, on peut citer par exemple, les règles matérielles qui définissent le droit de propriété ou encore le droit de créance d’origine contractuelle des individus. Relativement à ces règles de droit matériel, on peut citer les dispositions du code civil suivantes: l’article 1382, l’article 1134, l’article 544, l’article 1383…
Quelle que soit la matière (Droit civil, Droit commercial) chacun dans sa branche, comportent des règles matérielles substantielles qui fournissent les règles sanctionnatrices dont l’objet est d’assurer la mise en œuvre effectif des droits subjectifs. En définitive, il faut savoir que les règles matérielles, en Droit International Privé permettent de donner une solution directe au règlement des conflits à caractère international. Alors que la méthode des règles de conflit de lois se limite à déterminer parmi les différentes lois celles qui vont s’appliquer au litige en cause.
En conséquence, parmi toutes les lois en conflits. Le juge va interroger une seule loi pour obtenir la solution au problème de droit posé. En conclusion en Droit International Privé, il existe deux méthodes de résolution des conflits de lois. Il y a la méthode directe qui repose sur l’existence des règles matérielles à caractère international déterminant les solutions aux problèmes de Droit International Privé, puis il y a la méthode indirecte qui repose que le recours aux règles de conflit de lois dont l’application consiste dans un premier temps à voir parmi toutes les règles en conflits celle qui sera choisie et dans un deuxième tps à interroger les règles matérielles de cette loi choisie, lesquelles règles matérielles vont donner la solution au problème de droit posé.
A- distinction droit international privé et droit international public
Le Droit International Privé fait partie de la grande branche du Droit Privé. De ce fait, le Droit International Privé concerne les relations que des personnes provenant d’États différents peuvent nouer entre elles.
Exemple: Il peut s’agir de la naissance d’un enfant dont les parents sont de nationalités différentes ou encore de la formation d’un contrat entre deux opérateurs économique de nationalités différentes.
Quant au Droit International Public, il est considéré comme une branche du Droit Public, parce qu’il concerne les États ainsi que les relations entre les Etats mais également les Institutions internationales. Toutefois, il faut relever que ces États peuvent également se comporter comme des personnes privées en exerçant par exemple du commerce, auquel cas, c’est le Droit International Privé qui va s’appliquer, même s’il s’agit de la signature d’un traité ou de l’établissement de relation d’ordre politiques et économiques qui met en place les organisations internationales ou les juridictions internationales, alors on demeure dans le domaine du Droit International Public. Mais la question délicate qui se pose est de savoir à quel moment une question de Droit Privé dévient-elle une question de Droit International Privé nécessitant un raisonnement particulier et impliquant donc le choix du droit applicable, ou du tribunal compétent. On peut répondre déjà à cette question en affirmant que par exemple s’il s’agit de la nationalitéétrangère de l’une des parties, de la situation des biens à l’étranger d’une personne, ou bien de la livraison à l’étranger de marchandises fabriquées en Côte d’Ivoire. Dans chacun de ces cas, la relation est considérée comme internationale. Il est important de savoir que même dans les litiges à caractère international dans lesquels un ivoirien est partie, il faut savoir que ni la loi Ivoirienne, ni le juge Ivoirien, ne sont automatiquement compétents. En effet en la matière, il est possible qu’une autre loi que la loi ivoirienne s’applique et qu’un juge autre que le juge Ivoirien soit compétent.
Pour résoudre cette difficulté essentielle, en ce qui concerne le choix de la loi applicable ou du tribunal compétent, la doctrine a dégagée une méthode qui lui permet de faire la distinction entre la relation objectivement internationale et la relation subjectivement internationale. Ainsi est considérée comme une relation objectivement internationale, celle qui est réellement à cheval sur plusieurs pays et qui implique alors l’existence de plusieurs lois susceptibles de s’appliquer. Exemple: le mariage entre une ivoirienne et un anglais, ou bien le cas de ce même mariage célébré au Sénégal et installé sur le territoire français après le mariage. Dans ces différents cas, il y a de façon objective une hésitation quant au choix des différentes lois en présence. En effet, toutes ces lois sont susceptibles de s’appliquer. Au contraire, la doctrine considère que la relation est subjectivement internationale lorsque l’élément qui l’a rendu international est intervenu par accident, dans un tel cas, on considère qu’il n y a pas en réalité de choix à opérer entre plusieurs lois ou plusieurs tribunaux. Ainsi on considère que la relation reste localisée dans un seul pays. Tel sera le cas dans l’hypothèse ou deux industriels ivoiriens se rencontrent en territoire français au cours d’une foire internationale et à cette occasion, il décide de former un contrat qui va être exécuté totalement sur le territoire ivoirien. Dans le cas d’espèce, l’élément d’extranéité qui intervient dans cette relation juridique, c’est le lieu de signature du contrat, mais la doctrine considère que pour l’essentiel des questions c’est le droit ivoirien qui est en cause, par conséquent l’élément d’extranéitéà savoir le lieu de signature du contrat est accidentel de sorte qu’il ne suffit pas pour rendre ce contrat international. Exemple: un ivoirien en partance pour la France décide de se fiancer lors d’une escale en Afrique du Sud. Pour la doctrine, le lieu des fiançailles ne sauraient justifier l’application du droit sud-africain en vue de régler les éventuels litiges qui pourraient surgir plus tard.
Il reste à admettre qu’il n’est pas aisé de faire la distinction entre un litige à caractère interne et un litige à caractère international. Ainsi chaque fois qu’une situation juridique se présente il est nécessaire de se poser plusieurs questions:
Quel critère permet de déterminer l’élément d’extranéité?
Quel critère permet de dire que l’élément d’extranéité n’a aucune importance dans le litige concerné, et que ce critère ne sera pas pris en considération?
B – les sources du droit international privé
En l’absence de droit matériel international privé, il appartient aux législateurs de chaque État, d’édicter des règles qui vont résoudre les différentes questions de Droit International Privé. En la matière, on distingue deux grandes sources: les sources internes et les sources internationales.
a-Les sources internes du Droit International Privé
Il existe deux sources internes, la source légale et la source jurisprudentielle.
1 – La source légale
En Côte d’Ivoire, on relève une certaine pauvreté du droit civil. En ce qui concerne les textes internes, dans le domaine des conflits de lois et des conflits de juridictions. En réalité, en matière de conflits de lois, il n’existe que quelques textes rares et éparpillés. En réalité, le seul texte que l’on peut désigner avec certitude, c’est l’article du code civil Français intégré au Droit Ivoirien. Ce texte renferme (3) règles de conflits de lois qui sont:
-La Règle relative aux lois de police et de sûreté
-La règle portant sur les immeubles qui demeure soumis à la loi de leur lieu de situation.
-La règle relative à l’état des personnes.
Toutes ces questions sont réglées par la loi nationale de la personne concernée.
Ainsi l’interprétation de l’article 3 évoqué permet d’affirmer que les lois de polices et de sûretés obligent tous ceux qui habitent sur le territoire Ivoirien, mais quand aux immeubles, même si ceux-ci sont la propriété d’un étranger dès lors qu’ils sont situés sur le territoire de la Côte d’Ivoire, ils sont régi par la loi Ivoirienne.
Enfin, s’agissant de l’état et de la capacité des personnes, ces questions sont réglées par la loi Ivoirienne lorsqu’il s’agit d’un Ivoirien. Mais en matière de conflit de juridictions, il existe une rareté de texte, en droit interne Ivoirien, les seuls textes qui existent sont les articles 14 et 15 du code civil, mais ces textes font référence à la compétence des juges Ivoiriens, lorsque ceux-ci se trouvent en présence d’une situation à caractère international. Il faut souligner aussi que c’est en matière de nationalité, d’entrer et de séjours des étrangers en Côte d’Ivoire, qu’il existe une législation suffisante. En effet, en matière de nationalité, les règles ont leurs sources dans la loi N°61-415, du 14 décembre 1961 portant code de la nationalité Ivoirienne modifié par la loi n° 72-852 du 21 décembre 1972 ainsi que les dispositions ultérieures issues notamment des lois de Marcoussis, par exemple la loi n°04-663 du 17 décembre 2004 ou bien la décision n°2005-03/PR du 15 juillet 2005, relative au code de la nationalité. De même, s’agissant du statut des étrangers, celui-ci est réglé par la loi n°2002-03 de 2002 relative à l’identification des étrangers et de leur séjour en Côte d’Ivoire modifié par la loi n°2004-343 du 03 mai 2004, ainsi que la décision n°2005-05/PR du 15 juillet 2005 relative à l’identification des personnes étrangères.
2 – La source jurisprudentielle
La place de la jurisprudence est très importante en Droit International Privé, en ce sens que la jurisprudence vient compléter les solutions des conflits de lois. Toutefois en Droit International Privé, il faut constater qu’il n’y a pas d’abondance de décision de justice. Partant de ce constat. On comprend qu’il y a nécessité de jeter un regard sur le droit positif français ce qui a pour conséquence de recourir maintes hypothèses aux solutions de Droit français (tribunaux français), en ce sens que le Droit international Privé Ivoirien est largement inspiré du Droit International Français surtout dans cette matière.
Nous avons pour preuve l’article 3 sus cité qui est une disposition du code civil Français intégré au Droit Ivoirien car c’est à partir de ce texte que les tribunaux Français ont pu énoncer les règles de conflit de lois dans différentes matières du Droit International Privé. C’est également dans le domaine des conflits de juridictions que les tribunaux français ont dégagé aussi des règles de compétence dans les litiges internationaux
b – Les sources internationales
Les sources internationales jouent un rôle limité dans l’élaboration du Droit positif. Toutefois, en la matière on retient les sources suivantes: les traités (qui restent par excellence les sources du Droit International Privé), la jurisprudence internationale, les règles non Étatiques.
1-Les traités
On distingue les traités multilatéraux et les traités bilatéraux. Les traités bilatéraux ont une portée limitée, en ce sens qu’il se limite à régler les incompatibilités entre les droits de deux États Signataires, Ex: La convention Ivoiro-Française relative à la circulation des personnes en Côte d’Ivoire et en France.
Quant aux traités multilatéraux, ce sont des accords négociés entre plusieurs États. Ils ont pour objet de remplacer le contenu des droit internes des États signataires en créant de nouvelles règles de droit. Exemple: Traité de l’OHADA entré en vigueur le 1er janvier 1998 ou le traité de la CEDEAO, du 28 Mai 1975.
Au plan international, on peut citer la conférence de la Haye sur le Droit International Privé des États membres de cette conférence.
2-La jurisprudence internationale
Elle a une influence très limitée en Droit International Privé. Par exemple, au plan Africain, on peut citer la jurisprudence internationale née des décisions citées de la CCJA (Cour Commune de Justice et d’Arbitrage). Au plan International, on peut citer les décisions des CIJ (Cour International de Justice) de la Haye ou encore les décisions du TPI (Tribunal Pénal International) ou bien les décisions émanant de la Cours Européenne des droits de l’homme.
3-Les règles non étatiques (Usages)
Les règles non étatiques sont aussi appelées des usages, ces règles sont nées du commerce International, c’est pourquoi, on leur donne le nom de « lexmercatoria ». Ainsi, il faut souligner que l’application de la loi d’autonomie en matière contractuelle connaît des limites dans la pratique du commerce international, car dans ce domaine, il existe des opérations que l’on refuse au nom du réalisme à la loi d’un Etat, en ce sens que ces opérations débordent par leur ampleur le cadre des systèmes de conflit de lois, ce qui a justifié donc l’avènement de la lexmercatoria. Il faut conclure en indiquant que le Droit International Privé Ivoirien à l’instar du Droit International Privé Français s’appuie sur une conception large du Droit International Privé, en conséquence, une étude en Droit International Privé suppose que l’on aborde les questions suivantes:
- La question de la nationalité et la condition des étrangers (c'est-à-dire, l’entrée et le séjour des étrangers en Côte d’Ivoire, ainsi que l’exercice de leur droit sur le territoire Ivoirien)
- La question relative aux conflits de lois
- La question relative aux conflits de juridictions mais dans le cadre de ce cours, nous nous arrêterons aux deux questions de lois les plus délicates, à savoir les conflits de lois et de juridiction.
1ere PARTIE : LES CONFLITS DE LOIS
Lorsqu’on est en présence d’une situation internationale. La question se pose de savoir : comment déterminer la règle de conflit de lois qui va permettre de désigner la loi d’un Etat qui sera applicable à la situation juridique en cause, il est bon de noter déjà que la loi Etatique qui sera désignée par la règle de conflits de lois pourra être, soit la loi du fort(c’est-à-dire, la loi du juge saisi), soit une loi étrangère. Cette méthode consiste donc à énoncer des règles de conflits de lois, elle connaît deux approches : -La 1ere approche est appelé aussi méthode unilatérale est un mode de raisonnement qui repose sur le principe selon lequel, un ordre juridique ne peut déterminer que le domaine de compétence des règles qui appartiennent à cet ordre juridique à l’exclusion du domaine de compétence des règles appartenant à d’autres ordres juridiques. De ce point de vue, la question qui mérite d’être posée est de savoir, quel est le champ d’application dans l’espace juridique d’un ordre donné ? L’ordre juridique Ivoirien s’applique sur le territoire Ivoirien. De façon concrète, cette méthode dite unilatérale trouve son fondement dans l’application de l’article 3 du code civil et ce texte définit le champ d’application de la loi ivoirienne, en affirmant que la loi Ivoirienne s’applique uniquement sur le territoire Ivoirien. Cette approche dit unilatérale s’oppose à une autre approche dite approche bilatérale, celle-ci consiste à placer ou à mettre en principe à égalité les différents systèmes juridiques concernés par le problème de droit posé. Ainsi la détermination du système juridique ou de l’ordre juridique compétent va se faire par le biais d’une analyse objective du problème qui est en cause. En d’autres termes, la méthode bilatérale veut qu’à partir d’une situation juridique donnée, l’on fasse une analyse selon des critères objectifs prédéterminé en fonction de la matière afin d’appliquer à cette situation, une loi qui sera désignée (par les critères), par exemple, s’agissant des rapports juridiques notamment un contrat, l’un des critères consistent dans la recherche de la localisation objective de cette relation, afin de désigner la loi concernée. En guise d’illustration de la méthode de conflits de lois dit unilatérale, on peut évoquer l’article 3 alinéa 3 cité qui dispose que les lois concernant l’état et la capacité régissent les Ivoiriens même résidant à l’étranger. Ce texte est rédigé de façon unilatérale, parce qu’il n’envisage que l’application de la loi Ivoirienne, lorsqu’il s’agit de l’état et de la capacité des personnes. Du reste, il précise que la loi Ivoirienne s’applique aux Ivoiriens même s’ils sont à l’étranger. Cependant, une interprétation de ce même texte (art 3 al 3) permet de dégager une règle bilatérale (méthode bilatérale) qui permet en conséquences de mettre à égalité la loi Ivoirienne et toutes les autres lois. En effet, ce sont les tribunaux Français qui après avoir interprété ce texte ont retenu la solution suivante : « l’état et la capacité des personnes sont soumises à la loi internationales » Cf. Arrêt Cour d’Appel de Paris, 13 juin 1814, dans l’affaire Busqueta in les Grands Arrêts de la Jurisprudence Française de Droit International Privé : arrêt n°1.
Il faut donc conclure que lorsque la règle de conflits de lois a désigné la loi nationale du juge saisi du litige, celui-ci ne connaît pas de difficultés puisqu’il s’agit d’appliquer sa propre loi qu’il est censé bien connaître. Au contraire, si la règle de conflits de lois désigne une loi étrangère, il va se poser au juge le problème de la connaissance de cette loi étrangère, qu’il est toutefois tenu d’appliquer.. La question qui se pose à présent est de savoir : Qu’est-ce que la règle de conflits de lois ? La réponse à cette question suppose une étude complète pour sa compréhension, à cet effet il faut évoquer la structure de la règle de conflits de loi, sa mise en application et enfin l’éventualité, de l’éviction de la loi étrangère désigné par la règle de conflits de lois.
CHAPITRE 1 : LA STRUCTURE DE LA REGLE DE CONFLITS DE LOIS
Deux éléments caractérisent la structure de la règle de conflits de lois, il s’agit : -De la catégorie
-Du rattachement
Pour déterminer, en effet la règle de conflits de lois qui va s’appliquer dans une situation donnée, par exemple, le juge ivoirien saisi d’un litige doit d’abord qualifier la situation pour la faire entrer dans l’une des catégories du système de Droit International Privé du droit Ivoirien. En réalité ce texte de qualification s’opère différemment selon la règle de conflits de lois. Ainsi lorsque la règle est d’origine nationale, le juge saisi, en l’occurrence le juge ivoirien, raisonne par projection dans l’ordre international des conceptions de son propre droit (droit interne) : on dit alors qu’il fait une qualification légé fori (selon la loi du fort). Par exemple : on peut retenir la question de la capacité d’un individu réquise pour passer un contrat, dès lors, la question qui se pose est de savoir si en l’espèce, la question de la capacité doit être rattachée à la catégorie des obligations à savoir les contrats, ou elle doit être rattachée à la catégorie des personnes (la capacité). La qualification de la situation juridique posée permet de déterminer la règle de conflits de lois. Mais lorsque le juge est parvenue à qualifier la situation juridique et à déterminer la règle de conflits de lois, il va se poser alors le problème de rattachement (à un ordre juridique). En effet, une fois que la qualification est opérée, il s’agit de rattacher la situation juridique à un ordre juridique au moyen d’un facteur de rattachement qui peut être objectif ou subjectif. Exemple : la nationalité d’un individu est un facteur objectif de rattachement choisie par des cocontractants est un facteur de rattachement subjectif. Mais en pratique, certaines difficultés peuvent surgir notamment, lorsque la loi désignée par la règle de conflits de lois commande un autre rattachement que celui de la règle de conflits de lois, du fort mise en œuvre. Dans un tel cas, on dit qu’il y’a un conflit de rattachement que l’on traduit en Droit International Privé par le problème de renvoi.
SECTION 1 : La catégorie : le problème
Pour comprendre le problème de qualification tel qu’il se pose en Droit International Privé, il est nécessaire de voir dans la pratique, les difficultés puisque présente, la résolution du problème de qualification est importante en Côte d’Ivoire dans cette matière car la qualification permet de définir la règle de conflit de lois. La demande ici consiste à cerner le problème de la qualification d’un point de vue pratique, autrement dit, comment le problème se pose en pratique, ensuite il faut évoquer la règle qui sous-tend la qualification c’est-à-dire, selon quelles règles, un juge saisi d’un litige à caractère international va qualifier, la situation juridique en cause.
Paragraphe 1 : Le problème de la qualification
On peut appréhender le problème de la qualification en s’appuyant sur quelques exemples, à cet effet, on peut évoquer déjà l’arrêt de référence qui a posé pour la 1ere fois le problème de la qualification en Droit International Privé. Il s’agit de l’arrêt de la Cour d’Appel d’Alger du 24 décembre 1889 dans l’affaire Bartholo, les faits étaient les suivants : deux conjoints Anglo-Maltais, marié à Malte avait émigré en Algérie ou le mari avait acheté des immeubles. Au décès du mari, la veuve avait réclamé sur les immeubles d’origine Romaine connue sous le nom du « quarte du conjoint pauvre ». Cette lois permettait à la veuve d’obtenir en usufruit le quart des biens du mari. Le juge saisi du litige était confronté à deux questions essentielles.
-Le droit Anglo-Maltais, en d’autre terme (le quarte du conjoint pauvre) faisait partie de la catégorie des successions ou de la catégorie des régimes matrimoniaux. Exemple 2 : Concernant le mariage civil d’un grec orthodoxe, ce mariage avait été célébré en France devant un officier d’état civil Français avec une Française. Plus tard, à la suite de nombreuse mésentente au sein du couple, le mari avait soutenu que leur mariage était nul au motif que celui-ci n’avait pas été célébré par un prêtre orthodoxe. Le problème de qualification ainsi posé devant le juge Français était de savoir si la célébration des mariages qu’il soit civil ou religieux est une question de forme ou une question de fond. La réponse à cette question est essentiel car elle va déterminer la loi applicable et en même temps dire si le mariage en cause est valable ou n’est pas valable. En effet si la célébration des mariages est une question de forme, la règle de conflits en la matière désigne la loi du lieu de célébration, celle-ci étant, la loi Française. Il va sans dire que le mariage litigieux est sans aucun doute valable, mais au contraire si la célébration est considérée comme une question de fond, la règle de conflit en la matière, désigne la loi nationale des parties, or la loi grecques exigent la présence d’un prêtre orthodoxe, ce qui n’a pas été le cas, par conséquent le mariage sera nul. Il faut conclure donc que le problème de la qualification reste essentiel en Droit International Privé parce que pour déterminer la loi applicable dans un litige, le juge saisit doit qualifier l’objet du litige.
Paragraphe 2: Le principe de la qualification selon la loi du juge saisi: La qualification "lege fori"
Il existe de nombreuses décisions françaises qui appliquent le principe de la qualification lege fori. Naturellement, cette solution est justifiée par des arguments développés par ces tribunaux. Cependant il existe des critiques qui vont à l'encontre de cette solution, il convient donc d'invoquer les arguments favorables au principe de la qualification lege fori, mais également de s'arrêter aux critiques faites à l'encontre de cette solution. Entre autres arguments favorables, Il y a l'idée selon laquelle la qualification lège fori consiste à choisir et à interpréter la règle de conflit de lois du juge saisi. En conséquence, il est donc logique de demander à la loi de ce juge saisi d'interpréter cette règle. Le second argument consiste à dire que, le processus de qualification permet de déterminer en définitive la loi applicable, en ce sens que la qualification reste un préalable au choix de la loi applicable, dès lors que ce préalable ne peut être demandé qu'à la loi du juge saisi, puisque à ce stade, l'on ne sait pas encore si c'est la loi étrangère qui sera effectivement désignée.
Cependant, il existe des critiques faites a l'encontre du principe de la qualification lege fori. L'une des critiques consiste à dire que la solution juridictionnelle française néglige de ce point de vue la qualification que la loi étrangère retient. Malgré plusieurs critiques, la solution constante en la matière, repose sur le principe de la qualification lege fori. Toutefois, dans la mise en application de ces solutions de ce principe, il n'est pas exclu que la loi étrangère intervienne au cours de ce processus de qualification.
Paragraphe 3: La mise en œuvre de la qualification lege fori
La mise en oeuvre de la qualification lege fori, suppose que l'on s'interroge sur le processus de la qualification et sur le domaine de la qualification.
A- Le processus de la qualification
Qualifier lege fori signifie classer dans les catégories du for (le juge saisit): cette qualification doit se faire dans l'une des catégories de la loi du for, ce qui suppose de connaître les catégories du for dans lesquelles le classement doit se faire.
1- Le classement dans l'une des catégories du for
Pour classer une institution dans l'une des catégories du for, il est nécessaire de connaître l'institution étrangère objet de la qualification afin de la rattacher ensuite à l'une des catégories du for. Cette indication montre donc que l'exercice de qualification comporte deux phases: la première consiste à analyser la loi étrangère puis la seconde consiste à classer l'institution en cause dans la loi du for, par exemple rappelant le litige qui avait opposé deux conjoints anglo-maltais, litige dans lequel la veuve réclamait selon la loi maltaise l'institution appelée : «Quarte du conjoint le plus pauvre» il est évident que cette institution était inconnue dans le langage juridique français. Ce qui rendait difficile donc l'analyse de la loi étrangère relativement à cette institution. Ainsi, l'analyse consistait à dire si selon les conceptions du droit français, le quarte du conjoint le plus pauvre est une institution liée au régime matrimonial ou du régime des successions.
2- La détermination des catégories du for
Selon la conception du DIP ivoirien, inspiré du DIP français, on distingue trois catégories d'institutions qui sont:
- la catégorie du statut personnel: cette catégorie renvoie aux statuts de l'individu et au statut familial. Toutes les questions qui relèvent de l'individu ou de sa famille, sont classées dans cette catégorie.
- La catégorie des obligations: celle-ci renvoie aux actes juridiques à la responsabilité intellectuelle et aux régimes matrimoniaux.
- La catégorie du statut réel: Celle-ci renvoie aux biens meubles et aux biens immeubles et aux successions.
En réalité ces trois catégories sont déduites des conceptions juridiques du droit interne et elle reste valable pour l'application des règles de conflit de lois. Toutefois, il faut retenir qu'il n'y a pas une adéquation totale entre les catégories du droit interne et celle du DIP. Pour étayer cette affirmation, on peut évoquer l'hypothèse du mariage polygamique qui pose le problème de savoir si un tel mariage peut être qualifié de mariage au sens juridique du terme. Auquel cas, il sera classé dans la catégorie relative au mariage afin d'appliquer les règles de conflit de lois en la matière. La question est pertinente parce que les règles de conflit de lois retenues pour le mariage monogamique ne sont guère adaptées aux mariages polygamiques.
B- Le domaine de la qualification lege fori
Le domaine de la qualification lege fori pose le problème de la désignation de la règle de conflit de lois applicable. En effet, la qualification lege fori aboutit à deux conséquences:
- la qualification selon la loi étrangère (celle-ci s'appelle la qualification l'ex causae) reprend son empire une fois que la règle de conflit de lois n'a désigné une autre loi que la loi du for. Sur ce point nous pouvons retenir l'exemple d'un accident de la circulation, intervenu sur un territoire étranger, en l'espèce, le problème de la responsabilité en cause sera résolu par l'application de la règle de conflit de lois retenu en DIP ivoirien, lequel désigne la loi du lieu où le fait délictuel s'est produit. Ainsi, dans cette espèce, le juge ivoirien saisi devrait selon sa propre règle de conflit de lois retenir la loi étrangère. La qualification l'ex causae va donc intervenir dès l'instant où la règle de conflit de lois a désigné une loi étrangère. De ce fait, cette loi étrangère va s'appliquer avec ses propres qualifications.
- La qualification peut se situer au niveau de la distinction entre les meubles et les immeubles. De sorte que la qualification des biens meubles ou immeubles va se faire soit par rapport à la loi du for, soit par rapport à la loi du lieu de la situation afin de déterminer la règle de conflit de lois. En matière successorale par exemple, il existe deux règles de conflit de lois différentes, lorsque la succession concerne les immeubles et les meubles. En effet, en matière de succession, les meubles sont soumis à la loi du dernier domicile du défunt, tandis que les immeubles sont soumis à la loi du lieu de leur situation. Cette distinction revient à dire qu'en matière successorale si la loi du for doit qualifier les biens en cause pour dire si ces biens sont meubles ou immeuble, au contraire lorsqu'il s'agit de la qualification des biens d'une façon générale, la règle de conflit de lois désigne la loi du lieu de situation du bien. Chaque fois que la loi étrangère est designée par une règle de conflit de lois, il va s’en dire que c'est cette loi étrangère qui va qualifier ces biens, cette solution ressort de la décision du tribunal de grande instance de la Seine dans l'affaire de stognoff en date du 12 janvier 1966 rapporté à la SCDIP 1967 pages 120.
Section 2: Le rattachement
Une fois que l'objet du litige est qualifié, il reste donc à rattacher l'institution en cause à un système juridique (ordre juridique étatique). La notion de rattachement en DIP renvoie à deux questions essentielles:
- comment se pose le problème du rattachement en DIP?
- comment résoudre le problème du renvoi lorsque plusieurs rattachements sont reconnus.
Paragraphe 1: Le problème de rattachement
Le problème du rattachement consiste à analyser les conflits de rattachement qui sous-tendent le problème de renvoie.
A- Les conflits de rattachement
On peut illustrer le conflit de rattachement en s'appuyant sur des exemples, nous en retiendrons deux:
- le premier exemple porté sur la catégorie du statut personnel, qui comprend en réalité deux types de sous catégories. En effet, dans la grande catégorie de statut personnel, il y en a qui soumettent le statut personnel à la loi nationale de l'individu. C'est d'ailleurs la solution choisie par le DIP ivoirien de même que le DIP français. Selon donc cette solution toutes les questions relevant du statut de l'individu doivent trouver réponse dans la loi nationale de l'individu.
- La deuxième sous catégorie soumet le statut personnel de l'intéressé à la loi du dernier domicile de l'intéressé. C'est la loi retenue par les pays anglo-saxons. En matière de succession, le DIP ivoirien retient que les successions sont classées dans la catégorie des statuts réels, à cet effet les biens meubles sont soumis a la loi du dernier domicile du défunt tandis que les immeubles sont soumis à la loi de leurs lieux de situation. Mais en matière de succession et s'agissant des biens meubles d'autres systèmes juridiques, par exemple les systèmes italiens et allemands admettent que les successions sont rattachées au statut personnel de sorte que les biens meubles sont soumis a la loi nationale du défunt. Ces exemples montrent assez bien que du point de vue pratique, eu égard à la différence qui existe entre les systèmes de DIP, il va nécessairement se poser un conflit de rattachement.
En la matière, la difficulté résulte de ce que le juge saisi d'un litige comportant un conflit de rattachement, doit répondre à la question de savoir si dans son raisonnement il doit s'arrêter à l'étape de la désignation de la loi étatique étrangère et applique de ce fait le droit interne étranger ou bien s'il doit prendre en considération le rattachement évoqué par la règle des conflits de lois du droit étranger pour appliquer alors cette autre loi ainsi désignée. À partir de cet exemple, à savoir entre un citoyen ivoirien et une citoyenne anglaise, il faut comprendre que la règle de conflit anglais fait un renvoyer à la règle de conflit ivoirien. Ici, chaque système se faisant un renvoi à l'autre, on dit alors qu’il y a un conflit négatif, il y a renvoi en ce sens que chaque règle de rattachement attribue compétence a d'autres lois. Mais on admet qu’il y a conflit positif lorsque chaque règle de rattachement donne compétence à sa propre loi.
B- Les différents types de renvoi ou de conflit de rattachement
En DIP il existe trois types de renvoi qui sont: le renvoi au premier degré, ensuite le renvoi au second degré, et enfin le renvoi à la première loi désignée.
1- Le renvoi au premier degré
Pour illustrer le renvoi on peut retenir la situation de succession d'un anglais domicilié en Côte d’Ivoire. Le juge ivoirien saisi, va nécessairement répondre à la première questions qui est de savoir si cet anglais, est capable de succéder. Or selon le système des successions la question de la capacité de succéder, est résolu par la loi nationale de celui-ci. Mais la règle de rattachement du système juridique anglais désigne au contraire la loi de domicile, c'est cela le renvoi au premier degré parce que la règle de rattachement du système de droit étranger, désigne la loi du juge saisi.
2- Le renvoi au second degré
Il y a renvoi au second degré lorsque le renvoi est fait à la loi d'un pays tiers. À titre d'illustration, nous allons considérer la question de la succession d'un anglais domicilier au Danemark (le Danemark et l'Angleterre ont la même règle de rattachement en ce qui concerne la capacité de l'individu a savoir la loi du domicile de celui-ci) ainsi, en retenant que le juge ivoirien a été saisi du litige concernant cet anglais en application de sa propre règle de rattachement, doit en principe appliquer la loi nationale anglaise mais en prenant en compte la règle de rattachement du système anglais celle-ci va désigner en son tour la loi du domicile c'est-à-dire la loi danoise. Ici, si l'on s'appuie sur la solution selon laquelle, la règle de rattachement d'un système juridique danois, est la même que le système juridique anglais, on devrait en conclure, que la question du renvoi est résolue, et que la situation ne donne plus lieu à un autre renvoi.
3- Le renvoi à la première loi désignée
On peut retenir ici, la situation d'un Anglais domicilié en Belgique, mais la règle de rattachement, du système juridique belge est la même que le système juridique ivoirien. Selon cette règle, la capacité d'un individu dépend de sa loi nationale, Ainsi, le juge ivoirien saisi appliquant sa propre règle de rattachement va désigner la loi nationale anglaise. Mais la règle de rattachement du système anglais va désigner la loi nationale du domicile à savoir la loi belge. La règle de rattachement du système juridique belge, renvoi à la loi nationale de l'individu. Dans cette hypothèse, on comprend qu'il y a un risque de s'adonner à une série de renvois successif et indéfini. En conséquence pour éviter les renvois successifs, La solution retenue par les tribunaux Français et qui semble être celle des juges ivoiriens consiste à appliquer au litige en cause la loi designer par la règle de conflit de lois du juge saisi. Ainsi, dans notre exemple le juge ivoirien saisi, va appliquer purement et simplement le droit interne anglais.
Paragraphe 2: Analyse du renvoi en droit positif
il s'agit d'évoquer ici, la question de renvoi tant au plan jurisprudentiel qu'au plan doctrinal.
A- Le renvoi au plan jurisprudentiel
Le problème du renvoi a été posé pour la première devant les tribunaux français qui ont dégagé un principe selon lequel le renvoi fait par une règle de rattachement étrangère à la loi interne Française, doit être accepté. Mais ce principe admet des restrictions.
En DIP l'arrêt de principe qui a évoqué pour la première fois la question du renvoi, il s'agit de l'arrêt de la cour de cassation: dans l'affaire FORGO 4 juillet 1878, rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence française de DIP (GAJFDIP) arrêt numéro 7. Dans cet arrêt le juge de cassation avait accepté le renvoi de la loi anglaise du domicile de droit du défunt, a la loi française du domicile de fait. Il s'agissait dans ce litige de régler la succession mobilière du de cujus. À la suite de l'arrêt Forgo d'autres décisions de justice ont retenu la solution qui consiste à admette le renvoi au droit français. Il est surtout remarquable que si la solution de renvoi a été retenue pour la première fois dans un litige successoral portant sur des biens meubles, cette solution a été étendu à d'autres les matières, notamment en matière de divorce on peut citer l'arrêt Bischall, chambre des requêtes, Cour de cassation 10 Mai 1939, Sirey 1942 1re partie page 3. L'arrêt Patino 15 Mai 1963 JCP 1963 DEUXIÈME PARTIE N 13965. l'admission du renvoi reste une solution généralisée dans la jurisprudence cependant, l’on retient que dans certaines matières le renvoi est exclu. En effet, on peut citer à ce propos l'arrêt de la cour de cassation 1re ch. civile 11 Mars 1997 dans l'affaire Mobil North Sea Limited rapporté à la revue critiques de DIP 1997 page 702. Dans son attendu principal la cour de cassation a affirmé que: «la mise en oeuvre de la loi d'autonomie de la volonté est exclusive de renvoi». La solution est la même (exclusion de renvoi) lorsqu'il s'agit de la question relative à la forme des actes juridiques. En ce qui concerne l'acte juridique, il s'agit de l'application de la règle: Locus regit actum selon laquelle un acte juridique est valable quant à la forme s'il respecte la loi du lieu de conclusion.
B- Le renvoi au plan doctrinal
S' agissant de la question de renvoi en DIP au plan doctrinal, et il faut se situer à deux moments différents. Il y a d'abord la doctrine classique, qui s'est montrée hostile au renvoi, ensuite il y a eu la doctrine moderne qui au contraire s'est montrée favorable au renvoi, et qui de ce fait défend plusieurs positions. Ainsi, il faut conclure que dans l'état actuel du droit positif la solution de l'acceptation de renvoi reste une solution constante, surtout dans la jurisprudence qui justifie cette solution par l'idée d'une coordination des règles de conflit de lois. Dès lors il reste à envisager la mise en application de la règle de conflit de lois.
CHAPITRE 2: LA MISE EN APPLICATION DE LA RÈGLE DE CONFLIT DE LOIS
La mise en application de la règle de conflit de lois, pose trois questions essentielles: la question de savoir si le juge du fond à l'obligation d'appliquer la règle de conflit de lois. Autrement dit, la règle de conflit de droit, est-elle une règle de droit comme toute autre règle de droit? la réponse à cette question sous-tend en réalité le problème de l'autorité de la règle de conflit de lois. Ensuite, lorsque la règle de conflit de lois, a désigné une loi étrangère, quelle est la condition de cette loi étrangère, c'est la question de savoir si l'on peut assimiler la loi étrangère à la loi du for. lorsque la règle de conflit de lois a été appliquée et qu'une loi étrangère a été désignée, par quel mécanisme juridique peut-on éviter l'application de cette loi étrangère.
Section 1ere: L'autorité de la règle de conflit de lois
La question de l'autorité de la règle de conflit de lois, a fait l'objet de débats dans la doctrine. Il est clair que la question de l'autorité de la règle de conflit de lois, se pose à la fois pour le juge, et les parties dans un litige des conflits de lois.
Paragraphe 1: L'autorité de la règle de conflit des lois pour le juge
Dans la jurisprudence c'est après de nombreuses décisions, que les tribunaux sont parvenus à dégager une solution dont les conséquences méritent d'être analysé.
A- L'évolution de la jurisprudence relativement à la question de l'autorité de la règle de conflit de lois
La cour de cassation en France, a pris position sur la question de l'autorité de la règle de conflit de lois, dans l'arrêt Bisbal du 12 mai 1959 rapporté au JCP 1960 deuxièmes partie numéro 17033. Dans cet arrêt, la cour de cassation a soutenu que le juge français, avait toute latitude pour appliquer la règle de conflit de lois. L'attendu principal, affirme que: «les règles de conflit de lois entendent du moins qu'elles prescrivent l'application d'une loi étrangère, n'ont pas un caractère d'ordre public. En ce sens qu'il appartient aux parties d'en réclamer l'application et l'on ne peut pas rapprocher au juge de fond de ne pas appliquer d'office la loi étrangère et de faire dans ce cas appelle a la loi interne française, laquelle a vocation à régler tous les rapports de droit privé».
L'idée qui ressort de cet attendu, est que la nature de la règle de conflit de lois varie selon que la loi designer par cette règle de conflit de lois est la loi française ou une loi étrangère. Il est important de souligner que, la solution de la cour de cassation, tiré de l'arrêt ci-dessus, prend en considération tous les rapports de droit privé. Cette solution a pour conséquence que, la loi interne Française a une vocation secondaire, à s'appliquer à tout litige en droit international privé. Mais cette solution a fait l'objet de critiques, dans ce sens on peut citer, l'article 2 Motulsky, intitulé l'office du juge et la loi étrangère, article publié dans les melanges Maurin, Tome 1 pages 337. il y a l'article d'Alain Ponsa intitulé l'office du juge et l'application du droit étranger publié à la revue critiques de DIP 1960 pages 607.
Suite aux critiques faites a la solution selon laquelle, la nature de la règle de conflit de lois, varie selon que la loi désignée par cette règle, est la loi française ou une loi étrangère, il s'est opéré un revirement de juriste prudence, par rapport à l'arrêt Bisball. Ainsi, ce revirement de jurisprudence a décidé que désormais, l'application dela règle de conflit de lois est obligatoire, cette solution, résulte des arrêts des 11 et 18 Octobre 1988, rapporte à la revue critiques de DIP 1989 pages 227. Dans l'arrêt du 11 octobre 1988, il s'agissait d'une action en recherche de paternité naturelle qui avait été intenté par une mère de nationalité Algérienne (Père F. Français). Celle-ci avait obtenu gain de cause sur le fondement du droit interne français. Mais la cour de cassation saisie par un pouvoir de cassation, avait en effet reproché au juge du fond, de n'avoir pas appliqué la règle de conflit de lois énoncé dans les articles 311 et article 14 du Code civil. Car selon cette règle de conflit de lois, la filiation d'un enfant est réglé par la loi interne de la mère. La cour de cassation avait en effet critique la décision des juges du fond dans les termes suivants: attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher d'office quelle suite devrait être donnée à l'action, en application de la loi Algérienne, la loi personnelle de la mère, la Cour d'appel a violé les textes sus visés. Quant à l’arrêt du 18 octobre 1988, il portait sur un litige en matière de succession. Ici également, la cour de cassation avait reproché au juge du fond, de n'avoir pas appliqué la règle de conflit de lois, qui désignait la loi du dernier domicile du défunt, à savoir la loi Suisse dans ce cas d'espèce. Ces deux arrêts, traduisent sans aucun doute la constance dans le revirement de jurisprudence quant à la solution selon laquelle le juge saisi d'un litige à caractère international, a l'obligation d'appliquer la règle de conflit de lois. Mais, une jurisprudence ultérieure, a tenté de démontrer les limites du revirement ci-dessus mentionné en soutenant l'idée selon laquelle, l'application de la règle de conflit de lois, est certes obligatoire, mais il faut retenir, que son domaine d'application d'office reste restreint. Dans le sens de cette position, il faut citer donc, l'arrêt de la cour de cassation, dans l’affaire Covego du 4 décembre 1990, rapporté à la revue critique de DIP 1991, page 558.
B- Les conséquences de la solution jurisprudentielle, de l'autorité de la règle de conflit de lois au regard des principes du droit civil
Pour analyser les conséquences de la solution jurisprudentielle, relative à la question de l'autorité de la règle de conflit de lois, deux questions peuvent être posées:
D'abord il y a la question relative à l'obligation d'appliquer d'office la règle de conflit de lois, cette question sous-entend que le juge saisi a connaissance de l'élément d'extranéité qui intervient dans litige en présence. Si tel est le cas, deux solutions sont possibles:
- la solution qui consiste à dire que l'élément d'extranéité n'a pas été livré par les parties. C'est-à-dire qu'il (l'élément d'extranéité) n'apparaît ni dans les débats ni dans un élément du dossier. Si tel est le cas, selon la proposition de solution donnée dans l'arrêt Berton-Cini du 11 juillet 1961 rapporté à la revue critique de DIP 1962 pages 124. Dans cet arrêt les juge ont soutenu que, si l'élément d'extranéité n'a pas été livré par les parties, le juge saisi du litige en cause doit présumer qu'il s'agit d'une espèce purement interne, et appliqué donc le droit interne français. Dans cet arrêt-là Cour de Cassation avait en effet affirmé que: «attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt et des pièces de la procédure que ni l'une, ni l'autre des partis n'ont, à aucun moment devant les juges du fond, fait valoir leur commune nationalité, ni demandé l'application de la loi Italienne, que le moyen pris de la compétence de cette de loi pour régir le litige... est irrecevable».
- La deuxième solution consiste dans l'hypothèse dans laquelle la demande portant sur l'élément d'extranéité a été invoqué par les partis ou bien apparaît dans le dossier. Il en serait ainsi, si la nationalité étrangère de l'une des parties est mentionnée dans le dossier. Si tel est cas, le juge saisi dans le litige en cause doit appliquer d'office la règle de conflit de lois, et s'il ne le fait pas son jugement doit être censuré.
La deuxième question est relative au respect du principe du contradictoire, autrement dit, le juge qui applique d'office la règle de conflit de lois, doit-il respecter le principe du contradictoire qui signifie que dès l'instant où la mise en application d'office de la règle de conflit de lois qui a conduit à la désignation d'une loi étrangère, le juge doit-il mettre les parties dans la situation d'en discuter les éléments de cette loi étrangère.
Paragraphe 2: L'autorité de la règle de droit pour les parties
La question à laquelle il s'agit de répondre ici, est de savoir si les parties à un litige peuvent écarter la règle de conflit de lois, pour soumettre alors leur litige à la loi du for. Ou bien pour le soumettre à la loi étrangère autre que celle désignée par la règle de conflit de lois. Cette question qui a été posée devant les tribunaux français, trouve une réponse dans l'application de l'article 12 alinéa 3 du Code de procédure civil français, qui dispose que:«le juge ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties l'sont liées par les questions et point de droit auxquels elles entendent lier le débat». Cette affirmation, exprime l'idée selon laquelle les parties au litige ne peuvent écarter la règle de conflit de lois que pour les droits dont elles ont la libre disposition. Au contraire les droits ayant un caractère impératif en sont exclus. À titre d'illustration, on peut rappeler l'arrêt relatif à la demande de filiation naturelle introduite par une mère Algérienne pour son enfant, en l'espèce il s'agit d'un droit ayant un caractère impératif, en conséquence la règle de conflit de lois qui veut que la filiation de l'enfant se fasse par application de la loi personnelle de la mère ne saurait être écarté. Tandis que les questions de droit n'ayant pas un caractère impératif, celles-ci peuvent donc par accord écarter la règle de conflit de lois au cours d'un litige. Cet accord est appelé dans le langage de DIP accord procédural. Cette notion a été largement évoqué dans l'article écrit par Daniel bureau intitulé «l'accord procédural a l'épreuve», une revue critique de DIP 1996 pages 587.
En conclusion, il faut dire que les tribunaux, reconnaisse l'autorité pour la règle de conflit de lois pour les parties, cependant, il convient de prendre en compte et d'analyser les difficultés que sous-tend l'accord procédural. Pour confirmer la solution selon laquelle les tribunaux reconnaissent l'autorité de la règle de conflit de lois, on peut citer l'arrêt de la cour de cassation, première chambre civile, la première avril 1988, dans l'affaire ROHO publié à la revue critiques de DIP 1989 pages 69. Dans le cas d'espèce, la Cour de cassation a affirmé l'autorité de la règle de conflit de lois dans le domaine délictuel. Il s'agissait de la question de la responsabilité délictuelle en matière d'accident de la circulation (cette solution avait déjà été annoncée dans la convention de la Haye, du 04 mai 1971, relative à la loi applicable en matière d'accident de la circulation routière).
En pratique il est quelquefois difficile pour le juge saisi d'un litige de distinguer l'accord sur la loi applicable de l'accord procédural qui intervient après le litige, et qui permet aux parties d'écarter la loi designée par la règle de conflit de lois, l'accord procédural a été évoqué pour la première fois dans un arrêt de la cour de cassation en date du 06 mais 1997 rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence française de DIP arrêt numéro 78, mais il est important de souligner que la jurisprudence limite le domaine de l'accord procédural aux droits dont les parties ont seulement la libre disposition. Au contraire pour les droits dont elles n'ont pas la libre disposition, les droits à caractère impératif, il ne saurait y avoir d'accord procédural pouvant aboutir à écarter la loi normalement désignée par la règle de conflit de lois. Par exemple, il est admis que pour les questions relevant de la forme des actes juridiques, un accord procédural serait certainement possible. La condition qui sous-tend toutefois l'accord procédural, doit être un accord exprès des parties. la jurisprudence souligne que l'accord procédural peut avoir pour objet en ce qui concerne la partie de s'entendre simplement sur une loi autre que celle qui a été désigné par la règle de conflit de lois en conséquence, il va s'agir soit de la loi du for, soit d'une loi étrangère. Mais s'il s'agit d'une loi étrangère, il va incomber aux parties de rapporter la preuve de cette loi étrangère.
Section 2: La condition de la loi étrangère
La désignation de la loi étrangère, par la règle de conflit de lois, pose deux problèmes auxquels le juge saisi, doit répondre. Il y a d'abord le problème de la preuve de loi étrangère, ensuite il y a le problème du contrôle de cette loi, par la juridiction suprême, du pays du juge saisi.
Paragraphe 1: La preuve de la loi étrangère
Le problème de la preuve de la loi étrangère, est en réalité lié à celui de l'autorité de la règle de conflit de lois. Mais en tout état de cause, le problème de la preuve de la loi étrangère renvoi à deux questions préalables. D'abord il y a la question relative à la charge de la preuve de la loi étrangère, ensuite des moyens de preuves relativement à cette loi.
A- La charge de la preuve de la loi étrangère
À titre de rappel, il faut dire que dans le procès civil, le principe est que le juge doit trancher un litige conformément aux règles de droit applicables à ce litige. En conséquence, le juge saisi est tenu de connaître ces règles étant donné que chacune des parties au litige doit prouver conformément à la loi applicable les faits nécessaires aux succès de sa prétention. Cette affirmation, amène à se poser la question importante qui est de savoir, si le juge saisi, peut traiter la loi étrangère au plan procédural comme une règle de droit ou un élément de fait? Pour répondre à cette question il est nécessaire de parcourir la jurisprudence afin de s'informer de la solution qui prévaut et d'en tirer les conséquences.
1- Évolution de la jurisprudence quant à la charge de la preuve de la loi étrangère
Le problème de la charge de la preuve a été évoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation dans l'arrêt AUTOUR- THINET en date du 25 Mai 1948 rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence française de DIP arrêt numéro 19, en l'espèce il s'agissait d'un accident de la circulation qui était survenu en Espagne, mais l'une des victimes avait exercé son action devant un tribunal français, sur le fondement du droit français. Pour sa défense, l'auteur de l'accident avait invoqué l'application de la loi espagnole en soutenant que c'était la loi du lieu de survenance de l'accident; sans toutefois donné le contenu de cette loi. Dans le litige, la Cour d'appel saisie auparavant du litige n'avait pas effectivement tenu compte de la loi espagnole pour résoudre le litige. Ainsi, la Cour de Cassation intervenant dans ce litige, avait affirmée que la charge de la preuve de la loi étrangère pèse en principe sur l'auteur de la prétention, que celui-ci soit le demandeur ou le défendeur. En conséquence dans le présent litige, la loi étrangère ayant été invoqué par le défendeur, a l'appui d'un moyen d’irrecevabilité, Il appartenait donc à celui-ci d'en rapporter la preuve, aussi, si la personne sur qui pèse la charge de la preuve de la loi étrangère ne le fait pas, le défaut de preuve doit conduire alors au rejet de moins de défense.
L'interprétation que l'on peut faire de la solution dégagée par l'arrêt de la cour de cassation, est donc que la loi étrangère est considérée comme un élément de fait et non comme un élément de droit. Cette affirmation est justifiée en effet, par la règle de procédure selon laquelle, il appartient, Il revient aux parties de prouver les faits au succès de la prétention. Cependant, certains tribunaux font obligation aux juges d'appliquer dans certains cas, la règle de conflit de lois, en conséquence, Il est difficile de justifier donc, la mise a l'écart du juge, dans la recherche de la preuve, de la loi désignée par la règle de conflit de lois.
Cette réflexion conduit à la question de savoir s'il n'est pas justifié de faire peser la charge de la preuve de la loi étrangère aussi bien sûr la tête des parties que si la tête du juge. Toutefois, Il convient de se demander aussi, a la suite de cette question, si à la recherche de la preuve de la loi étrangère, on ne doit pas faire de différence entre le droit disponible (c'est-à-dire le droit dont on a la libre disposition) et le droit non disponible, (le droit dont on n'a pas la libre disposition, autrement dit le droit qui s'impose.)
2- Les conséquences tirées de la jurisprudence quant à la charge de la preuve de la loi étrangère: distinction droit disponible et droit non disponible selon les matières
Partant de la distinction entre le droit disponible, et le droit non disponible, c'est-à-dire entre les règles impératives, et les règles non imperatives c'est-à-dire supplétives, la solution consiste à dire que, dans les matières dans lesquelles les parties n'ont pas la libre disposition de leur droit, le juge doit appliquer d'office la règle de conflit de lois et si cette règle de conflit de lois désigne une loi étrangère, il est donc logique d'aller jusqu'au bout du raisonnement, et d'admettre que la charge de la preuve de la loi étrangère incombe au juge. Tel est la position dégagée dans l'arrêt de la cour de cassation du 1er juillet 1997, rapporté à la revue critiques de DIP 1998 pages 60 premières partie. Au contraire, les matières dans lesquelles, les parties ont la libre disposition de leur droit, la cour de cassation, affirme que: «il incombe à la partie qui prétend que la mise en oeuvre du droit étranger, designé par la règle de conflit de lois, conduirait à un résultat différent de celui retenu pour l'application du droit Français, de démontrer l'existence de cette différence, par la preuve du contenu de cette loi étrangère, qu'elle invoque à défaut de quoi, le droit Français s'applique en raison de sa vocation subsidiaire». Conf. L'arrêt de la Cour de Cassation, dans l’affaire AMERFONEL en date du 16 Novembre 1993. Rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence Française de DIP arrêt numéro 7.
La conclusion que l'on peut tirer de cet arrêt est, qu'il appartient à la partie qui a intérêt à invoquer la loi étrangère, d’en rapporter la preuve car si elle ne le fait pas, le juge saisi va appliquer sa propre loi interne.
B- Les moyens de preuve de la loi étrangère
S'agissant des moyens de preuve de la loi étrangère, on distingue d'un côté les moyens de preuve dont disposent les parties quand elles ont la charge de la preuve, et de l'autre côté les moyens de preuve dont dispose le juge lorsqu'il pèse sur lui la charge de la preuve.
1- Les moyens de preuve au profit des parties.
De façon classique, il est possible de prouver la loi étrangère par le certificat de coutume qui est un document rédigé dans la langue nationale du juge saisi, ce document émane soit d'un consultant, soit d'une ambassade d'un pays étranger dont la loi doit s'appliquer. Ce document peut émaner également d'un juriste, certainement un spécialiste, ressortissant de l'État du juge du pays saisi, mais qui a une maîtrise de la loi étrangère applicable. Le certificat de coutume doit en principe énoncer, non seulement les textes applicables dans le cas d'espèces, et dans la matière concernée, mais il doit contenir également l'interprétation de ces textes par les juges de ces pays (la jurisprudence).
2- Les moyens de preuve au profit du juge
Le juge peut intervenir directement dans l'établissement de la preuve de la loi étrangère. Cependant, l’on doit faire une distinction entre les matières dans lesquelles, les parties ne peuvent pas disposer librement de leur droit, et les matières dans lesquelles les parties ont la libre disposition de leur droit. Dans la première hypothèse, le juge est tenu d'appliquer d'office la règle de conflit de lois, en conséquence, la charge de la preuve de la règle étrangère, désignée par la règle de conflit de lois, pèse aussi bien, sur le juge que sur les parties. Toutefois, si la preuve de la loi étrangère, n’a pas été rapportée, plutôt que de rejeter la demande du requérant, les tribunaux en France ont opté pour la solution selon laquelle, le juge doit statuer conformément au droit français, en s'appuyant sur la solution selon laquelle, le droit français à une vocation subsidiaire à s'appliquer. Dans la deuxième hypothèse, dans laquelle les parties ont la libre disposition de leurs voies, le juge n'est pas tenu d'appliquer d'office la règle de conflit de lois, en conséquence, la charge de la preuve de la loi étrangère, repose sur la partie qui invoque l'application de cette loi. Aussi, l'absence de preuve de cette loi étrangère va-t-elle aboutir à l'application de la loi française, comme loi d'application subsidiaire, lire dans ce sens, l'arrêt de la Cour de Cassation 1re ch. Civile du 11 juillet 1996 dans l'affaire ANGORA- SOPHYA, rapporté à la revue critiques de DIP, 1997 pages 65. L’attendu principal de cet arrêt, affirme en effet que: à défaut de quoi (preuve) le droit Français s'applique en raison de sa vocation subsidiaire.
Paragraphe 2: Le contrôle de juridiction suprême quant à l'application de la loi étrangère
La question se pose de savoir si, la juridiction suprême en l'occurrence la Cour suprême dont le rôle essentiel, est de contrôler, l'application de son propre droit interne par les juridictions du fond, est aussi habilité à exercé le même contrôle, lorsqu'il s'agit de l'application de la loi étrangère. À cette question, les tribunaux français ont donné une réponse affirmative, à cet effet, ils ont soutenu que le contrôle de la loi étrangère, peut se présenter dans deux cas. D’abord, par rapport à la recevabilité du pourvoi en cassation, pour nonapplication de loi étrangère. Ensuite, par rapport au contrôle de l'interprétation de la loi étrangère.
A- La recevabilité du pourvoi en cassation pour non-application de la loi étrangère
Il s'agit ici, de la situation dans laquelle un élément d'extranéité existe dans un litige, de ce fait le juge doit appliquer la règle de conflit de lois, laquelle a désigné une loi étrangère qui doit s'appliquer au cas d'espèce. Mais, la nonapplication de la règle de conflit de lois, va poser un problème du droit, ce qui peut justifier le recours à un pourvoi en cassation. Ainsi, le pourvoi en cassation va amener le juge de la juridiction de cassation à soulever d'office le moyen qui consiste à rechercher l'élément d'extranéité. Cependant, lorsqu'il s'agit de matière dans lesquelles les parties ont la libre disposition de leur droit, celle-ci, pourront renoncer à l'application de la loi étrangère, par accord procédural. Si tel est le cas, il n'aura donc pas de pourvoi en cassation pour nonapplication de la loi étrangère.
B- Le contrôle de l'interprétation de la loi étrangère
En principe, la cour de cassation en France, refuse de contrôler l'interprétation de la loi étrangère émise par les juges du fond. Cette solution repose sur l'idée selon laquelle, la cour de cassation est une Cour régulatrice de l'application du droit français, et pas de l'application du droit étranger. C'est la solution qui ressort des arrêts, de la cour de cassation, chambre civile, en date du 17 Mai 1993, et du 16 juin 1993, rapporté à la revue critiques de DIP 1994, page 508. Mais, cette solution a connu par la suite un assouplissement, de sorte qu’on retient, que si la Cour de Cassation doit refuser en principe le contrôle de l'interprétation du droit étranger faite par les juridictions du fond, cependant elle doit accepter le contrôle des motifs de la décision des juges. En conséquence, il est admis que la motivation de décision, fondé sur le droit étranger, doit être suffisante, c'est la position clairement affirmée dans l'arrêt de la cour de cassation première chambre civile, en date du 10 Octobre 1978 rapporté à la revue critiques de DIP 1979, page 775. Outre le contrôle des motifs, de la décision, fondé sur le droit étranger, la cour de cassation accepte également, le contrôle de la dénaturation qui peut être fait du droit étranger. La cour de cassation, a affirmé ce deuxième contrôle dans un arrêt de la 1re ch. Civ. En date du 21 novembre 1961 dans l'arrêt Montefiore, rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence de DIP arrêt numéro 36. S'agissant du contrôle de la dénaturation du droit étranger, une observation laisse comprendre qu'il n'est pas facile en pratique de faire la distinction entre la dénaturation et l'interprétation de la loi étrangère que la cour de cassation refuse.
Section 3: L'éviction de la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois
L'application de la loi étrangère peut être écartée si cette loi étrangère est contraire à l'ordre public du juge saisi, ou bien s’il y a eu fraude dans la mise en application de la règle de conflit de lois.
Paragraphe 1er: L'exception d'ordre public
L'exception d'ordre public est un moyen de défense, qui est un argument qui peut être invoqué pour refuser l'application de la loi étrangère normalement désignée. La notion d'exception d'ordre public, n'est pas facile à cerner d'où la nécessité de définir ce qu'est l'ordre public, avant d'envisager sa mise en application.
A- La définition de l'ordre public
À titre de rappel, l'exception d'ordre public, est une règle de procédure qui se définit par rapport à d'autres notions d'ordre public. En effet, il y a l'ordre public interne d'une part, et d'autre part il y a l'ordre public en droit international privé et en droit international public. Qu'en est-il de l'ordre public en droit interne? En droit interne, sont considérés comme relevant de l'exception d'ordre public, toutes les règles qui ne peuvent pas être écartées par convention conformément à l'article 6 du Code civil. S'agissant de l'application de ce texte, il est possible, qu'il y ait donc concordance entre l'ordre public interne, et l'ordre public international. C'est-à-dire que toute loi étrangère qui n'est pas conforme aux dispositions impératives du droit interne doit être écartée. Qu'est-ce que l'exception d'ordre public en droit international privé? L'exception d'ordre public en droit international privé, signifie que toute loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois, en ce sens qu'elle est incompatible à certains principes du droit du for doit être écartée parce qu'elle ne saurait trouver application au regard de ce droit.
Quel rapport entre l'exception d'ordre public et les lois de police?
Les lois de police doivent nécessairement s'appliquer sur le territoire de l'État auquel appartiennent ces lois de police et elles doivent s'appliquer immédiatement. En conséquence, les lois de police s'opposent à l'application de la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois. En effet, la solution retenue est que le juge du for doit appliquer la loi de police sans tenir compte de l'élément d'extranéité du litige et sans mettre en oeuvre la règle de conflit de lois. Les lois de police d'une façon générale concernent les lois dont l'observation (le respect) est nécessaire à la sauvegarde de l'organisation politique, sociale, économique et juridique d'un pays donné. Pour s'informer de la notion de loi de police, on peut se référer à la chronique de Francescakis intitulée les conflits de loi publient dans le répertoire de droit international Dalloz, numéro 137.
B- La mise en application de l'exception d'ordre public
La question qui se pose ici est de savoir à quel moment peut-on dire qu'une loi étrangère est contraire à l'ordre public du for? La réponse à cette question n'est pas aisée, car elle ne dépend pas uniquement du contenu de la loi étrangère, et de sa comparaison objective avec la loi du for. Elle dépend aussi, de son application à une espèce donnée, laquelle application va permettre de savoir, si la question en cause à des liens avec le contexte social du for.
1- Le contenu de la loi étrangère
L'exception d'ordre public repose sur l'idée selon laquelle la loi étrangère ne doit pas heurter les principes de justice universelle qui sont considérés comme telle dans l'opinion du territoire du for et qui sont considérés également comme présentant une valeur internationale absolue. C’est du reste la position de la cour de cassation dans l'arrêt Lauthour du 25 mai 1948, rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence française de DIP, arrêt numéro19. La cour de cassation a en effet exprimé son opinion en ces termes: la loi étrangère ne doit pas contredire les principes de justice universelle considérée dans l'opinion française comme doué de valeur internationale absolue.
Partant cette affirmation, on en déduit déjà que l'exception d'ordre public, peut être invoqué dans tous les domaines du droit: qu'il s'agisse du droit des obligations (le respect des engagements) ou du droit des biens (le respect du droit de propriété) ou encore qu'il s'agisse du droit de procédure (le respect du droit de la défense).
À titre d'exemple, en Côte d’Ivoire, l’ordre public est opposé aux lois étrangères qui organisent la famille sur des principes différents de ceux du droit interne. Notamment les principes fondés sur l'égalité entre les époux, ou l'égalité entre les enfants. Par exemple, au nom du principe de la monogamie, sur lequel est fondé le mariage en droit ivoirien de la famille, un mariage polygamique ne saurait être valablement célébré en Côte d'Ivoire même si ce mariage polygamique est conforme au statut personnel des époux.
De même, en droit Ivoirien de la famille, une répudiation unilatérale de l'un des époux, ne saurait être accepté en Côte d'Ivoire, parce que toute loi étrangère qui admet une répudiation, est contraire au principe fondamental du droit ivoirien de la famille, en l'occurrence le principe de l'égalité entre les époux.
En droit de la famille, toute loi étrangère qui admet un empêchement au mariage fondé sur la race, ou la religion... est contraire à l'ordre public ivoirien. En conclusion, il faut retenir que l'exception d'ordre public, est cependant contingente, c'est-à-dire que l'ordre public évolu en même temps qu'évolu le droit d'un pays.
2- Le lien entre la loi étrangère, et l'ordre public du for
Le lien entre la loi étrangère et l'ordre public du for renvoi la question des conséquences de l'application de la loi étrangère a une espèce donnée. Cela signifie en d'autres termes, la proximité de la situation avec le territoire du for. Par exemple, en matière de nationalité, un arrêt de la Cour de Cassation a soutenu que: «La loi étrangère applicable en l'espèce était contraire à la loi française». Ceci a donc conduit la cour de cassation, a envisagé une solution que l'on peut considérer comme particulière s'agissant d'un litige portant sur le divorce. Il s'agit de l'arrêt de la Cour de Cassation du 1er mars 1981 rapporté au journal de DIP 1981 pages 812. De même, en matière de polygamie, il existe également d'autres décisions, notamment l'arrêt de la cour de cassation du 10 février 1993, publié à la revue critiques de DIP, 1993 pages 60. Concernant l'action en recherche de paternité naturelle, intenté par une mère d'origine tunisienne, qui avait fondé son action sur la règle de conflit de lois, énoncé à l'article 311-14 du Code de procédure français, selon ce texte, en matière de filiation naturelle, c'est la loi personnelle de la mère qui s'applique. Or cette loi, ignorait la filiation naturelle et prohibait donc toute action en recherche de paternité naturelle.
Dans le litige, le pourvoi formé en cassation par la partie demanderes, reprochait à la cour d'appel d'avoir écarté au nom de l'ordre public français, la loi nationale tunisienne de la mère. Mais la réponse de la Cour de cassation, dans l'attendu principal était que: «si les lois étrangères qui prohibent l'établissement de la filiation naturelle, ne sont en principe pas contraire à l'ordre public international, il en est autrement, lorsque ces lois ont pour effet de priver un enfant français, ou un enfant qui habite en France, du droit d'établir sa filiation, que dans ce cas, cet ordre public s'oppose à l'application de la loi étrangère normalement applicable». Cette décision de la cour de cassation amène à comprendre que dans le cas d'espèce, voire de façon générale, ce n'est pas temps le contenu de la loi étrangère qui est prise en considération, mais plutôt l'application de cette loi étrangère dans ce cas d'espèce. Et c'est donc cette application qui remise en cause par le juge de cassation. autrement dit, l'idée qui ressort de cet arrêt, est que la loi tunisienne n'est pas comme tel contraire a l'ordre public français mais elle le devient lorsqu'elle doit s'appliquer à un enfant français, ou à un enfant qui réside sur le territoire français.
C- Les effets de l'exception d'ordre public
Il s'agit ici, de l'étude des conséquences liées à l'application de la règle de l'exception d'ordre public. La question essentielle qui se pose alors est de savoir si la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois, doit être écartée par l'exception d'ordre public du for. En répondant affirmativement à cette question, surgit alors l'autre question qui est de savoir, quelle autre loi va s'appliquer au litige en cause? La réponse à la dernière question, aboutit à trois conséquences qui sont: l'effet de substitution de l'ordre public, l'effet atténué de l'ordre public et l'effet réflexe de l'ordre public.
1- L'effet de substitution de l'ordre public
L'exception d'ordre public ayant pour but d'écarter la loi étrangère normalement applicable, l'effet de substitution signifie donc que la loi du for va se substituer à la loi étrangère écartée. À titre d'illustration de cette solution, on peut citer l'arrêt de la Cour de Cassation dans l'affaire Patino du 15 mai 1963, rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence de DIP. Dans cette espèce, la loi française en tant que loi du for, a été totalement substituée à la loi étrangère normalement applicable, laquelle n'admettait ni le divorce ni la séparation de corps. cette solution basée sur l'effet de substitution de la loi du for, a la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois connaît toutefois des limites, car la substitution doit être limité uniquement à la disposition de la loi étrangère contraire à l'ordre public du for. Par exemple, s'agissant d'un litige, en matière de responsabilité, si la loi étrangère normalement applicable, prévoit un délai de prescription trop court, qui ne protège pas suffisamment les droits de la victime, c’est uniquement cette disposition relative au délai de prescription trop court qui sera écartée, mais pas toute la loi étrangère ainsi désignée par la règle de conflit de lois.
2- L'effet atténué de l'ordre public
L'effet atténué de l'ordre public, repose sur l'idée selon laquelle il nécessaire de distinguer la situation dans laquelle, l'application de la loi étrangère sur le territoire du for, a pour effet, de faire acquérir un droit sur ce territoire (par l'application de la loi étrangère) de la situation dans laquelle il s'agit de reconnaître simplement un droit déjà acquis à l'étranger par application de la loi étrangère.
L'arrêt de référence de cette question est l'arrêt Rivière du 17 Avril 1953, revue critiques de DIP 1953 pages 412. Ce litige portait sur un divorce prononcé selon une loi étrangère qui admettait le divorce par consentement mutuel, alors qu'un tel divorce n'aurait pu être prononcé en France, car à cette époque, la loi française ne reconnaissait pas le divorce par consentement mutuel. Sans aucun, doute, si le divorce par consentement mutuel, avait été demandé au juge français, le demandeur n'aurait pas eu gain de cause parce que cette disposition de la loi étrangère aurait été déclarée contraire à l'ordre public français. Mais en considération de l'effet atténué de l'ordre public, le juge avait conclu à la reconnaissance sur le territoire français, d’un tel divorce déjà acquis à l'étranger. En effet, le juge avait exprimé cette solution en ces termes: «En effet, la réaction à l'encontre d'une disposition contraire a l'ordre public n'est pas la même, suivant qu'elle met obstacle à l'acquisition d'un droit en France, où suivant qu'il est de laisser se produire les effets d'un droit acquis sans fraude à l'étranger et en conformité de la loi ayant compétence en vertu du DIP français».
L'idée essentielle qui ressort de cet attendu, est qu'il faut faire une distinction entre l'acquisition d'un droit, et la reconnaissance d'un droit déjà acquis.
3- L'effet réflexe de l'ordre public
En principe, l'ordre public qu'il s'agit de protéger, c'est l'ordre public du juge saisi, car le justiciable qui évoque l'exception de l'ordre public, entend faire écarter la loi étrangère applicable. Mais dans la pratique, il existe une exception en ce principe, lorsque l'ordre public du for, est le même que l'ordre public étranger. Ainsi, si les deux ordres publics sont les mêmes, le juge du for doit reconnaître donc le droit acquis à l'étranger. Par exemple, l'on peut retenir la situation de mariage de deux personnes dont les lois personnelles interdisent le mariage pour des raisons religieuses, en supposant que le juge ivoirien est saisi de la question de la validité du mariage entre ces deux personnes, il va sans dire que le juge va certainement reconnaître la validité de ce mariage, car l'ordre public ivoirien, de même que l'ordre public étranger, s’opposent tous les deux sur les discriminations fondées sur la religion.
Paragraphe 2: La fraude à la loi
Des auteurs notamment Batiffol et Lagarde définissent la fraude comme le fait de ne pas utiliser la règle de conflit de lois, pour écarter la loi normalement applicable. Défini autrement, la fraude à la loi, c'est aussi le fait de changer l'élément de rattachement de la règle de conflit de lois, afin de faire varier la loi applicable.
L'arrêt de référence qui a posé le problème pour la première fois, est l'arrêt, rendu par la cour de cassation, dans l'affaire de la Princesse de Beaufremont en date du 18 Mars 1978 rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence de DIP arrêt numéro 6. Les faits sont les suivants: «La princesse de Beaufremont devenue française par son mariage s'était naturalisée Allemande afin de convertir la séparation de corps qu'elle avait obtenu devant une juridiction française en divorce pour pouvoir se remarier avec un autre Prince d'origine romaine. La cour de cassation saisie sur le pourvoi fondé par la princesse, avait affirmée ceci: la demanderes avait sollicité et obtenue cette nationalité nouvelle, non pas pour exercer les droits, et accomplir les devoirs qui en découlent, mais dans le seul but d'échapper aux prohibitions de la loi française».
À partir de cet attendu principal de la Cour de Cassation, on peut tirer deux éléments essentiels qui justifie la fraude à la loi. Il s'agit sans aucun doute, de la détermination des éléments qui caractérise la fraude à la loi, puis de la sanction qui découle de ces éléments caractéristiques.
A- Les éléments caractéristiques de la fraude à la loi
Deux éléments caractérisent la fraude à la loi, à savoir, la volonté d'utiliser la règle de conflit de lois d'une part, et d'autre part l'intention frauduleuse qui sous-tend le comportement du justiciable: ce comportement doit avoir pour objet, la loi fraudée.
1- L'utilisation volontaire de la règle de conflit de lois
À partir de deux exemples retenus nous pouvons illustrer l'utilisation volontaire de la règle de conflit de lois. Le premier exemple se situe en matière de statut personnel. Ici, les principales fraudes à la loi concernent: «le changement de nationalité, le changement de domicile, ou bien le changement de religion en ce qui concerne les systèmes juridiques dans lesquels le statut personnel est déterminé par la religion». En matière de statut réel, la fraude peut consister notamment dans le déplacement des biens meubles afin de changer la loi applicable à ces biens. De même, la fraude peut consister dans le changement de la qualification des biens, par exemple, le fait de transformer un bien immeuble, en un bien meuble. En matière, de statut des obligations, par exemple les actes juridiques, la fraude peut consister dans le choix du lieu de passation de l'acte, de sorte que ce choix, va permettre d'écarter l'application de certaines règles. Il peut s'agir en effet, du choix permettant d'écarter les règles de publicité pour la formation de certains actes, tel le mariage.
2- L'intention frauduleuse
En réalité, le changement de l'élément de rattachement, n'est pas toujours frauduleux, car il est légitime de changer de nationalité, de changer de domicile, ou encore de déplacer ses biens meubles. Mais la fraude survient lorsque le changement a été motivé uniquement par la volonté d'échapper aux dispositions de la loi compétente.
B- La sanction de la fraude à la loi
Au plan interne, la fraude à la loi a pour conséquence de détruire définitivement l'acte litigieux, mais en DIP cette solution n'est pas évidente car il faut prendre en considération la loi étrangère qui est concernée. Si l'on veut reprendre l'analyse du litige concernant la princesse de Beaufremont, il est important de savoir que le juge français n'avait aucune compétence pour annuler la naturalisation de la princesse. Cependant, il était habilité à reconnaître, que cette naturalisation ne pouvait pas produire des effets juridiques en France. Ainsi, la sanction de la fraude a la loi, consiste simplement dans l'application de la règle de l'inopposabilité qui permet au juge de dire que l'acte litigieux ne peut pas s'appliquer sur le territoire français. Il faut retenir donc que, si en droit interne, la sanction de la fraude à la loi, porte sur l'acte litigieux lui-même, celui-ci est définitivement annihilé. Au contraire en DIP, La sanction de la fraude a la loi, consiste uniquement dans l'inopposabilité des droits conférés par le droit étranger en fraude de la loi du for.
CHAPITRE 3: LE CONFLIT DE LOIS DANS LE TEMPS
Trois hypothèses caractérisent les conflits de lois dans le temps, le changement de la règle de conflit de lois elle-même, le changement de la loi étrangère désignée par la règle de conflit de lois, le changement de l'élément de rattachement. Ainsi, il peut s'agir par exemple du changement de nationalité, du changement de domicile, ou bien du changement de la localisation des biens meubles.
Section 1ere: Le changement de la règle de conflit de lois
Dans ce cas, la solution proposée est d'appliquer les principes du droit transitoire interne. L'argument en faveur de cette solution consiste à dire, qu'il n'y a pas de différence entre les règles matérielles interne, et les règles de conflit de lois. Mais à la réflexion, l'on se rend compte que cette solution laisse subsister le problème du changement de la règle de conflit de lois en pratique. Le problème demeure parce que la question reste toujours posée de savoir, de quel principe du droit transitoire interne s'agit-il? Autrement dit, s'agit-il des principes généraux du droit transitoire interne, ou bien s'agit-il des règles spéciales, qui vont s'annoncer dans les différentes réformes du droit interne.
Section 2: Le changement de la loi étrangère par la règle de conflit de lois
En cas de changement de la loi étrangère par la règle de conflit de lois, la solution de principe est qu'il faut régler le conflit de lois, en référence au droit transitoire de la loi étrangère. Cette solution a été retenue par la cour de cassation dans le litige portant sur l'action en recherche de paternité naturelle. En effet, la cour de cassation avait demandé l'application de la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant, cette solution permet donc de soutenir, qu'en cas de modification ultérieure de la loi désignée, c’est à la loi initiale qu'il faut se référer pour résoudre le conflit de lois dans le temps. l'arrêt en cause, est l'arrêt de la cour de cassation première ch. Civ. du 03 mars 1987, revue critiques de DIP 1987 pages 695. Mais la cour de cassation admet des exceptions à ce principe, l'une des exceptions est que le droit étranger peut être écarté au nom de l'ordre public, ou bien le droit étranger peut être écarté dans une hypothèse où les personnes concernées sont des réfugiés, confère l'arrêt de la Cour de Cassation, première chambre civile, en date du 1er Février 1992, grands arrêts de la jurisprudence française de DIP, arrêt numéro 15.
Section 3: Le changement de l'élément de rattachement
Le changement de l'élément de rattachement est aussi appelé en DIP le conflit mobile. Il y a en effet, conflit mobile en DIP, lorsqu’une situation juridique, est soumise successivement à deux systèmes juridiques du fait de l'élément de rattachement. Par exemple, une personne sera soumise à deux lois différentes si elle change de nationalité et que les deux lois des deux pays entrent en conflit. Dans une telle hypothèse, deux solutions sont possibles, soit on retient l'application de l'élément de rattachement actuel, soit on prend en considération les droits acquis sous l'empire de la loi antérieurement applicables.
Paragraphe 1: L'application de l'élément de rattachement actuel
S'agissant des questions liées au statut personnel par exemple, lorsqu'il y a changement de l'élément de rattachement actuel, la solution consiste à appliquer la règle de conflit de lois, par rapport au rattachement nouveau. Ainsi, dans un cas de changement de nationalité, la règle de conflit de lois sera déterminée par rapport à la nouvelle nationalité. De même, s'il y a changement de domicile, la règle de conflit de lois va dépendre du nouveau domicile. Par exemple s'il s'agit d'un litige en matière de divorce, c'est le domicile des époux au jour de l'instance en justice qui sera pris en considération. C'est-à-dire que c'est ce domicile qui va déterminer la règle de conflit de lois. Conf. L'arrêt de la Cour de Cassation 1re ch. Civ. en date du 17 juillet 1980 JCP 1982, deuxième partie numéro 19717. Certainement lorsqu'un individu change de nationalité il est logique que la nouvelle loi nationale soit prise en considération. Mais dans certains cas, de façon exceptionnelle, la règle de conflit de lois, peut elle-même préciser, le temps nécessaire qu'il faut prendre en considération pour l'élément de rattachement.
Paragraphe 2: La prise en considération des droits acquis, sous l'empire de la loi antérieurement applicable
La théorie des droits acquis consiste à dire que, tout droit régulièrement acquis dans un pays, doit être respectée dans un autre pays. Toutefois, il faut reconnaître que la solution reposant sur la théorie des droits acquis, ne suffit pas pour régler de façon satisfaisant les conflits de lois ainsi que les difficultés liées au conflit mobile en particulier, lorsque la situation créée à l'étranger sous l'empire d'une loi continue à produire des effets sous l'empire d'une autre loi. Dans une telle hypothèse, la solution consiste à recourir à l'application d'une loi transitoire interne, même s'il s'agit de deux lois en conflit. Tel est la position défendue par des auteurs et des tribunaux, mais d'autres auteurs défendent une autre position, et le raisonnement qui tiennent, consiste à dire que pour résoudre de telles difficultés, il faut régler au cas par cas les difficultés telles qu'elles se présentent afin d'apprécier pour chaque espèce les conséquences du changement de l'élément de rattachement. À titre d'exemple on peut retenir l'hypothèse du déplacement des biens meubles d'un individu ainsi que la question des droits des créanciers portant sur ces biens meubles. À la réflexion il semble indiquée de retenir deux solutions différentes en ce sens que s’il est logique d'appliquer la nouvelle loi (loi de situation actuelle des biens) a ces biens au contraire en ce qui concerne les droits des créanciers, il est normal que la loi antérieure s'applique pour déterminer ces droits.
Paragraphe 3: Les conflits des systèmes
Il y a conflit de systèmes par exemple lorsqu’un juge étranger, a reconnu un droit à une personne par application d'une loi, et qu'un autre juge a été saisi de la question ce qui va poser le problème de savoir si le jugement en cause (le jugement du juge étranger) aura effet sur la décision du juge saisi, la réponse à cette question est de dire qu'en effet le jugement déjà rendu aura effet sur la décision du juge saisi mais à certaines conditions. Cependant, il en sera autrement (c'est à dire que la solution sera différente) s'il s'agit d'une situation qui est née dans un pays donné, laquelle n'a pas encore donné lieu à un jugement. En conséquence, la même situation étant soumise au juge d'un autre pays, la solution est que celui-ci doit recourir à son propre système de conflit de lois. C'est la solution qui ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Rabat dans l'affaire MACHET en date du 24 Octobre 1950, rapportés aux grands arrêts de la jurisprudence française de DIP, arrêt numéro 23. Les faits dans cette espèce étaient les suivants: une française et un italien s'étaient mariés en France en 1918 sans contrat. les époux avaient vécu pendant deux ans sur le territoire français avant de se rendre au Maroc, où ils exploitèrent une maison de tolérance. Mais lorsqu'ils se séparèrent le problème de leur régime matrimonial se posèrent. Et la question se posait de savoir si les époux devraient considérer, comme mariés sous le régime de la communauté de biens par application de la règle de conflit de loisfrançaise (c’est-à-dire la loi du premier domicile matrimonial) ou bien si l'on devrait les considérer comme mariésle régime de la séparation de biens, par application de la règle de conflit de lois marocaine qui désigne la loi nationale de l'époux (c'est-à-dire la loi italienne). Dans cette espèce, la cour d'appel de Rabat avait soutenu qu'il fallait appliquer la règle de conflit de loisfrançaise, et non la règle de conflit de lois du for, c'est-à-dire la règle de conflit de lois marocaine.
En définitive, c'est de façon exceptionnelle que le juge saisi à rejetté l'application de la règle de conflit de lois du for en arguant le fait que la situation créée à l'étranger y avait épuisé tous ces effets et qu'elle ne présentait donc pas d'attache avec la loi du for.
DEUXIÈME PARTIE: LES CONFLITS DE JURIDICTIONS
Les conflits de juridictions constituent de nombreux problèmes que pose le contentieux international. Les conflits de juridictions qui de façon simple posent le problème du choix de la juridiction compétente, reposent sur trois types de règles qui sont les suivantes:
1- Les règles de compétences directes
Ces règles permettent au juge du for de savoir s'il est compétent pour trancher le litige que les parties lui ont soumis.
2- Les règles de compétences indirectes
Ce sont les règles qui permettent de déterminer si et à quelle condition un jugement étranger peut produire ses effets sur le territoire du for.
3- Les règles de procédure
Ce sont les règles que le juge du for doit respecter lorsqu'il est confronté à un litige à caractère international. Cette indication faite, il faut savoir que l'étude portant sur les conflits de juridiction, va donc consister à évoquer et à analyser les règles de compétences judiciaires internationales d'une part, et d'autre part à envisager la question des effets que les jugements étrangers peuvent produire sur le territoire du for.
CHAPITRE I: LA COMPETENCE JUDICIAIRE INTERNATIONALE
La compétence judiciaire internationale renvoie en réalité à l'étude des règles qui relèves plus de la procédure civile que du DIP, d'où la nécessité de répondre à la question essentielle qui est la suivante, comment déterminer la compétence internationale des juridictions ivoiriennes? La réponse à cette question va permettre d'indiquer les cas dans lesquels les systèmes duDIP ivoirien donnent compétence aux juridictions ivoiriennes, pour connaître d'un litige à caractère international. En la matière, on distingue la compétence de droit commun des juridictions ivoiriennes puis la compétence des juridictions ivoiriennes fondées sur la nationalité ivoirienne. Cependant, lorsque les conditions du DIP se mêlent aux intérêts privés, la solution de la compétence de droit commun des tribunaux, est écartée au profit des régimes exceptionnels par rapport aux immunités diplomatiques notamment. Ainsi, les personnes comme les ambassadeurs (de façon générale les diplomates), les organisations internationales et les États bénéficient de privilèges qui leur permettent d'échapper à la compétence des juges ivoiriens. Dès lors, les États étrangers et leurs émanations, lorsqu'ils accomplissent des actes de la puissance publique, ils bénéficient de l'immunité de juridiction qui s'accompagne également de privilèges, consistent à mettre les biens affectés au service des personnes travaillant dans les ambassades, dans les organisations internationales, dans les États à l'abri de toutes mesures de saisie.
Section 1ere: La compétence de droit commun
La compétence de droit commun repose sur la solution selon laquelle les critères de compétences territoriales internes doivent servir à déterminer aussi la compétence internationale des juridictions ivoiriennes. l'idée qui sous-tend cette solution est que l'extranéité de l'une des parties, ou des deux parties à un conflit, n'est pas une cause pouvant justifier l'incompétence des juridictions du for. Cette solution a été retenue pour la première fois dans un arrêt de la cour de cassation du 30 octobre 1962, dans l'affaire SCHEFFEL rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence de DIP, arrêt numéro 37. En effet, l'attendu principal de cet arrêt, affirme que: «l'extranéité des parties n'est pas une cause d'incompétence des juridictions françaises, dont la compétence internationale se détermine par extension des règles de compétence territoriale interne». Malgré cette solution de principe admise, il faut retenir cependant que, le caractère international d'un litige peut justifier des tempéraments à cette solution de principe qui consiste à transposer les règles de compétence territoriales interne dans les litiges internationaux.
Paragraphe 1er: La détermination de la compétence de droit commun
La compétence de droit commun, en droit international privé repose sur le principe de l'extension de la compétence territoriale interne assorti d'une adaptation de cette compétence.
A- L'extension de la compétence territoriale interne
L'extension de la compétence territoriale interne repose sur la règle qui consiste à étendre à l'ordre international, les règles de compétence territoriales internent, à cet effet, il faut citer l'article 11 du Code de procédure civile, commerciale et administrative qui dispose que: «la juridiction territorialement compétente, en matière civile, est celle du domicile réel ou élu du défendeur, en l'absence de domicile celle de sa résidence».
Étendre donc cette règle de compétence territoriale interne a l'ordre international, revient à affirmer que: les juridictions ivoiriennes sont internationalement compétentes si le défenseur est domicilié en Côte d’Ivoire, ou bien à sa résidence sur le territoire de Côte d'Ivoire. Cependant, il existe une dérogation à la règle tirée de l'article 11 sus énoncé, cette dérogation est prévue à l'article 12 du Code de procédure civile... En effet selon ce texte en matière immobilière, le tribunal compétent est celui du lieu de situation de l'immeuble. Ainsi en transposant cette règle dérogatoire de l'article 12 au plan international, il faut retenir donc qu'en matière immobilière, la juridiction ivoirienne est compétente si l'immeuble litigieux est situé sur le territoire de la Côte d'Ivoire a contrario, la compétence de la juridiction ivoirienne ne sera pas retenue si l'immeuble est situé à l'étranger.
En définitive, l'interprétation et la transposition des articles 11 et 12 cités ci-dessus au plan international dans d'autres matières donne également des solutions dont on peut évoquer quelques une:
- en matière contractuelle, l'application des deux textes cités permet de dire qu'au plan international la juridiction ivoirienne est compétente, soit en tant que juridiction du lieu d'exécution du contrat, soit en tant que juridiction du lieu ou le contrat a été conclu.
- en matière de responsabilité civile, s'agissant des délits, des quasi-délits ou des délits contractuels, la juridiction ivoirienne est compétente en tant que juridiction du lieu ou le fait dommageable s'est produit.
- En matière de pension alimentaire la juridiction ivoirienne est compétente en tant que juridiction du lieu du domicile du demandeur.
- en matière commerciale la juridiction compétente est la juridiction dans le ressort de laquelle la promesse a été faite et la marchandise a été où devrait être livré ou encore la juridiction du domicile réel ou élu du demandeur conf.l'article 13 du Code de procédure civile, commerciale et administrative. Toutes ces règles de compétence, ci-dessus évoqué sont des règles de compétence ordinaires, c'est-à-dire des règles de compétence de droit commun.
Mais à côté de ces règles, il existe aussi des règles de compétence territoriale que l'on peut étendre à l'ordre international, par exemple en matière de divorce ou de séparation de corps, l'interprétation de l'article 2 de la loi relative aux divorces, permet de retenir la solution selon laquelle, le tribunal ivoirien est compétent dans un litige international, si la résistance de la famille se trouve sur le territoire de Côte d’Ivoire. Même si les époux ont des résidences distinctes, le juge ivoirien pourra tenir compte de la résidence en Côte d'Ivoire de l'époux qui habite avec les enfants mineurs pour se déclarer compétent. Sinon dans les autres cas, sera compétent le tribunal du lieu ou réside l'époux qui n'a pas pris l'initiative de la demande, c'est-à-dire l'époux défendeur.
B- L'adaptation de la compétence territoriale interne
Il faut retenir que les règles de compétence internationales n'ont pas une fonction de répartition, c'est pourquoi si un demandeur apporte la preuve de l'existence d'un déni de justice, en ce sens qu'aucun tribunal étranger s'est déclaré compétent, les tribunaux ivoiriens pourront de ce fait être saisi d'un tel litige. Mais il faut faire remarquer que la spécificité du litige international justifiait la prise en compte de certains critères précis de la compétence ordinaire. En effet, on peut évoquer de ce point de vue, l'article 12 du Code de procédure civile, commerciale et administrative, qui affirme dans son alinéa 3 que: «en matière de succession, le tribunal compétent est celui où s’ouvre la succession». Sans aucun doute, cette règle peut être aisément transposé au plan international dans un litige international en matière de succession mobilière. Mais, s'agissant des immeubles, la règle de compétence territoriale ne saurait être transposée au plan international, de sorte que les tribunaux ivoiriens seront incompétents pour régler une succession immobilière si le défunt, bien que domicilié en Côte d’Ivoire, possède ces biens immeubles a l'étranger, Conf. l'arrêt de la cour suprême chambre judiciaire arrêt numéro 209 du 4 mai 2006 in répertoire de la Cour Suprême 2006. Il faut retenir également, que par application des principes fondés sur la souveraineté, les tribunaux ivoiriens demeurent compétents pour statuer sur les voies d'exécutions ordonnées en Côte d'Ivoire. De même les tribunaux ivoiriens restent compétents pour autoriser une mesure conservatoire.
Paragraphe 2: Le régime de la compétence de droit commun
il faut retenir que le régime de la compétence internationale ordinaire dépend du régime de droit commun de la compétence territoriale interne. Cette solution a pour fondement l'article 11 alinéa 2 du Code de procédure civile, commerciale et administrative. Ainsi, dans un litige où il existe plusieurs défenseurs par exemple, comme cela est admis en droit interne, au plan international, le demandeur aura également le choix de saisir la justice ivoirienne si l'un des défenseurs est en Côte d'Ivoire. La même solution sera retenue aussi, dans un litige dans lequel il y a un lien de connexité entre les questions de droit qui sont soumises au juge. En effet, lorsque des demandes sont incidentes à la demande principale la solution retenue est que le demandeur a la liberté de choisir une juridiction ivoirienne pour trancher le litige en cause. Mais, les questions relatives à l'exception d'incompétence internationale sont résolus par l'article 125 du Code de procédure civile, commerciale et administrative. En effet, selon ce texte l'exception d'incompétence doit être soulevée avant toute défense au fond, mais quant à la question relative à l'exception de litispendance. Celle-ci peut être reçue par le juge ivoirien en raison d'une instance déjà engagée, et le joug ivoirien n'a aucune obligation de se dessaisir au profit de la juridiction étrangère. Ainsi, il s d'une faculté qui offerte au juge ivoirien en vertu de laquelle, il lui est possible de prononcer un sursis à statuer afin de pouvoir vérifier si la décision qui sera rendue par la juridiction étrangère est susceptible d'être reconnue en Côte d'Ivoire. En tout état de cause, l'incompétence peut être soulevée devant le juge lorsque le litige échappe à la compétence de la juridiction ivoirienne.
Et cette incompétence pourra être soulevée devant la Cour d'appel et alors devant la Cour suprême. Il est important de souligner qu'au plan international la solution selon laquelle on peut soulever l'incompétence de la juridiction ivoirienne devant la Cour suprême, est contraire à la solution admise en droit interne. Car en droit interne le juge ivoirien ne peut relever d'office son incompétence que dans les litiges portant sur l'état des personnes ou bien lorsqu'il y a violation des règles de compétence exclusive en déhors de ces cas le juge ivoirien ne peut relever d'office son incompétence. Cependant, il est possible de déroger aux règles de compétence territoriale par convention tacite ou expresse. Cette solution trouve son fondement dans l'article 18 du Code de procédure civile, commerciale et administrative, mais en même temps cet exclu des cas relatifs à la validité des clauses attributives de juridiction en matière administrative ou bien lorsqu'une disposition légale donne compétence exclusive à une juridiction déterminée. En principe dans les relations privées internationales, les clauses prorogeant la compétence internationale sont licites mais à trois conditions:
- il doit s'agir effectivement d'un litige international
- La clause attributive de juridiction ne doit pas faire échec à la compétence impérative des juridictions ivoiriennes.
- cette clause ne doit pas intervenir en matière d'état des personnes.
Section 2: La compétence fondée sur la nationalité ivoirienne
Les textes qui justifient la compétence des tribunaux ivoiriens en application du critère de nationalité, c'est-à-dire, en prenant en considération le fait que c'est un Ivoirien qui est partie au litige sont les articles 14 et 15 du code civil. En effet, l'article 14 affirme: qu'un défendeur étranger peut être traduit devant un tribunal ivoirien, pour les obligations contractées en Côte d'Ivoire, de même l'étranger peut être traduit devant les tribunaux ivoiriens pour les obligations contractées en pays étranger avec un Ivoirien. Quant à l'article 15, il indique que, de façon réciproque, un Ivoirien pourra être traduit devant un tribunal ivoirien pour des obligations qu'il aura contractées en pays étranger avec un étranger. L'interprétation de ces deux textes conduit à la conclusion suivante: l'article 14 établit sans aucun doute un privilège pour le demandeur ivoirien car celui-ci à la possibilité à tout moment de demander justice en Côte d'Ivoire. Tandis que l'article 15 établit un privilège pour l'étranger demandeur qui peut lui aussi demander justice en Côte d'Ivoire à l'encontre d'un Ivoirien. A priori, l'application de ces deux textes, accroît vraisemblablement la protection des Ivoiriens relativement à la compétence des juridictions ivoiriennes. Ceci étant admis il reste à se poser la question de savoir, quel est le régime de la compétence des juridictions ivoiriennes fondé sur ces deux textes, à savoir l'article 14 et 15 du code civil. Mais avant d'envisager le régime procédural de la compétence des juridictions ivoiriennes il est important d'évoquer le domaine d'application de la compétence de privilège fondé sur les articles 14 et 15 du code civil.
Paragraphe 1: Le domaine d'application de la compétence de privilège fondée sur les articles 14 et 15 du code civil.
Il faut retenir que le domaine de la compétence fondée sur les articles 14 et 15 ci-dessus se situe aussi bien par rapport aux personnes que par rapport aux actions.
A- Le domaine de la compétence quant aux personnes
Il ressort des articles 14 et 15 du Code civil que ceux-ci s'appliquent dès l'instant où l'une des parties est de nationalité ivoirienne. Si c'est une personne physique, outre sa nationalité ivoirienne, celle-ci doit être domiciliée en Côte d'Ivoire où elle exerce ces activités. Lorsqu'il s'agit des personnes morales, celles-ci doivent avoir également la nationalité ivoirienne et avoir aussi son siège sur le territoire ivoirien. Cette solution pose cependant le problème de savoir à quel moment il faut apprécier la nationalité ivoirienne comme critère permettant de retenir la compétence des tribunaux ivoiriens. La réponse à cette question est que, la nationalité ivoirienne doit être appréciée au jour de l'introduction de l'instance.
B- Le domaine de la compétence quant aux actions
A priori les articles 14 et 15 du Code civil ne visent de façon explicite que les obligations contractées en Côte d'Ivoire avec un Ivoirien. Mais par une interprétation extensive on a pu retenir que ces textes ont une portée générale. Ainsi, par cette interprétation on a pu décider que les articles 14 et 15 concerne également les matières litigieuses a savoir la contribution aux charges du mariage. Le divorce et la séparation de corps, les régimes matrimoniaux, les successions, le contrat de travail, la responsabilité délictuelle, la responsabilité contractuelle et les procédures collectives. De même, on a pu admettre que la compétence internationale des juridictions ivoiriennes, serait possible également dans les instances gracieuses par exemple une instance relative à l'adoption d'un enfant ou encore les actions qui mettent en cause le fonctionnement des services publics ivoiriens. Sans aucun doute lorsqu'il s'agit d'une question relative à l'état civil, il y a compétence exclusive des tribunaux ivoiriens il en est ainsi, notamment du contentieux lié à la nationalité ivoirienne il s'agit la en effet d’une compétence des tribunaux ivoiriens fondentsur l'ordre public. De même la compétence des tribunaux ivoiriens sera retenue lorsqu'il s'agit de protéger la sécurité des personnes (que celle-ci soit de nationalité ivoirienne ou étrangère) et de protéger les biens appartenant à des Ivoiriens ou à des étrangers.
Paragraphe 2: Le régime procédural de la compétence de privilège fondé sur les articles 14 et 15 du code civil.
La question essentielle à laquelle il s'agit de répondre ici, est de savoir si les articles 14 et 15 du Code civil, qui donne compétence aux juridictions ivoiriennes, établissent une compétence impérative ou une compétence facultative. Pour répondre à cette question il s'agit de rappeler la règle permettant de déterminer le tribunal compétent afin de préciser quel est la portée des articles 14 et 15 du Code civil.
A- La détermination du tribunal compétent
C'est l'article 11 alinéa 3 du Code de procédure civile, commerciale et administrative qui donne la solution permettant de déterminer le tribunal compétent car ce texte disposeque: «si les domiciles ou les résidences des défendeurs sont inconnus, le tribunal compétent est celui du dernier domicile ou à défaut la dernière résidence connue». Mais si le défendeur est un Ivoirien établi à l'étranger ou si c'est un étranger n'ayant en Côte d'Ivoire ni domicile ni résidence, le tribunal compétent est celui du domicile du demandeur.
L'analyse de ces dispositions permet de soutenir que le privilège de compétence des juridictions ivoiriennes fondé sur l'article 15 du Code civil ne s'applique plus lorsque le demandeur est domicilié à l'étranger car il faut supposer que dans un tel cas, il va saisir naturellement la juridiction étrangère. La question importante de savoir si la compétence de privilège, des tribunaux ivoiriens fondés sur les articles 14 et 15 du Code civil est impératif ou facultatif reste posée. Pour répondre à cette question il est nécessaire de jeter un regard sur l'évolution de la jurisprudence en France quant à la portée de ces deux articles.
Dans ce sens, il convient d'évoquer la position classique de la jurisprudence en l'occurrence la jurisprudence ivoirienne également et qui repose sur l'idée selon laquelle la compétence des tribunaux ivoiriens fondés sur les articles 14 et 15 du Code civil a un caractère impératif. Mais suivant un revirement de jurisprudence, admis par la cour de cassation en France, en application des mêmes textes, il a ete retenu que désormais la compétence des tribunaux du juge du for (en l'espèce le juge français) fonde sur les articles 14 et 15 doits être considéré comme une compétence facultative. Aussi, faut-il se demander si ce revirement de jurisprudence sera retenu par les juridictions ivoiriennes.
B- La portée des articles 14 et 15 du code civil
Les articles 14 et 15 qui datent du code civil de 1804 fondent un privilège de juridiction reposant sur la nationalité de l’une des deux parties. Mais force est de reconnaitre que la lecture de ces textes ne permet pas a priori d’en apprécier la portée réelle. Ce qui explique qu’en France, il a fallu attendre plusieurs interventions de la jurisprudence (Arrêt Société COGNACS et BRANDIES de la 1ère Chambre civile de la Cour de Cassation du 19 novembre 1985 in les Grands arrêts de la jurisprudence de DIP Arrêt numéro 71). De façon générale, il faut retenir que la jurisprudene classique considérait en France que les articles 14 et 15 du code civil donnaient aux tribunaux français une compétence exclusive. Voir l’ouvrage de François Melin, DIP 4ème Edition 2010, Gualino P.43.
En DIP ivoirien, l’interprétation des artilces 14 et 15 du code civil a permis d’admettre aussi le caractère impératif de la compétence des tribunaux ivoiriens fondés sur ces articles. Dans l’état actuel de l’évolution jurisprudentielle en France, il reste que l’on ne saurait être indifférent aux revirements de jurisprudence opérés par la cour de cassation française au regard de ces deux articles.
1- Le caractère impératif de la compétence des tribunaux ivoiriens fondés sur les articles 14 et 15 du code civil
Admettre le caractère impératif de la compétence des tribunaux ivoiriens sur le fondement des articles 14 et 15 du code civil, signifie qu’il n’est pas possible de renoncer au privilège de jurisdiction institué par ces articles 14 et 15. Certes, l’article 18 du code de procédure civile, commerciale et administrative admet le principe de la validité des clauses d’attribution des juridictions mais, doivent être déclarées nulle et de nul effet, les conventions qui portent atteinte à une disposition qui attribue compétence à une juridiction ivoirienne. De même, sont nuls, les conventions conclues en matière administrative. Cepedant, aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, commerciale et administrative, il est possible de déroger aux règles de compétence térritoriale mais pas aux règles de compétence matérielle. Il faut comprendre donc que par le fait de conférer un caractère impératif à la compétence de jurisdiction fondée sur les articles 14 et 15 du code civil, il s’est agi de donner une portée très large à ces deux textes. Ainsi, en ce qui concerne l’article 14, le principe retenu est que le demandeur ivoirien peut saisir un tribunal ivoirien en raison de sa nationalité ivoirienne même si le litige n’entretient aucun lien avec la Côte d’Ivoire. Dans ce sens, il faut admettre qu’un ivoirien né et domicilié dans un pays étranger pourra saisir un tribunal ivoirien pour faire juger un litige l’opposant à son cocontractant lui-même domicilié dans ce pays étranger s’il y va de son intérêt (l’ivoirien).
Quant à l’article 15, pris dans son sens littéral, il permet à un demandeur étranger d’agir en Côte d’Ivoire si le défendeur est ivoirien. Mais, admettre que ce texte institue un privilège de compétence des tribunaux ivoiriens justifiée par la nationalité ivoirienne implique aussi que défendeur ivoirien a le droit d’exiger d’être jugé en Côte d’Ivoire.
En pratique, si le demandeur étranger saisit un tribunal ivoirien, sans aucun doute, cela ne va poser aucun problème. Par contre, si celui-ci saisit un tribunal étranger, il faudra considérer que du point de vue du DIP ivoirien, le tribunal étranger est incompétent puisque le défendeur ivoirien peut exiger d’être jugé en Côte d’Ivoire. Par conséquent, la décision rendue par le tribunal étranger ne pourra pas être reconnue et exécutée en Côte d’Ivoire.
2- Le revirement de jurisprudence opéré par la cour de cassation relativement aux articles 14 et 15 du Code Civil
Vraisemblablement, suite aux critiques faites à la jurisprudence classique qui considérait que les articles 14 et 15 du code civil donnaient aux tribunaux français une compétence exclusive, critiques reposant sur l’idée qui faisait du critère de la nationalité une très large application allant même au-delà de la lettre des textes, la Cour de Cassation a été amenée à faire un revirement de jurisprudence portant sur ces textes.
Le revirement de jurisprudence portant sur l’article 15 fonde la compétence des tribunaux français dès lors que le défendeur est français. La nouvelle interprétation de cet article a été faite dans un Arrêt de la 1ère Chambre Civile du 23 Mai 2006 qui affirme que, l’article 15 du code civil ne consacre qu’une compétence facultative de la juridiction française impropre à exclure la compétence indirecte d’un tribunal étranger dès lors que le litige se rattache de manière caractérisée à l’État dont la juridiction est saisie et que le choix de la juridiction française n’est pas fondé ( Dalloz 2006 P.1846 Chronique de Bernard Audit et P. 1880; C.Cass 1ère Chambre Civile 22 Mai 2007 Dalloz 2007 P 1596).
Dans l’arrêt du 23 Mai 2006, la Cour de cassation a exprimé dans l’Attendu principal l’idée selon laquelle, désormais si dans un litige le défendeur est français, il n’y a plus lieu de considérer comme auparavant que les tribunaux français ontune compétence exclusive. Autrement dit, selon cet Arrêt du 23 Mai 2006, les tribunaux français ont une compétence facultative. Par conséquent, si le demandeur saisit un tribunal étranger, le jugement étranger pourra obtenir exequatur en France en ce sens que l’article 15 n’exclu pas la compétence des tribunaux étrangers. Cette solution suppose toutefois que deux conditions soient réunies:
D’abord le litige doit se rattacher de manière caractérisée à l’État dont la juridiction est saisie. Ensuite, le choix de la juridiction ne doit pas être frauduleux.
A titre de rappel, il faut souligner que ces deux conditions sont utilisées dans le cadre de la procédure d’exequatur depuis un Arrêt du 6 Février 1985 Arrêt Switch.
Les tribunaux ivoiriens ont toutes latitude pour raisonner comme la Cour de Cassation pour adopter ou rejeter cette position de revirement portant sur cet article 15 du Code civil.
Quant au revirement concernant l’article 14, à la suite de l’Arrêt du 23 Mai 2006 ci-dessus évoqué, la 1ère chambre civile de la cour de cassation a opéré également un revirement de jurisprudence relatif à l’article 14 du code civil dans l’Arrêt Banque de développement local Société fercometal, en date du 22 Mai 2007, rapport au journal de DIP 2007 P.956 avec la note B. Ancel, H. Muir Watt.
L’attendu principal de cet Arrêt affirme que: « l’article 14 du code civil n’ouvre au démandeur français qu’une simple faculté et n’édicte pas à son profit une compétence impérative exclusive de la compétence indirecte d’un tribunal étranger dejà saisi et dont le choix n’est pas frauduleux ».
L’auteur Bernard Audit, dans sa chronique intitulée «vers la consécration du caractère facultative du tribunal du for de la nationalité française du demandeur» (article 14 du code civil), Dalloz 2007 p.254, fait une analyse de la jurisprudence relative à la formule utilisée par la cour de cassation dans l’Arrêt du 22 Mai 2007. Cette analyse peut être appréhendée de deux manières, c’est à dire d’un point de vue de la compétence directe et d’un point de vue de la compétence indirecte. Ainsi, du point de vue de la compétence directe, il faut considérer que le demandeur français a une simple faculté de saisir le juge français en vertu de l’article 14 du code civil. Cependant, s’il le saisi, la compétence s’impose au juge car celui-ci doit se reconnaitre compétent sans toutefois considérer que sa compétence est facultive. Cf. l’arrêt de la cour de cassation 1ère chambre civile du 30 Septembre 2009, pourvoi n°8, P.19593.
Du point de vue de la compétence indirecte, on suppose que le demandeur a saisi un juge français alors que le défendeur de son côté a saisi au préalable un juge étranger.
Dans une telle hypothèse, on parle de litispendance. Par rapport à l’article 14 du code civil, il s’agit de considérer que le tribunal français n’a qu’une compétence facultative et non une compétence exclusive malgré la nationalité française de l’une des parties.
Dès lors, le tribunal français peut accueillir l’exception de litispendance qui est éventuellement soulevée devant lui. Si le tribunal étranger à été saisi sans fraude ou si ce tribunal à des liens caractérisés avec ce litige, il reste à s’intérroger sur l’intérêt pratique des articles 14 et 15 du code civil. En réponse à cette question, il faut admettre que ces articles ont un intérêt lorsque le litige est d’ordre patrimonial.
Dans l’hypothèse où le débiteur détient des biens saisissables en France car, dans cette action le demandeur français, en vertu de l’article 14 du code civil ou le demandeur étranger en vertu de l’article 15 du code civil, pourra saisir le juge français qui va tenir compte de la localisation des biens en France pour ordonner des mesures d’exécution.
CHAPITRE II: LES EFFETS DU JUGEMENT ÉTRANGER
Les règles relatives à l’effet des jugements étrangers ont pour effet de définir les conditions auxquelles un jugement étranger peut avoir force probante, autorité de la chose jugée et force exécutoire. La question des conséquences des jugements étrangers présente un intérêt en cette matière car, le problème des droits acquis implique que justiciable ayant obtenu un jugement à son profit puisse faire reconnaître ce jugement dans un pays étranger.
Cependant, une décision rendue dans un pays ne lie pas nécessairement les juges d’un autre pays, à cause de la souveraineté de chaque État d’une part et d’autre part, à cause des divergences qui peuvent exister entre les principes fondamentaux des États, voire les divergences qui peuvent exister entre les politiques des différents États. Tout ceci permet de comprendre qu’il existe de réelles difficultés auxquelles sont confrontés les juges lorsqu’il s’agit de donner effet à des décisions de justice rendues à l’étranger.
En droit ivoirien, la solution de principe retenue consiste à dire qu’un jugement rendu à l’étranger ne peut produire effet en Côte d’Ivoire que lorsque cette décision est soumise à une procédure d’exequatur, laquelle est portée devant le tribunal de 1 ère instance.
Toutefois, dans certains cas, effet sera reconnu à des décisions rendues à l’étranger sans récourir à cette procédure. Conf. l’article 346 du code de procédure civile, commerciale et administrative qui dispose que: «l’instance en exequatur est engagée par voie d’assignation selon les règles de droit commun. Le tribunal compétent est celui du domicile ou de la résidence du défendeur en Côte d’Ivoire et à défaut, celui du lieu d’exécution. En matière grâcieuse, l’instance est dirigée contre le ministère publique. »
Section 1: Effets d’une décision étrangère subordonnée à l’exequatur
S’agissant des matières civiles, commerciales et administratives, la solution de droit ivoirien est que les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions ont de plein droit l’autorité de la chose jugée sur le térritoire ivoirien si elles remplissent certaines conditions. Ceci étant, il reste déterminé l’objet de l’instance en exequatur puis les conditions d’efficacité.
Paragraphe I: L’objet de l’instance en exequatur
Il faut souligner que l’instance ne concerne que certaines décisions. En outre, il faut savoir que cette instance n’est nécessaire que pour certains effets.
A. Les décisions concernées par l’instance en exequatur
Les décisions pouvant faire l’objet d’une instance en exequatur sont celles qui sont prononcées au nom d’une souveraineté étrangère. Cette solution, une fois retenue, peu importe le lieu où la décision a été rendue, car la condition initiale relative à la souveraineté doit être remplie. Par ailleurs, toutes les décisions, qu’elles soient gracieuses ou contentieuses, peuvent être soumises à la procédure d’exequatur en Côte d’Ivoire si elles ont été rendues par des autorités qui exercent une fonction que le droit ivoirien réserve à l’autorité judiciaire. Cette affirmation semble être critiquable dans la mesure où les décisions étrangères pour lesquelles une demande d’exequatur est faite devant le juge ivoirien doivent être appréciées comme telle du point de vue du stricte droit ivoirien.
De même, les sentences arbitrales, à savoir les décisions soumises à une loi étrangère peuvent faire l’objet d’un exequatur en territoire ivoirien, par application de l’article 30 de l’Acte Uniforme sur le droit d’arbitrage, car de telles sentences ont la valeur de décisions jurisprudentielles.
B- Les effets recherchés par l’instance en exequatur
Les jugements étrangers pour lesquels l’exequatur est demandée sont des jugements auxquels il s’agit de conférer une force exécutoire. Autrement dit, il s’agit de donner aux personnes qui se prévalent de ces jugements étrangers, la possibilité de les faire exécuter sur un autre territoire. Par exemple, obtenir la possibilité de faire exécuter des décisions sur le territoire ivoirien en sollicitant la force publique.
Cependant, il faut souligner que la force exécutoire est exclue pour les décisions en matière pénale et fiscale. Ainsi, une condamnation pénale étrangère ne peut être exécutée en Côte d’Ivoire. Aussi, en cette matière, la coopération judiciaire internationale s’exerce-t-elle sous la forme d’extradition. Toutefois, l’on tient compte de la nature de la décision étrangère. Ce qui permet de dire que s’agissant d’une décision d’une juridiction répressive étrangère qui prononce en plus de la sanction pénale des dommages et inérêts, cette décision pourra être exécutée en Côte d’Ivoire en ce qui concerne les dommages et les intérêts. Cf. Arrêt inédit de la Cour Suprême 1er décembre 1992, n° 229.
Au contraire, les jugements étrangers rendus en matière de droit privé sont susceptibles d’exécutions forcées en Côte d’Ivoire. Toutefois, ces jugements il faut le souligner, n’ont pas de plein droit force exécutoire sur le territoire ivoirien. La solution est tirée des principes de droit international public selon lesquels le pouvoir de coercition d’un État est limité à son propre territoire.
Il faut retenir que les décisions étrangères ne peuvent être exécutées en Côte d’Ivoire que si elles ont été déclarées exécutoires sur le territoire ivoirien par une juridiction ivoirienne. C’est donc la décision du juge ivoirien conférent force exécutoire à un jugement qu’on appelle exequatur. Mais, pour que effet puisse être donné à une décision étrangère, il est nécessaire que les conditions d’efficacité de ces décisions soient réunies.
Paragraphe II: Les conditions d’efficacité des jugements étrangers
Aujourd’hui, la tendance générale est qu’un jugement étranger non revêtu de l’exequatur a, tout de même une certaine valeur juridique. De ce fait, il peut produire certains effets secondaires. Mais, le principe en la matière reste que l’efficacité des jugements étrangers sur le territoire du for, en l’occurrence l’efficacité des jugements étrangers sur le territoire ivoirien nécessite une décision d’exequatur d’un tribunal ivoirien.
En droit ivoirien, la question de l’exequatur des jugements étrangers a fait l’objet de convention bilatérale entre la Côte d’Ivoire et de nombreux pays. Par exemple, la convention ivoiro-française en matière judiciaire du 24 avril 1961, et la convention générale de coopération en matière de justice du 12 septembre 1961 entre les pays de l’OCAM.
Les dispositions de ces conventions ont d’ailleurs été reprises par les articles 345 et suivants du code de procédure civile, commerciale et administrative. Ces dispositions fixent les conditions de l’exequatur. En effet, l’article 345 du code de procédure civile, commerciale et administrative dispose que: «les décisions judiciaires contentieuses ou gracieuses rendues dans un pays étranger ne peuvent donner lieu à aucune exécution forcée ou à aucune publicité sur le territoire de la République qu’après y avoir été déclarées exécutoires sous réserve des dispositions particulières résultant des conventions internationales». Mais c’est surtout l’article 347 du code de procédure civile, commerciale, et administartive qui précise les conditions d’exequatur des jugements étrangers. Selon ce texte, «l’exequatur ne peut être accordé que si les conditions suivantes sont remplies:
1. Le jugement émane d’une autrorité judiciaire compétente selon les lois du pays où il a été rendu;
2. Le jugement est passé en force de chose jugée selon les mêmes lois et il est susceptible d’exécution dans le pays où il a été rendu;
3. La partie condamnée a été régulièrement appelée devant le tribunal qui a rendu le jugement et elle a été mise en mesure de se défendre;
4. Le litige sur lequel a statué le tribunal ne relève pas, selon la loi ivoirienne, de la compétence exclusive des tribunaux ivoiriens;
5. Il n’y a pas de contrariété entre le jugement étranger et un autre déjà rendu par une juridiction ivoirienne sur la même cause, le même objet et entre les mêmes parties et passé en force de chose jugée;
6. La décision ne contient rien de contraire à l’ordre public ivoirien. »
On peut en la matière citer certaines décisions ivoiriennes inédites notamment, l’arrêt de la cour suprême du 30 mai 1996, la décision du tribunal de 1ere instance d’Abidjan du 30 octobre 1991, le jugement n° 4286, du tribunal de 1ère instance d’Abidjan du 27 décembre 1995, jugement n°651.
Toutes ces décisions relèvent les conditions de l’exequatur du jugement étranger telles que prévues à l’article 347 du code de procédure civile, commerciale, et administrative ci-dessus cité. Il est important de souligner qu’en DIP Français, les conditions de l’exequatur ont été évoquées dans un arrêt de la cour de cassation, arrêt Munzer en date du 7 janvier 1964, rapporté aux grands arrêts de la jurisprudence française de DIP, arrêt n°41. Il est remarquable, à partir de cet arrêt qu’en droit français, pour qu’un jugement étranger reçoive l’exequatur sur le territoire français il doit réunir 5 conditions:
- La compétence du tribunal qui a rendu la décision;
- La régularité de la procédure suivie devant cette juridiction (par exemple, l’assignation, l’enrôlement etc.);
- L’application de la loi compétente suivant les règles de conflits de lois françaises;
- La conformité à l’ordre public international;
- L’absence de fraude.
Mais en droit français, il ressort d’un arrêt ultérieur à l’arrêt Munzer que les conditions d’efficacité d’un jugement étranger sont reduites à 4 (Arrêt Bachir du 4 octobre 1967, rapporté au GAJF de DIP, arrêt n°45). En effet, pour le juge français qui a statué dans cet arrêt, la condition tenant à la régularité de la procédure suivie devant le juge étranger s’apprécie uniquement par rapport à l’ordre public international français et au regard des droits de la défense et à l’autorité de la chose jugée.
Ainsi, il faut comprendre que l’ordre public signifie d’abord un ordre public procédural. Exemple, le respect des droits de la défense. Ensuite, l’ordre public désigne un ensemble de principes substantiels. Ce qui permet de rappeler qu’en matière de conflit de lois, l’ordre public doit être analysé moins rigoureusement lorsqu’il s’agit de laisser se produire sur le territoire du for, par exemple, le territoire de Côte d’Ivoire, des effets d’une situation déjà née à l’étranger et qui a pu accorder des droits acquis aux personnes intérressées.
Pour une question de clarté, il est possible de classifier les conditions de l’exequatur des jugements étrangers énumérées à l’article 347 du code de procédure civile, commerciale et administrative en distinguant les conditions de forme d’une part, des conditions de fond d’autre part.
A- Les conditions de forme
La première condition de forme est relative à la compétence du juge étranger. Ainsi, pour qu’un jugement étranger obtienne l’exequatur en Côte d’Ivoire il est nécessaire que le juge étranger qui a statué ait été compétent. Ce qui suppose la réunion de plusieurs conditions. Ainsi, il faut comprendre que si le litige en cause relevait de la compétence des tribunaux ivoiriens par exemple, et qu’un tribunal étranger avait statué au regard de la loi ivoirienne, ce tribunal étranger serait incompétent de sorte que sa décision ne pourra pas trouver exequatur en Côte d’Ivoire.
De même, le refus de l’exequatur peut être décidé à l’égard de jugements rendus à l’étranger contre les ivoiriens, par application de l’article 15 du code civil qui contient une obligation pesant sur le demandeur étranger de saisir un tribunal ivoirien. En la matière, on peut évoquer les décisions de la cour suprême de Côte d’ivoire notamment, l’arrêt du 16 juillet 1981, rapporté à la RID 1982-1983 n°1234; l’arrêt du 13 juin 1980, RID 1982-1983 n°1234.
Il faut retenir cependant que l’exequatur sera accordé à une décision étrangère dans la situation où la compétence des tribunaux ivoiriens est facultative. Par exemple en matière délictuelle, il faut retenir que sont compétents à la fois, le tribunal du domicile du défendeur, le tribunal du lieu du fait dommageable et le tribunal du lieu où le dommage est subi. Ainsi, si le lieu du fait dommageable est en Côte d’Ivoire et le domicile du défendeur à l’étranger, le jugement rendu dans cette hypothèse à l’étranger ne méconnait pas la compétence des tribunaux ivoiriens, de sorte que cette décision pourra produire effet en Côte d’Ivoire par une décision d’exequatur.
Il faut ajouter cette autre condition de forme selon laquelle l’État dans lequel le jugement a été rendu doit admettre la compétence de ses propres tribunaux car il est de principe général selon lequel un juge ne peut en effet, recevoir compétence que par rapport aux lois de son pays. En effet, une décision du tribunal de 1ère instance d’Abidjan du 3 Janvier 1991 a déclaré que la compétence d’une juridiction s’apprécie au regard des lois du pays où elle se trouve. Si cette condition n’est pas remplie, on ne saurait donc accorder l’exequatur en Côte d’Ivoire à une décision qui n’avait pas de valeur dans son prorpre pays.
De même, le tribunal étranger ayant statué doit avoir compétence au plan interne. C’est à dire qu’il doit s’agir du tribunal qui, parmi les tribunaux de l’État concerné, devait être saisi. Toutefois, il faut savoir que cette question ne peut être résolue que conformément à la loi de cet État.
Une autre condition de forme exigée par l’exequatur d’une décision étrangère consiste dans la régularité de la procédure suivie à l’étranger. Cela signifie que le jugement rendu à l’étranger doit être régulier en la forme. Par conséquent, pour cette question, il faut appliquer la loi du juge qui a statué en référence à une règle selon laquelle la procédure est régie par la lexfori.
Mais a coté de cette condition relative à la régularité quant à la forme de la décision étrangère, il faut ajouter le respect de certains principes considérés comme fondamentaux pour la loyauté de l’instance judiciaire. En effet, on exige que le défendeur ait été régulièrement assigné c’est à dire qu’il ait été mis en mesure de faire valoir ses moyens de défense et d’exercer ses voies de recours. Dans ce sens, on peut citer quelques décisions ivoiriennes qui affirment qu’un jugement étranger ne saurait recevoir exequatur sur le territoire de la Côte d’Ivoire que si les parties au procès ont été régulièrement assignées. Consultez dans ce sens l’arrêt de la cour suprême, 1er décembre 1992 N°299 (Arrêt inédit).
Dans le même sens, la jurisprudence soutient qu’une décision étrangère ne saurait produire d’effets sur le territoire national que si elle a été régulièrement signifiée à la partie contre laquelle on entend l’exécuter. Voir les arrêts de la cour suprême du 24 Février 1987, n°29 et celui du 27 Mars 1990, N°96.
B- Les conditions de fond
Pour qu’un jugement étranger puisse produire effet sur le territoire de Côte d’Ivoire, cela suppose que selon les règles de de conflit de lois ivoiriennes, cette décision a été conforme à la loi normalement compétente.
Par ailleurs, cette décision doit être revêtue du caractère exécutoire dans le pays où elle a été rendue. Ceci signifie que la décision doit être insusceptible de voies de recours. Autrement dit, il doit s’agir de décisions passées en force de chose jugée en raison de l’épuisement des délais pour agir.
En outre, toute décision pour laquelle l’exequatur est demandé suppose que le jugement étranger ne soit pas contraire à l’ordre public du for. Ce qui signifie qu’une décision rendue en France par exemple et dont le contenu est contraire à l’ordre public ivoirien ne pourra pas recevoir l’exequatur en Côte d’Ivoire.
La notion d’ordre public s’entend ici, de la conformité à un ensemble de principes substantiels. Ce qui a pour conséquence d’admettre qu’en matière de conflit de lois, l’ordre public doit être analysé moins rigoureusement lorsqu’il s’agit de laisser se produire sur le territoire de Côte d’Ivoire, les effets d’une situation déjà née à l’étranger et qui a pu accorder des droits acquis aux personnes intéressées.
En pratique, le contenu de l’ordre public peut se modifier de façon brusque suite à une reforme législative. Dans une situation pareille, il faut apprécier la conformité à l’ordre public non pas le jour où le jugement a été rendu, mais plutôt le jour où l’exequatur de ce jugement est demandé. Il faut ajouter à cette question de conformité à l’ordre public, la condition de non contrariété de la décision étrangère avec une autre décision déjà rendue par une juridicition ivoirienne sur le même objet, la même cause et entre les mêmes parties.
Enfin, la question de la réciprocité intervient de plus en plus dans la demande d’exequatur des décisions étrangères sur le territoire du for. Cette question permet de dire que les décisions rendues dans un pays étranger ne peuvent obtenir l’exequatur que si à titre de réciprocité des décisions rendues sur le territoire auquel on demande l’exequatur peut obtenir également exequatur dans le pays étranger.
En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, les questions de la réciprocité se posent à l’égard des pays qui entretiennent des relations de réciprocité avec elle. En effet, la question de réciprocité a fait l’objtet d’une application dans cette espèce où l’exequatur d’une décision rendue en Grande Brétagne a été demandé en Côte d’Ivoire. A cet effet, le tribunal de première instance saisi a déclaré qu’aux termes de l’article 348 du code de procédure civile, commerciale et administrative, outre les conditions énumérées à l’article 347 du même code, les jugements rendus dans un pays étranger ne peuvent recevoir exequatur que si la preuve est établie que le jugement rendu en Côte d’Ivoire peut obtenir l’exequatur en Grande Bretagne, qu’il s’ensuit donc que l’action tendant à obtenir l’exequatur en Côte d’Ivoire d’une décision de la haute cour de justice de la Grande Bretagne est irrecevable. Voir le jugemnt du TPI d’Abidjan du 27 Décembre 1995, N°651; inédit.
D’un point de vue pratique, il va se poser le problème de la charge de la preuve de la réciprocité. Mais, en référence au jugement ci-dessus évoqué, il apparait que la charge de la preuve de la réciprocité pèse sur le demandeur à l’instance de l’exequatur.
Paragraphe 3: L’instance en exequatur
L’instance en exequatur est mise en mouvement par l’action en justice intentée par le justiciable qui souhaite qu’une décision étrangère puisse produire effet sur le territoire du for, en l’occurence sur le territoire de Côte d’ivoire.
L’instance en exequatur consiste donc à permettre au juge saisi de prendre une décision qui, si elle est favorable, va accorder donc l’exequatur à un jugement étranger. Mais, l’instance en exequatur pose des problèmes essentiels que sont: la compétence judiciaire, les règles de procédure et les pouvoirs du juge de l’exequatur.
A- La compétence judiciaire
La compétence d’attribution en matière d’exequatur appartient, aux termes de l’article 346 du code de procédure civile, commerciale et administrative, au tribunal de première instance, quelques soient l’ordre et le degré de la juridiction étrangère qui a rendu la décision pour laquelle il y a demande en exequatur. Ainsi, il faut admettre que l’instace en exequatur est une instance nouvelle avec son objet propre car il s’agit de l’exécution d’une décision. Par exemple, dans les relations judiciaires entre la Côte d’Ivoire et la France, on peut évoquer la convention Ivoiro-Française qui établit cette compétence d’attribution.
Quant à la compétence territoriale, aux termes de l’article 346 du code de procédure civile, commerciale et administrative, le tribunal compétent est en principe celui du domicile ou de la résidence du demandeur. Mais, si celui-ci n’a en Côte d’Ivoire ni domicile ni résidence, le tribunal compétent est celui du lieu où l’exécution doit s’effectuer. C’est une solution inspirée de l’arrêt de la Cour de Cassation 1ere chambre civile 5 avril 1960 RCDIP 1961. P.389.
B- Les règles de procédure
L’instance en exequatur est en principe contradictoire. En outre, il est important que le tribunal soit saisi par voie d’assignation conformément au droit commun car, le contrôle de la régularité de la décision étrangère, objet de la demande en exequatur présente des difficultés qui justifient un débat contracdictoire. Ainsi, le défendeur assigné sera celui contre lequel l’exécution doit s’effectuer. En la matière, dans les États de l’UE par exemple, conformément aux dispositions de la convention de Bruxelles du 27 Septembre 1968, l’instance n’est pas contradictoire en première instance, mais le devient en appel.
C- Les pouvoirs du juge de l’exequatur
Le rôle du juge saisi d’une demande d’exequatur est de contrôler la régularité du jugement étranger. Ainsi, il doit vérifier d’office que les différentes conditions évoquées par l’article 347 du code de procédure civile, commerciale et administrative sont bien remplies.
En la matière, en droit comparé français, il ressort une évolution de source jurisprudentielle qui mérite d’être évoquée. En effet, dans un premier temps, la Cour de Cassation reconnaissait en France au juge de l’exequatur, le pouvoir de réviser au fond la décision étrangère. C’est à dire que le juge va recommencer le procès de sorte que, s’il estimait que le juge étranger avait mal jugé en droit ou en fait, il pouvait réviser la sentence. Cette solution avait donc fait l’objet de contestations car elle a pour conséquence de réduire la valeur du jugement étranger sur le territoire national. Ces contestations ont donc conduit la cour de cassation à réviser sa position. Ainsi, elle a décidé que le juge de l’exequatur ne peut pas modifier la décision qui lui a été soumise. Seulement, il peut lui accorder ou refuser l’exequatur. Dans ce sens, voir l’Arrêt de la Cour de Cassation Chambre des requêtes, 11 Avril 1933, Dalloz périodique 1993, 1ère p.161.
La cour de cassation, dans un autre arrêt, a également condamné le pouvoir de révision du jugement étranger pour lequel l’exequatur est demandé. Confère l’Arrêt de la Cour de Cassation 1ere Chambre civile, 7 Janvier 1964, JCP 1964, II n°13590 ou RCDIP 1964 P.344.
Il faut conclure que si un jugement étranger est revêtu de l’exequatur en Côte d’Ivoire, il deveint l’équivalent des jugements ivoiriens. Par conséquent, il doit produire tous ses effets sur le territoire national.
Section 2: les effets d’une décision non subordonnée à l’exequatur
Il s’agit ici, des effets de jugements étrangers sur le territoire du for (Côte d’Ivoire) et qui ne sont pas soumis à la procédure d’exequatur. Autrement dit, ce sont les effets de jugements étrangers qui sont produits de plein droit sur le territoire du for.
Cependant, il faut savoir que si la procédure d’exequatur n’est pas nécessaire pour ces décisions, il n’en demeure pas moins que celles-ci sont soumises à un minimum de contrôle de régularité et que, par ailleurs, il s’agit uniquement d’effets qui restent indépendants de l’exequatur.
Paragraphe 1: La détermination des effets indépedants de l’exequatur
Le problème des effets indépendants de l’exequatur nécessite que l’on évoque la question de l’autorité de la chose jugée reconnue à certains jugments étrangers et, que par ailleurs, l’on souligne les effets secondaires de jugements qui ne sont pas subordonnés à l’exequatur.
A- L’autorité de la chose jugée reconnue au jugement étranger
Conformément à une jurisprudence classique, l’autorité de la chose jugée est reconnue au jugement étranger relatif à l’état et à la capacité des personnes. Confère l’arrêt de la Cour de Cassation ch. Réq. 03 Mars 1930, journal DIP 1930 P.981. Par conséquent, ces jugements étrangers produisent des effets sur le territoire du for sans exequatur, sauf dans les hypothèses où ils doivent donner lieu à des actes d’éxécutions matérielles sur les biens. Par exemple, le paiement d’une pension alimentaire après le divorce ou bien s’ils doivent faire l’objet de coercition sur les personnes, par exemple dans le cas de la garde des enfants.
Ainsi, il faut comprendre donc, que s’agissant par exemple d’un jugement de divorce prononcé à l’étranger, celui-ci permet sans exequatur le remariage en Côte d’Ivoire. De même un jugement de séparation de corps prononcé à l’étranger peut être converti en divorce sans exequatur. Cette solution est justifiée par la règle relative à l’autorité des jugements car en raison de la règle qui exige ne droit interne que les jugements s’imposent à tous, en vertu de cette même règle, les jugemenst étrangers reconnus hors le pays du for ont cette autorité de la chose jugée.
C’est dans ce sens qu’il faudra reconnaitre qu’un étranger divorcé et remarié dans son pays ne doit pas être considéré en Côte d’Ivoire comme un bigame.
B- Les effets secondaires des jugements étrangers sur le territoire du for
Il s’agit de reconnaitre ici qu’un jugement étranger peut produire sur le territoire du for certains effets secondaires. Ce sont les effets secondaires qui ne sont donc pas soumis à l’exequatur. Dans ce sens, un jugement étranger peut constituer un moyen de preuve notamment, quant aux pièces et aux témoignages qu’il contient, de sorte que ce jugement étranger sera considéré comme l’équivalent d’un acte authentique établi à l’étranger.
Par ailleurs, le jugement étranger peut servir comme titre pour l’exercice d’un droit en Côte d’Ivoire notamment, il peut constituer un titre d’hérédité permettant de délivrer des valeurs appartenant au défunt.
En somme, il faut considérer que le jugement étranger constitue un fait et comme tel il peut produire certains effets.
Paragraphe 2: Le contrôle de la régularité du jugement étranger non revêtu de l’exequatur.
Les effets reconnus aux jugements étrangers, indépendamment de l’exequatur, ne peuvent pas être acceptés sans un contrôle minimum de régularité. Ce contrôle de régularité reconnu au tribunal du for va intervenir à l’occasion d’une instance en justice au cours de laquelle le jugement à l’étranger sera invoqué. Voir dans ce sens l’arrêt de la cour de cassation 1ère chambre civile 19 Déc. 1972 RCDIP 1975. P.38. Mais, il est possible que le jugement étranger soit invoqué en déhors d’une instance en justice. Tel sera le cas d’une personne divorcée à l’étranger qui veut se remarier en Côte d’Ivoire. En effet, dans ce cas, la personne qui voudra faire valoir que le jugement a été rendu irrégulièrement doit avoir les moyens qui lui permettent d’exercer l’action en inopposabilité dont la finalité sera de faire juger que la décision étrangère est sans valeur en droit interne. Cf. l’arrêt de la cour de cassation 1ere chambre Civ 22 Janv. 1951, JCP 1951, II n°6151 ou encore l’arrêt de la cour de cassation 1 ère chambre civile 10 février 1971 RCDIP 1972. P123.
En réalité, le contrôle de la régularité va porter sur l’ensemble des conditions requises pour l’exequatur. Ce qui conduit à se demander quelle valeur accorder donc à l’autorité de la chose jugée reconnue de plein droit au jugement relatif à l’état et à la capacité des personnes. Cette question permet d’admettre que tant que la décision étrangère n’a pas été jugée sans valeur, elle doit être considérée, de ce fait, comme valable. Par conséquent, il appartient à celui qui en conteste la valeur de prendre l’initiative d’une action en justice. Par exemple, dans le cas du remariage en Côte d’Ivoire, après divorce à l’étranger, celui qui veut se remarier n’a pas à faire juger que son divorce est régulier, mais il appartient à celui qui veut l’en empêcher, de faire juger qu’il est irrégulier.
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