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Introduction
L’expression instrument de paiement et de crédit a remplacé la notion d’effets de commerce qui était initialement utilisé pour traduire certains titres au moyen desquels le commerçant effectuait ses paiements dans le cadre de son activité. L’effet de commerce se définit comme un titre négociable qui constate l’existence au profit du porteur d’une créance à cour terme et sert à son paiement. Il n’existe pas de définition textuelle des effets de commerce. Ainsi, il faut recourir à la définition donnée par les auteurs
- RIPERT et ROBLOT tome 2 effet de commerce banque, bourses, contrats commerciaux, procédure collective ; 18eédition 2002
- Gavalda Essouflet.
Pour ces auteurs, l’effet de commerce, c’est « un titre négociable qui constate au profit du porteur, l’existence d’une créance à cour terme et qui sert son paiement. »
De cette définition, il faut retenir 5 éléments qui les caractérisent.
- La négociabilité
- Un objet monétaire
- Un engagement de payer
- Un paiement à court terme
- Un usage de recevoir un titre en paiement.
D'un point de vue juridique, on peut définir l'instrument de paiement comme un procédé juridique spécifique destiné à assurer l'exécution d'une obligation de payer une somme sans manipulation d'espèce monétaire. C'est sans avoir à utiliser des billets de banque ou des monnaies métalliques. L’instrument de paiement le plus connu est le chèque. Mais a coté de celui-ci, il existe d'autres instruments de paiement par exemple la carte de crédit et le virement bancaire. Ils sont utilisés afin de remédier aux inconvénients que peuvent présenter l'utilisation du chèque.
En ce qui concerne l'instrument de crédit, celui-ci est défini également comme un procédé juridique spécifique destiné à faciliter le paiement surtout des opérations à court terme des opérations financières.
L'instrument de paiement le plus connu est la LETTRE DE CHANGE mais il y a aussi le BILLET A ORDRE ou le WARRANT.
Sans aucun doute, les instruments de paiement et de crédit présentent quelques éléments de similitude tant au plan formel qu'au plan du fond. En effet au plan formel, ils présentent tous la forme d’un titre c.à.d. qu’ils se présentent sous la forme d’un support matériel qui incorpore en son sein un ou plusieurs droits. Au fond, les instruments de paiement et de crédit sont des titres qui servent à se faire payer.
Mais il faut retenir que les instruments de paiement et de crédit se distinguent essentiellement par le fait qu’en ce qui concerne les instruments de paiement aucun crédit ne peut être effectué tandis que pour les instruments de crédit, il existe à la fois la fonction de crédit et la fonction de paiement. Par exemple, le cheque ne peut pas être utilisé pour obtenir un crédit en ce sens que le cheque est un moyen de paiement à vue. En conséquence, celui qui émet un chèque en y inscrivant une date postérieure à sa date d’émission, en invitant de ce fait le porteur à le présenter à la date d’émission, commet une irrégularité.
Les instruments de paiement et de crédit sont réglementés par le règlement 15/2002/UEMOA du 19 septembre 2002 relatif au système de paiement. Ce règlement N° 15 a abrogé la loi en vigueur auparavant a savoir la loi N° 97-518 du 04 septembre 1997 relatif aux effets de commerce à l’exception de certains articles à savoir les articles 83 et 90 puis les articles 106 à 108.
Notre étude va porter d’abord sur les instruments de crédit et ensuite sur les instruments de paiement.
PREMIERE PARTIE/LES INSTRUMENTS DE CREDIT
Parmi la diversité des instruments de crédit, nous retiendrons le plus répandu à savoir la lettre de change.
Titre 1er : LA LETTRE DE CHANGE
L’étude de la lettre de change nécessite que celle-ci soit connue ainsi il faut présenter la lettre de change en la définissant et en précisant son utilisation. C’est après cela qu’il conviendra d’aborder les règles qui régissent la lettre de change.
· Définition de la lettre de change.
Il n’existe pas de définition légale de la lettre de change que l’on appelle aussi une traite mais la doctrine a pu dégager un définition selon laquelle la lettre de change est un écrit par lequel une personne appelée tireur donne à une autre personne appelée tiré l’ordre de payer à une échéance déterminée une certaine somme d’argent à une troisième personne appelée bénéficiaire, porteur ou preneur à l’ordre de celui-ci. Cette définition donne donc une indication à la fois sur l’objet de la lettre de change à savoir le paiement d’une somme d’argent. Elle donne également une indication sur les qualités des personnes qui sont intéressées par cet écrit. Ces personnes sont le tireur, le tiré et le bénéficiaire. La lettre de change ainsi définie appelle quelques observations :
- La définition de la lettre de change ne fait pas ressortir la notion de crédit qui est sous-entendue alors que le crédit est souvent la cause de l’émission et de la circulation de la lettre de change.
- L’écrit par lequel le tireur donne l’ordre au tiré de payer à une certaine date le bénéficiaire suppose que cet écrit soit remis par le tireur au bénéficiaire qui va le présenter au tiré pour se faire payer
Le bénéficiaire de la lettre de change a donc la possibilité s’il le désire, de remettre cette lettre de change à un tiers pour que celui-ci la présente au tiré pour obtenir paiement. Ainsi le tiers sera le nouveau bénéficiaire, le porteur ou le preneur.
Mais d’un point de vue technique, le nouveau bénéficiaire appelé endossataire parce qu’il reçoit la traite par le biais d’un endossement effectué par le bénéficiaire initial. Cet exemple montre que la lettre de change est un instrument qui peut circuler entre plusieurs mains avant sa présentation même au paiement au tiré.
· L’utilisation de la lettre de change
La lettre de change est souvent utilisée par les commerçants à l’occasion de l’exercice de leurs activités commerciales. Cependant, il faut noter qu’elle peut être utilisée également dans la vie civile par des non-professionnels. Cette utilisation dans la vie civile est certainement marginale.
D’un point de vue pratique, on peut illustrer la lettre de change par des exemples. A cet effet, on peut retenir la situation d’un vendeur professionnel c.à.d. que celui-ci vend des marchandises à un acquéreur pour une valeur de 2.000.000F par exemple. Deux options s’offrent ainsi au vendeur car celui-ci a le choix soit d’exiger un paiement au comptant de sa créance, soit d’accepter un paiement à crédit. Ainsi la dernière solution consiste à octroyer à l’acheteur (acquéreur) un certain délai exemple 90 jours pour le paiement. Aussi dans l’hypothèse du paiement à crédit, le vendeur va-t-il tirer (créer)une lettre de change sur l’acheteur pour matérialiser sa créance qui porte sur le prix de vente des marchandises, en le faisant, le paiement ne pourra être obtenu qu’au délai fixé. De façon schématique, il apparait sur la lettre de change que le vendeur a la qualité de tireur alors que l’acheteur a la qualité de tiré. Le vendeur (tireur) a la possibilité d’inscrire comme bénéficiaire soit un 1/3 qui est en général une banque soit son propre nom.
Si c’est une banque qui est désignée comme bénéficiaire de la lettre de change, elle devra à l’échéance ; la présenter au paiement, au tiré. Dans l’hypothèse ou le vendeur s’est désigné lui même comme bénéficiaire, il devra attendre également l’échéance pour en demander le paiement. Cependant, dans cette hypothèse (le vendeur) n’est pas obligé d’attendre l’échéance pour en demander le paiement car si avant l’échéance, il a un besoin pressant d’argent pour l’exercice de son activité commerciale, il pourra remettre ladite lettre de change à un banquier qui va l’escompter c.à.d. que le banquier va lui payer la somme inscrite sur le titre ; déduction faite des intérêts .
Suivant les faits, il faut comprendre que la remise à l’escompte de la lettre de change est effectué par le vendeur (tireur) et qui est également porteur de cette lettre de change. La remise à l’escompte de la lettre de change se matérialise souvent par un endossement qui est fait par le porteur de la lettre de change. L’endossement consiste dans le fait d’apposer une signature au dos de la lettre de change précédée d’une formule indiquant clairement le nom du banquier. Le banquier escompteur qui devient ainsi le nouveau bénéficiaire de la lettre de change peut également décider de ne pas attendre l’échéance de ladite lettre de change si son intention est de se procurer des fonds avant cette échéance. A cet effet, il va escompter à son tour le titre auprès d’un autre banquier en effectuant de ce fait un nouvel endossement. Ainsi dans cette opération, on parle de réescompte à savoir un 2nd escompte entre banquiers.
A travers ces exemples, il faut comprendre que la lettre de change est utilisée dans des situations très variées en ce sens qu’elle a une double fonction économique :
D’abord, la lettre de change est un instrument de paiement car le tiré (c’est l’acheteur dans notre exemple) doit payer la somme inscrite sur le titre, au porteur ou bien au bénéficiaire qui est représenté par le vendeur ou le banquier escompteur. Ainsi, il faut comprendre que si le tiré s’exécute, tous les intervenants dans la chaine de la circulation de la lettre de change sont de ce fait satisfaits parce qu’ils n’auront pas à craindre un quelconque recours du porteur contre eux. Mais si au contraire, à l’échéance, le tiré refuse de payer, le porteur qui n’a pas reçu donc un paiement va chercher à se faire payer par l’un quelconque des intervenants dans la chaine de la circulation de la lettre de change. Cet exemple montre que le tiré, en refusant de payer le titre, va naturellement invoquer des arguments. Ainsi dans l’exemple évoqué ci-dessus, le tiré, pour justifier son refus de payer peut alléguer le fait que les marchandises n’ont pas été livrées par exemple ou bien que celles-ci sont avariées ou encore parce qu’il ne dispose pas de liquidités suffisantes pour le paiement.
Ensuite, la lettre de change est un instrument de crédit. Cette fonction ressort de l’exemple que nous venons d’évoquer. En effet, dans cet exemple, il apparait que la création de la lettre de change vient formaliser par un écrit, le crédit qui est fait à l’acheteur par le vendeur puisque celui-ci a accordé a celui-là un délai de paiement. De même, lorsque le banquier a escompté la lettre de change qui est remise par le vendeur, c’est aussi un crédit que le banquier fait à ce vendeur en ce sens qu’il lui remet des fonds par anticipation sur le paiement de sa créance au moyen d’une surenchère.
Il y a également crédit lorsque le banquier escompteur réescompte ladite lettre de change car dans cette hypothèse, le 1er banquier reçoit un crédit de la part du 2eme banquier.
Il faut en tirer une conclusion pour dire que la lettre de change peut permettre à un vendeur ou à un prestataire de service d’accorder des délais de paiement à un acheteur ou à un client. Par conséquent, on peut affirmer que la lettre de change est un effet ou un titre commercial. Par ailleurs, comme la lettre de change permet à un établissement bancaire ou à un établissement financier de constater le crédit qu’il fait sous diverses formes à sa clientèle, on peut affirmer également que la lettre de change est un effet ou un titre financier.
· Relations juridiques découlant de la lettre de change.
La description des relations juridiques qui découlent de la lettre de change permet non seulement de comprendre le mécanisme juridique de la lettre de change mais aussi de résoudre le problème relatif à la lettre de change déterminée.
En effet, il est important de distinguer entre : les relations juridiques extérieures au titre et les relations juridiques inclues dans le titre. Sur cette question, deux hypothèses vont permettre d’illustrer et de comprendre les deux types de relations qui se créent à l’établissement ou à l’émission de la lettre de change.
Dans le 1ere hypothèse, on suppose que le vendeur de marchandises a payé la lettre de change en se désignant lui-même bénéficiaire. Dans ce cas, il faut comprendre que le contrat de vente de marchandises qui lie le vendeur à l’acheteur est une relation juridique extérieure au titre sur lequel existent bien d’autres relations juridiques à savoir :
- La relation juridique entre le tireur et le tiré.
- La relation juridique entre le tireur et le bénéficiaire
- La relation juridique entre le bénéficiaire et le tiré.
Mais il est important de savoir que le relation juridique entre le tireur et le bénéficiaire est un rapport particulier parce que dans la présente hypothèse, il s’agit de la même personne qui supporte les 2 qualités. Par conséquent, il s’agit d’un rapport qui aboutit à une confusion au sens juridique du terme.
Dans la 2e hypothèse, le vendeur de marchandise a créé la lettre de change en inscrivant comme bénéficiaire le nom d’un tiers. Ainsi, au plan des relations extérieures au titre, deux contrats existent ; il y a le contrat de vente des marchandises puis la convention d’escompte qui lie le tireur au banquier. Cetteconvention fait donc naitre une obligation conventionnelle. Il peut s’agir également d’une obligation légale d’escompte que le banquier escompteur va inscrire.
En ce qui concerne les relations inclues dans le titre, il faut retenir les rapports juridiques suivants :
- Le rapport entre le tireur et le tiré ;
- Le rapport entre le tireur et le 1er bénéficiaire à savoir la banque désignée ;
- Le rapport entre le 1er bénéficiaire et le 2nd bénéficiaire qui est la banque de réescompte.
Dans cette situation, il apparait que le rapport entre le tireur et le 1er bénéficiaire est un rapport qui conduit le tireur à être le débiteur du 1er bénéficiaire. Ainsi, l’on retient que du seul fait que le tireur a signé la lettre de change, on l’appelle donc débiteur cambiaire. En conséquence, il faut retenir que quelque soit les hypothèses en présence, la création et la remise à un porteur de la lettre de change font toujours intervenir 2 types de rapports juridiques à savoir les relations juridiques extérieures au titre et les relations juridiques incorporées au titre.
Pour distinguer donc ces 2 types de rapports juridiques, on appelle les rapports juridiques extérieurs au titre, les rapports fondamentaux ou encore les rapports extra-cambiaires tandis que les rapports juridiques intégrés au titre sont les rapports cambiaires et sont régis par le droit cambiaire.
a- Analyse juridique de la description des relations qui ressortent de la création ou de la circulation de la lettre de change.
L’analyse de la description des relations résultant de la création de la lettre de change fait ressortir une dualité de relation qui peut exister entre les personnes intéressées. En effet, si l’on revient à notre exemple, le contrat de vente de marchandises entre le vendeur et l’acheteur, le titre qui a été créé à partir de ce contrat de vente permet de distinguer un rapport fondamental d’une part et d’autre part, un rapport qui est issu du titre. Celui-ci instaure donc la relation entre tireur et tiré.
La même situation se présente lorsqu’il s’agit de la relation du vendeur avec le banquier. en effet, il existe aussi une dualité de rapport qui conduit à une analyse juridique portant sur le mécanisme de la lettre de change.
L’analyse juridique de ce mécanisme de la lettre de change n’a pas été facile. En effet pendant longtemps, des auteurs ont cherché à identifier le mécanisme de la lettre de change à travers la technique du droit des obligations notamment la cession de créances, la délégation, la subrogation, la novation, etc.
Mais la doctrine actuelle s’est aperçue qu’en réalité, les techniques du droit des obligations ne rendent pas compte exactement de toute la réalité juridique contenue dans la création ou la situation de la lettre de change. On retient qu’il n’est plus nécessaire de rechercher une explication d’ensemble du mécanisme de la lettre de change a travers les catégories juridiques préétablies mais qu’il faut plutôt privilégier une autre méthode d’analyse qui est la suivante.
La méthode d’analyse du mécanisme de la lettre de change consiste à reconnaitre que dans toute la lettre de change, il peut exister une dualité de rapport juridique entre les intéressés de même qu’il peut exister un seul rapport juridique. En outre, il s’agit de comprendre que s’il existe une dualité de rapport juridique. Il faut avoir conscience que chaque type de rapport est régi par les règles qui lui sont propres. En effet, le rapport fondamental est régi par le droit commun tandis que le rapport inclus dans le titre est régi par le droit de la lettre de change appelé droit cambiaire. Dès lors, il faut comprendre qu’il existe une autonomie de principe quant aux régimes juridiques appliqués aux différents rapports : le rapport fondamental et le rapport cambiaire. Cette autonomie est très implantée car elle permet de préciser sur quel type de rapport on se fonde pour faire prévaloir ses droits ou bien pour demander l’exécution d’une obligation. Par exemple, le vendeur qui entend obtenir le paiement du prix des marchandises doit préciser s’il désire se prévaloir du contrat de vente ou bien s’il entend se prévaloir de la lettre de change. Ce qui implique donc qu’il veut se prévaloir de sa qualité de porteur de la lettre de change qui a droit au paiement.
Tout en respectant le principe de l’autonomie entre les 2 types de rapports, le droit de la lettre de change reconnait qu’il peut avoir des interactions entre ses rapports. En d’autres termes, il peut avoir une interférence du rapport fondamental sur le rapport issu du titre et inversement. Par exemple, si le vendeur n’a pas livré les marchandises convenues dans le contrat de vente, il ne pourra pas obtenir donc le paiement du prix des marchandises en se prévalant de sa qualité de porteur de la lettre de change parce que le tiré (l’acheteur) pourra lui opposer l’absence de livraison des marchandises. Dans le sens opposé, le tiré (l’acheteur) qui a payé au porteur (ici le vendeur) le prix de la lettre de change qui a été créé en représentation de la vente pourra se prévaloir de ce paiement pour invoquer l’extinction de sa dette issue du contrat de vente.
Chapitre 1er : LA CREATION DE LA LETTRE DE CHANGE.
Les différentes dispositions du règlement N° 15/2002 du 19 septembre 2002 relatif au système de paiement, qui a abrogé la loi N° 97/518 du 04 septembre 1997 consacre la création de la lettre de change et prévoit également les conditions de création de la lettre de change ainsi que les obligations découlant de cette création.
Section I : les conditions de création de la lettre de change
Les dispositions du règlement N°15/2002 prévoient à la fois les conditions de forme et les conditions de fond relativement à la création de la lettre de change.
Paragraphe I : les conditions de forme de la création de la lettre de change.
Du point de vue de sa forme, la lettre de change est un titre c.à.d. un instrument contenant des mentions obligatoires de sorte qu’en cas de non-respect de ces mentions, des sanctions spécifiques sont prévues. Aussi, l’étude de la création de la lettre de change suppose t elle que l’on analyse les règles relatives au titre lui-même, les règles relatives aux mentions obligatoires et enfin les sanctions applicables en cas de non-respect de ces mentions.
A- Le titre : l’instrument.
La lettre de change est un titre. Ceci signifie qu’elle doit être créée sous la forme d’un écrit et elle ne peut aussi être créée par aucun autre moyen. Dans la réalité, l’écrit se présente comme une formule imprimée que le tireur va remplir et signer. Cependant, rien n’interdit au tireur d’établir la lettre de change sur un papier libre à condition que toutes les règles soient respectées. Comme écrit, la lettre de change a été réglementée selon 3 axes :
- D’abord la lettre de change peut être établie en une pluralité d’exemplaires
- Ensuite, la lettre de change peut être établie en comportant des copies
- Enfin, une lettre de change établie peut connaitre une ou des altérations.
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1- Les règles régissant la pluralité d’exemplaires de lettre de change.
Il est possible qu’une lettre de change soit créée en un ou plusieurs exemplaires identiques. Lorsque c’est le cas, ces différents exemplaires doivent être numérotés dans le texte même du titre faute de quoi chacun d’eux est considéré comme une lettre de change distincte. Par ailleurs, tout porteur d’une lettre de change qui ne précise pas que celle-ci a été tirée en un exemplaire unique, peut exiger à ses propres frais, la délivrance de plusieurs exemplaires. Dans l’hypothèse de l’existence de la pluralité d’exemplaires de la lettre de change, les articles 217 et 218 du règlement N° 15/2002 organise le régime juridique du paiement et de l’acceptation d’une lettre de change tirée en plusieurs exemplaires.
2- Les règles applicables à une lettre de change établie avec des copies.
Certes, des dispositions du règlement N°15/2002 admettent la possibilité de faire des copies d’une lettre de change mais le recours a ces solutions est réglementé car seul le porteur d’une lettre d’une change a le droit d’en faire une copie. Il doit reproduire exactement l’original avec le mention de tous les endossements. La copie doit également indiquer le moment ou la reproduction s’arrête. Ceci s’explique par le fait que la copie peut comprendre des mentions autres que celles figurant sur l’original. De même la copie doit designer le détenteur du titre original. En effet par application de l’article 220 du règlement N°15/2002, le détenteur de l’original de la lettre de change est tenu de le remettre au porteur légitime de la copie. Mais s’il refuse de s’exécuter, le porteur de la copie ne peut exercer de recours contre les personnes qui ont endossé ou avalisé la copie qu’après avoir constaté par un protêt que l’original ne lui a pas été remis malgré sa demande. « Le protêt est un écrit (acte authentique) dressé par un huissier de justice ou un notaire à la demande du porteur. »
Pour éviter d’éventuels conflits entre les porteurs de la copie et le porteur de l’original de la lettre de change, il peut être porté sur celui-ci après établissement de la copie, la mention suivante : « A partir d’ici, l’endossement ne vaut que sur la copie »
Dans cette hypothèse de l’établissement de la copie, il est important de ne pas faire une confusion entre la copie de la lettre de la lettre de change et la photocopie de ladite lettre de change car la photocopie est certes un procédé de reproduction mais il n’y a pas de doute que sur la base de la photocopie, il est possible d’établir une copie. Aussi, il faut comprendre qu’une copie établie par le moyen d’une photocopie ne devient une copie véritable au sens des dispositions du règlement N°15/2002 que celle-ci satisfait aux dispositions des articles 219 et 220.
3- Les altérations subies par une lettre de change établie.
L’altération d’une lettre de change est une modification du texte de ladite lettre, celle-ci intervient sans l’accord unanime des intéressés et qui de ce droit est interdite par les dispositions du règlement 15/2002. Mais il est important de faire le distinction entre l’altération et les modifications qui sont autorisées par certaines dispositions du règlement N°15/2002. De même, il ya nécessité de faire la distinction entre l’altération et la régularisation ainsi que les rectifications d’erreurs matériels (fautes d’orthographe).
Dans la réalité, l’altération porte assez souvent sur la date d’échéance et sur le montant du titre mais une telle altération implique des sanctions à la fois pénale et civile. Mais les sanctions pénales ne sont pas prévues de façon expresse dans les dispositions du règlement N°15/2002. Dès lors, il reste a recourir aux dispositions du droit pénal commun. A cet effet, par exemple l’altération qui constitue un faux sera punie par application des dispositions du code pénal en l’occurrence l’article 416 du code pénal. En revanche, les sanctions civiles sont prévues par l’article 222 du règlement N°15/2002. Ce texte affirme que les signataires postérieurs à l’altération sont tenus dans les termes du texte altéré tandis que les signataires antérieurs à l’altération sont tenus dans les termes du texte original.
L’interprétation de ce texte conduit à affirmer que la solution retenue en cas d’altération est sous-tendue par la règle de l’apparence qui veut que dans le cas d’espèce, les différents signataires soient tenus par rapport à ce qu’ils ont pu voir de manière formelle sur le titre. Toutefois ces solutions peuvent être aménagées pour tenir compte des circonstances de l’altération. En effet, il y a l’hypothèse ou le porteur de la lettre de change a eu connaissance de l’altération de la lettre de change au moment ou il recevait le titre. Dans cette situation, on retient que celui qui réclame le paiement du titre à un signataire postérieur doit se fonder sur le texte original. Mais la solution fait l’objet de critique de la part de certains tribunaux et de certains auteurs qui proposent l’application de la solution légale qui consiste à dire donc que le porteur qui connaissait l’altération doit se fonder sur le texte altéré pour réclamer le paiement. On peut retenir dans ce sens l’exemple suivant : un signataire postérieur a été complice de l’altération ou à tout le moins a rendu possible cette altération du fait de son imprudence. Dans une hypothèse pareille, la jurisprudence considère que cette personne doit être tenue dans les termes du texte altéré.
Cependant l’application des sanctions pénales ou civiles supposent que soit rapportée la preuve de l’altération. Mais en pratique, cette preuve est difficile à faire. Par conséquent, le contentieux sur l’altération est rare.
Il faut préciser que la charge de l’établissement de la preuve de la date de l’altération incombe à celui qui invoque cette altération ; preuve qui peut se faire par tous les moyens.
B- Les mentions obligatoires.
La lettre de change doit comporter nécessairement certaines mentions qui constituent l’essentiel du texte de cette lettre et toutes ces mentions sont prévues par l’article 149 du règlement N° 15/2002. Ce sont :
- La dénomination de la lettre de change ;
- Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée ;
- Le nom du tiré ;
- L’échéance ;
- Le lieu de paiement ;
- Le nom du bénéficiaire ;
- La date et le lieu de création du titre ;
- La signature de la personne qui a créé la lettre de change (le tireur).
1- La dénomination de la lettre de change.
C’est une exigence que la lettre de change indique la mention qui permet de comprendre que l’on est formellement en présence d’une lettre de change. En d’autres termes, la lettre de change doit indiquer la mention suivante : « LETTRE DE CHANGE ». Celle-ci doit obligatoirement figurer sur le titre. Cette expression doit être inscrite dans la langue utilisée pour la rédaction du titre. Mais on admet que l’exigence de la mention : « LETTRE DE CHANGE » sur le titre est satisfaite si l’on utilise aussi l’expression : « veuillez payer contre cette lettre de change »
2- Le mandat pur et simple de payer une somme déterminée.
La mention relative au mandat se traduit sur le titre par l’expression suivante : « veuillez payer » ou encore par cette autre expression : « Je vous prie de payer » ou enfin « PAYEZ ». Toutes ces expressions qui se valent, traduisent l’idée selon laquelle l’essentiel est qu’il doit exister dans l’expression utilisée un ordre de paiement ; lequel doit être un mandat pur et simple en ce sens qu’il ne doit être affecté par aucune condition.
Cependant, dans la pratique, la réalité permet de constater que certaines conditions ont été souvent stipulées valablement sur le titre si seulement elles ne mettent pas en cause le principe des obligations cambiaires qui figurent sur le titre. En pratique, l’exemple le plus courant est celui de la traite documentaire utilisé dans le commerce international. En effet, en ce qui concerne la traite documentaire, c’est l’opération dans laquelle un banquier se porte comme tiré-accepteur d’une traite de sorte que la dette en cause ne sera pas payée si certains documents ne sont pas présentés au banquier.
Certes le mandat de payer doit porter sur une somme déterminée qui doit figurer en lettre et en chiffre sur le titre mais cette exigence interdit en principe la stipulation d’un taux d’intérêt sur le titre. Cependant, lorsqu’il s’agit d’une lettre de change qui est payable à vue ou bien d’une lettre de change stipulée payable à un certain délai de vue, l’article 151 du règlement N°15/2002 dispose que : « les taux d’intérêts doivent être obligatoirement stipulés sur le titre. »
Dans la pratique, il arrive qu’il existe une discordance entre la somme mentionnée en chiffres et la somme mentionnée en lettres. Ce problème trouve solution dans l’article 152 du règlement N° 15/2002. Celle-ci consiste à dire que la mention en lettres reste valable.
3- Le nom du tiré.
La lettre de change doit comporter le nom de celui qui doit payer la somme inscrite sur la lettre de change à l’échéance. Cette exigence a pour finalité de sécuriser le paiement de la lettre de change et elle reste une règle rigoureuse car ni l’indication du domicile du tiré ni sa signature ne peuvent suppléer l’absence de la désignation du nom du tiré.
Une question mérite d’être posée. Elle consiste à se demander qui peut avoir la qualité de tiré ? La réponse de principe admise est que toute personne peut avoir la qualité de tiré ; même le tireur d’une lettre de change peut se désigner lui-même comme tiré. Dans cette hypothèse, on parle de lettre de change tirée sur soi-même. En effet, cette pratique de tirage de lettre de change sur soi-même se rencontre souvent dans des entreprises qui ont des succursales.
4- L’échéance.
La lettre de change doit contenir l’échéance c.à.d. la date a laquelle le porteur de la lettre de change va la présenter au tiré, au paiement. L’échéance peut être fixée de 4 manières :
- La lettre de change peut être stipulée à vue. Dans ce cas, ladite lettre de change sera payée dès l’instant ou elle est présentée au tiré (c’est le même principe qui gouverne le paiement du chèque). Ici donc, le porteur de la lettre de change choisit librement la date a laquelle le titre sera payé.
- La traite peut être stipulée à un certain délai de vue. Dans cette hypothèse, la traite ne sera pas payée dès sa présentation au tiré ; elle sera plutôt payée dans un certain délai à compter de sa présentation au tiré. Ainsi le bénéficiaire d’une telle traite doit nécessairement la présenter une 1ere fois au tiré afin que puisse courir le délai de vue c.à.d. le délai à l’expiration duquel le paiement du titre va intervenir.
- La lettre de change peut être stipulée à un certain délai de date. Dans ce cas, il faut comprendre que le délai qui est mentionné sur le titre commence à courir à compter du jour de l’émission de ladite traite. Le délai généralement fixé est de 60 jours ou 90 jours. En pratique, c’est cette technique qui est le plus souvent utilisée.
- La lettre de change peut être tirée à jour fixe. Dans cette hypothèse, l’on indique sur le titre le jour précis du paiement. Il s’agit de l’échéance qui doit nécessairement figurée sur le titre parce qu’elle exprime d’une part la fonction de crédit assignée a la lettre de change et d’autre part, elle commande la rigueur des engagements qui sont issus du titre. Cette rigueur interdit en principe tout délai de grâce.
5- Le lieu du paiement de la lettre de change.
Il est exigé que la lettre de change comporte le lieu où le paiement sera effectué. Cette exigence répond à un impératif de sécurité en l’occurrence le paiement qui doit être fait au porteur.
6- Le nom du bénéficiaire.
La lettre de change doit indiquer le nom de celui auquel ou à l’ordre duquel le paiement doit être fait. Il s’agit du bénéficiaire encore appelé le porteur. La désignation du nom du bénéficiaire doit se faire de manière précise soit par une clause non à ordre soit par une clause à ordre.
En tout état de cause, toute personne peut être bénéficiaire d’une lettre de change à condition que cette désignation ne prête à aucune équivoque.
7- La date et le lieu de création de la lettre de change.
En imposant que la date de création de la lettre de change figure sur le titre, ceci permet de vérifier si à cette date, le tireur avait la capacité ou le pouvoir de créer le titre. De même, la date de création de la lettre de change permet de calculer les délais de présentation au paiement aussi bien en ce qui concerne les traites stipulées à un certain délai de date ainsi que pour les traites stipulées à vue. En effet, il faut rappeler que par application des dispositions du règlement N° 15/2002, de telles traites doivent être présentées au paiement dans un délai d’un mois à compter de leur émission.
Par ailleurs, le lieu de création de la lettre de change présente également un intérêt dans les relations internationales dans la mesure où il permet de déterminer la loi applicable au titre.
8- La signature du tireur.
Le fait d’exiger la signature du tireur sur le titre traduit l’engagement cambiaire du créateur de ce titre car en apposant sa signature sur le titre, le tireur s’engage à le payer donc en cas de défaillance du tiré, que celui-ci soit un tiré-accepteur ou un tiré non accepteur.
Par conséquent, l’absence de la signature de la lettre de change ne peut pas être suppléé par la mention du nom du tireur ni par la mention de son domicile.
Il est important se savoir que la signature du tireur est considéré comme tel un acte de commerce. De façon générale, la signature du tireur est apposée au recto du titre cependant il est possible qu’elle soit inscrite au verso.
En tout état de cause, la signature du tireur doit être apposée dans un endroit qui interdit toute ambiguïté sur la nature de l’engagement du tireur. A cet effet, l’article 149 du règlement N° 15/2002 affirme que : « la signature du tireur peut être manuscrite ou apposée par tous procédés non manuscrits. »
C- Les sanctions applicables en cas de non-respect des mentions obligatoires.
L’application des sanctions en cas de non respect des mentions obligatoires doit tenir compte de la distinction entre une omission de la mention et l’inexactitude de la mention.
1- Les sanctions en cas d’omission de l’une des mentions obligatoires.
Les sanctions en cas d’omission d’une mention obligatoire sont prévues par l’article 149 du règlement N° 15 qui dispose que « le titre dans lequel une des énonciations ou une des mentions obligatoires fait défaut ne vaut pas comme lettre de change sauf dans les cas déterminés dans les alinéas ci-après. »
L’article 149 pose à n’en pas douter le principe de la nullité du titre incomplète par rapport aux mentions obligatoires imposées. Il s’agit d’une nullité d’ordre public car elle peut être soulevée par tout intéressé et peut être également soulevée d’office par le juge.
Toutefois, si un tel titre est nul du point de vue de la lettre de change il conserve un titre juridique. En effet, il pourra être considéré par exemple comme un billet à ordre si toutes les mentions obligatoires requises pour le billet à ordre figurent sur ce titre incomplet. De même, ce titre pourra valoir aussi comme un simple engagement civil ou commercial ou encore il pourra constituer un mode de preuve de l’engagement de l’un des signataires du titre. Dans toutes ces hypothèses, il va s’en dire que le droit commun s’amputera à l’exclusion du droit cambiaire. La nullité du titre qui ne contient pas l’une des mentions obligatoires est une sanction très rigoureuse qui à certains égards peut être préjudiciable aux intéressés. C’est pour éviter donc ces conséquences fâcheuses que le législateur a cherché à tempérer voire à écarter cette nullité en énonçant des règles de suppléance qui sont les suivantes :
- La 1ère règle consiste à dire que la lettre de change dont l’échéance n’est pas indiquée sur le titre est considérée comme payable à vue.
- La 2nde règle est que à défaut d’indication spéciale, le lieu désigné à coté du nom du tiré est réputé être le lieu du paiement en même temps que le lieu du domicile du tiré.
- La 3e règle veut que la lettre de change qui n’indique pas le lieu de sa création soit considérée comme souscrite dans le lieu désigné à coté du nom du tireur.
A partir des solutions retenues par le législateur, la jurisprudence a cherché aussi à sauver de la nullité certains titres qui ne contiennent pas les cinq (5) autres mentions obligatoires non prévues par les règles de suppléance.
Pour y parvenir, la jurisprudence a été amenée à recourir à la technique de la régularisation qui est souvent utilisée en droit commercial et qui permet de régulariser donc certains actes qui sont nuls à l’origine. Mais il n’y a aucun doute que le régime juridique de la régularisation des lettres de change qui est incomplet demeure également incertain. Il faut remarquer cependant que dans la recherche d’une solution, la jurisprudence, dans son analyse, a été amenée à faire une distinction entre les conditions et les effets de la régularisation d’une lettre de change incomplète.
a- Les conditions de la régularisation d’une lettre de change incomplète.
En ce qui concerne les conditions de la régularisation, il est nécessaire que la mention omise à l’origine ait été inscrite sur le titre. Par ailleurs, l’inscription de la mention omise doit être conforme à un accord préalable entre les intéressés c.à.d. les personnes concernées par la création du titre à savoir la personne qui prend l’initiative d’inscrire la mention qui doit avoir un accord préalable du bénéficiaire ; lequel accord peut être exprès ou tacite (il est tacite parce qu’il peut être déduit des usages bancaires ou du comportement des intéressés.)
La régularisation opérée sur l’aval d’un accord préalable ne doit pas concerner les mentions essentielles du titre. Dès lors surgit le problème relatif à la détermination des mentions essentielles du titre. Sur cette question, il y a une divergence de solution car certains tribunaux considèrent comme essentiels et par conséquent insusceptibles de régularisation la signature du tireur ainsi que le montant du titre. Cette solution n’est cependant pas partagée par tous les tribunaux encore moins par toute la doctrine. En effet, on peut affirmer que la condition relative à la régularisation admet une conception très restrictive sur la base d’une distinction entre les mentions essentielles et les mentions non essentielles ; une telle distinction est difficile à mettre en œuvre et elle provoque aussi des aléas.
b- Les effets de la régularisation d’une lettre de change incomplète.
En ce qui concerne les effets de la régularisation, la jurisprudence fait une distinction entre la situation de l’auteur de la régularisation et celle de toutes les autres personnes qui ont eu la lettre de change après sa régularisation.
Dès lors, s’agissant de l’auteur de la régularisation, la solution retenue est que la lettre de change régularisée est valable dès que celui-ci s’est conformé à l’accord préalable.
Mais à l’égard de ceux qui reçoivent le titre déjà régularisé, la jurisprudence considère que ce titre est valable sans qu’il soit nécessaire de distinguer entre ceux qui avaient connaissance et ceux qui n’avaient pas connaissance de l’omission.
2- les sanctions en cas d’inexactitude des mentions obligatoires.
La notion d’exactitude suppose que la lettre de change contient toutes les mentions énoncées à l’article 149 mais l’une de ces mentions par exemple ne traduit pas la réalité. Ainsi, on affirme qu’il y a inexactitude ou encore il y a supposition de la mention.
Sans aucun doute, la notion d’inexactitude de la mention est différente de la notion d’omission de celle-ci en ce sens que la 1ère notion matérialise un vice caché tandis que le 2nde notion exprime un vice apparent. Par exemple, l’inexactitude peut porter sur la date, le lieu ou le nom. On parlera donc de supposition de nom notamment si le souscripteur signe la lettre de change du nom d’un tiers en imitant sa signature. De même, on va parler de supposition de date ou de lieu si la date ou le lieu est contraire à la réalité.
Les inexactitudes des mentions sont perçues en droit comme une sorte de simulation. C’est pourquoi les sanctions qui s’y appliquent en cas d’inexactitude ou de supposition s’inspire du régime juridique de la simulation combiné avec certaines règles spécifiques du droit de la lettre de change.
D’une façon générale, il faut retenir que la supposition considérée comme simulation n’entraine pas la nullité du titre. Cependant, dans les relations entre les parties concernées, la solution retenue est que c’est la situation réelle qui va s’imposer et cette situation pourra donc être opposée au tiers porteur qui a eu connaissance de l’inexactitude. Au contraire, les tiers porteurs de bonne foi ont une option car ils peuvent se prévaloir des mentions portées sur le titre pour faire triompher ainsi l’apparence ou bien ils peuvent de se prévaloir de la situation réelle pour écarter donc l’effet anormal des mentions existant sur le titre.
Les sanctions ainsi énoncées sont complétées par les dispositions de l’article 153 alinéa 2 du règlement N°15 qui dispose que : « les fausses signatures ou les signatures de personnes imaginaires notamment dans le cas de supposition de nom, n’ont aucune influence sur les obligations des autres signataires. »
Cette solution repose certainement sur le principe de l’indépendance des signatures ; principe permettant de comprendre que dans l’hypothèse où la signature du tireur est nulle, le titre n’est pas pour autant nul.
Paragraphe II : les conditions de fond.
A la lecture de l’article 149 du règlement N°15 qui prévoit les mentions devant figurer sur la lettre de change, il n’apparait aucune condition de fond pour la création du titre. Ce qui permet de dire que la lettre de change est un titre formaliste. Mais ce formalisme cambiaire exprimé dans l’article 149 n’empêche pas d’évoquer la validité de la signature de la personne qui prend l’initiative d’émettre la lettre de change. Cette nécessité s’explique en effet par le fait que la signature d’une lettre de change est un acte de commercec.à.d. un acte juridique qui pose le problème de l’aptitude de son auteur à le faire. En effet le tireur doit avoir la capacité ou le pouvoir de signer la lettre de change. La solution est la même pour toute autre personne signataire du titre ; que celle-ci intervienne comme endosseur-accepteur ou avaliste.
Les conditions de fond relativement à la lettre de change doivent être analysées d’une part par rapport à la capacité du tireur et d’autre part par rapport aux pouvoirs de celui-ci.
A- La capacité du tireur.
La signature par le tireur d’une lettre de change étant un acte de commerce, du point de vue pratique, il peut se poser le problème de la signature d’une lettre de change par un mineur ou le problème de la signature d’une lettre de change par un majeur incapable.
1- La signature d’une lettre de change par le mineur.
L’article 153 interdit formellement la signature d’une lettre de change par le mineur. Le texte dispose que : « Les lettres de change souscrites par les mineurs non négociants sont nulles à leur égard, sauf le droit respectif des parties conformément au droit commun »
L’interdiction énoncée par le texte s’applique aux mineurs non émancipé. Cependant il exclut de son domaine d’application les mineurs commerçants. Ainsi il faut comprendre qu’aucun mineur des catégories visées par le texte ne peut émettre valablement une lettre de change même s’il s’agit d’une opération pour laquelle il est capable sur le terrain du droit commun.
A cet effet, la sanction retenue par l’article 153 doit être considérée comme une nullité relative c.à.d. une nullité de protection du mineur.
A l’analyse, on peut affirmer que l’article 153 doit être invoqué à l’encontre de tout porteur fut il de bonne foi. Cette affirmation peut se justifier par le recours à cette expression utilisée dans le texte : « à leur égard »
Cette affirmation faite, il est important de savoir que la protection accordée au mineur doit être précisée sur certains points :
- La nullité étant retenue, celle-ci est opposable à tout porteur même si celui-ci est de bonne foi.
- Si la signature de la lettre de change par le mineur lui procure un enrichissement sans cause, il doit le restituer.
- Sur le fondement de l’article 32 de la loi ivoirienne de 1970 relative la minorité, si le mineur se rend coupable d’un dol à l’occasion de la signature de la lettre de change, il doit réparer le préjudice causé par son fait au porteur de bonne foi.
Il est aussi possible pour le porteur de bonne foi d’engager la responsabilité extra-cambiaire du mineur.
2- la signature d’une lettre de change par le majeur incapable.
Il y a certainement un silence du règlement N° 15 relativement à la signature d’une lettre de change par le majeur incapable. Cependant par analogie, avec la situation du mineur, les solutions suivantes ont été retenues :
- Le majeur sous tutelle ne peut pas signer une lettre de change.
- Le majeur sous curatelle ne peut le faire qu’avec l’assistance de son curateur.
Ces deux (2) règles relatives aux majeurs sous tutelle et aux majeurs sous curatelle sont sanctionnées par la nullité. Il s’agit également d’une nullité relative c.à.d. une nullité de protection.
B- le pouvoir du signataire.
La question relative au pouvoir du signataire se pose lorsque celui qui signe effectivement la traite n’agit pas pour lui-même mais pour le compte d’autrui. Il existe en effet deux (2) procédés de signature pour le compte d’autrui et que l’on retrouve dans la pratique lors de l’émission d’une lettre de change. Il s’agit du tirage par mandataire d’une part et du tirage pour compte d’autre part.
1- Le tirage par mandataire.
Le tirage par mandataire est un procédé qu’utilise généralement un commerçant à l’occasion de son activité en désignant un mandataire parmi ses employés pour émettre et signer les lettres de change en son nom et pour son compte. L’employé ainsi désigné va apposer sa signature sur les traites en faisant précéder celle-ci d’une mention qui précise qu’il agit par procuration ; par conséquent, les règles applicables à cette signature sont celles du mandat du code civil. Ceci explique que l’employé mandataire qui a signé une lettre de change n’est tenu d’aucune obligation car c’est plutôt le commerçant-mandant qui sera obligé par cette signature. Dès lors, c’est ce commerçant qui sera tenu du point de vue du droit cambiaire. Cependant, sur cette question, l’article 153 donne une précision qui est la suivante : « le mandataire qui a excédé ses pouvoirs ou le prétendu mandataire qui se prévaut de la qualité de mandataire est lui-même engagé en vertu de la lettre de change alors que le mandant demeure non tenu par la signature de ce mandataire.»
Cette solution tirée de l’article 153 est cependant tempérée sur deux (2) points :
- On estime d’une part qu’il est possible en cas de décès ou d’absence de pouvoir que le mandant soit engagé s’il connaissait ou bien s’il a ratifié les agissements du mandataire.
- On estime également que l’engagement cambiaire d’un mandataire qui a excédé ses pouvoirs doit être limité uniquement au montant du dépassement de sorte que le mandant reste tenu dans les limites des pouvoirs qu’il a donné au mandataire.
Les dispositions relatives au tirage par mandataire s’appliquent aussi dans la situation dans laquelle les lettres de change sont émises ou signées par les employés d’une personne morale. Mais en ce qui concerne les dirigeants de la personne morale, des précisions méritent d’être mentionnées. En effet, lorsque les dirigeants de la personne morale ont par exemple des pouvoirs légaux à l’égard des 1/3, du fait que ces pouvoirs ne peuvent pas être repris par des clauses statutaires, la personne morale reste tenue sur la base du droit cambiaire même si le dirigeant, en signant la lettre de change, a dépassé ses pouvoirs.
La solution est la même lorsqu’il s’agit de dirigeants d’une S.A.R.L. ou de dirigeants d’une S.A. car les dispositions de l’acte uniforme relatif au droit des sociétés dispose que : « les clauses statutaires limitatives des pouvoirs de dirigeants de S.A. et de S.A.R.L. sont inopposables aux tiers. »
Mais si les dirigeants de la personne morale n’ont pas de pouvoirs légaux à l’égard des 1/3, dans ce cas il reste à appliquer les règles du droit commun du mandat ainsi que les règles prévues à l’article 153 alinéa 3 du règlement N° 15.
2- Le tirage pour compte.
Le tirage pour compte se distingue du tirage par mandataire en ce sens que dans le tirage par mandataire, le mandataire indique qu’il n’est pas le véritable créateur du titre alors que dans le tirage pour compte, le tireur pour compte se présente comme le véritable créateur de la lettre de change qu’il signe en indiquant son nom. En effet, il ne doit pas apposer le nom de la personne qu’il représente en réalité.
Dans l’opération de tirage pour compte, la personne représentée par le tiers signataire du titre s’appelle le donneur d’ordre alors que celui qui signe le titre à partir de l’ordre qui lui est donné s’appelle le tireur pour compte.
L’opération de tirage de compte est prévue à l’article 153 alinéa 3. Le régime juridique qui lui est applicable tient compte des différents rapports qui se créent à l’occasion de l’émission de la lettre de change et de la circulation de celle-ci.
Ainsi dans les rapports du tireur pour compte et du bénéficiaire de la lettre de change ou des autres endosseurs, le tireur pour compte est considéré comme un tireur ordinaire. En conséquence, il est tenu envers tous les endosseurs et envers le dernier porteur du titre. Ceci signifie que le bénéficiaire ou les endosseurs du titre ne disposent pas d’action cambiaire contre le donneur d’ordre.
En ce qui concerne les rapports du donneur d’ordre et du tiré, les règles du mandat s’appliquent. Ainsi, le tiré qui a payé une lettre de change tirée pour compte alors même qu’il n’a pas reçu la provision peut se retourner contre le donneur d’ordre.
Dans les rapports entre le donneur d’ordre et le tireur pour compte s’appliquent aussi les règles du mandat. Ceci implique que le tireur pour compte répond des fautes commises dans l’exercice de son mandat. Par conséquent, il pourra se servir des termes de ce mandat pour refuser de payer le donneur d’ordre si toutefois les termes lui permettent de dégager sa responsabilité. Mais en tout état de cause, le tireur pour compte doit rendre compte au donneur d’ordre de la mission qui lui a été assignée.
Quant aux rapports du tireur pour compte et du tiré, l’article 155 alinéa 1er du règlement N°15, il précise que : « l’obligation du tireur pour compte n’existe qu’envers les endosseurs et le porteur »
En conséquence, le tiré qui paye une lettre de change tirée pour compte sans avoir reçu provision ne peut pas se retourner contre le tireur pour compte car il ne dispose que d’un recours contre le donneur d’ordre.
Section II : les obligations consécutives à la création de la lettre de change.
Les obligations consécutives à la création de la lettre de change concernent à titre principal le tireur car c’est lui qui par sa signature, prend l’engagement de mettre en circulation une lettre de change et de la payer finalement si le tiré est défaillant. Ainsi deux (02) obligations incombent au tireur. Il s’agit de l’obligation de garantir le paiement de la lettre de change d’une part et d’autre part d’assumer l’obligation de fournir la provision.
Paragraphe I : l’obligation du tireur de garantir le paiement de la lettre de change.
L’article 154 du règlement N°15 dispose que : « le tireur est garant de l’acceptation et du paiement, il peut cependant d’exonérer de la garantie de l’acceptation. »
Il ressort clairement de ce texte que toute clause par laquelle le tireur s’exonère de la garantie de paiement est réputée non écrite. De même, il faut comprendre qu’en cas de défaillance du débiteur, le tireur doit payer à sa place. C’est la garantie de paiement qui est considérée comme une garantie d’ordre public en ce sens que le tireur ne peut pas par une mention apposée sur le titre, se dégager de cette obligation légale de garantie.
Le tireur est non seulement garant du paiement de la lettre de change ; il est également garant de son acceptation, ceci signifie qu’il sera engagé si le tiré dont le nom figure sur le titre refuse de le signer ce qui signifie qu’il n’accepte pas de s’engager sur le terrain du droit cambiaire. Mais cette garantie de l’acceptation n’est pas une garantie d’ordre public en conséquence le tireur peut par une mention s’exonérer de cette garantie légale.
Paragraphe II : l’obligation légale de fournir la provision.
Par application de l’article 155 alinéa 1er, la provision doit être faite par le tireur ou par celui pour le compte duquel la lettre de change sera tirée. Cette disposition met donc à la charge du tireur ordinaire ou du donneur d’ordre, dans le cadre d’un tirage pour compte, l’obligation de fournir la provision. Mais au-delà de cette obligation imposée au tireur, la notion de provision conduit à deux (02) interrogations essentielles : celle relative à la constitution de la provision puis l’autre relative à sa preuve.
A la notion de provision, on inclut aussi la question des effets de complaisance c.à.d. les lettres de change émises et signées par certaines personnes qui en réalité n’ont pas l’intention de s’engager sur le terrain du droit cambiaire mais qui ont plutôt l’intention de profiter du mécanisme de la lettre de change pour obtenir des avantages indus.
A- La constitution de la provision.
Certes, la constitution de la provision doit être faite par le tireur mais il est important de préciser cette notion. De ce point de vue, il faut recourir à l’article 155 alinéa 2 « il y a provision si à l’échéance de la lettre de change, celui sur qui elle est fournie est redevable au tireur ou à celui pour le compte de qui elle est tirée, d’une somme au moins égale au montant de la lettre de change… »
De ce texte, découlent les caractères de la provision à savoir :
- Une créance de somme d’argent : ainsi toute expression du genre : provisions en marchandises, provisions en effet de commerce, provision en effet de crédit sont juridiquement inexactes. L’intérêt de la mention de telles expressions réside uniquement dans l’idée de préciser la cause ou l’origine de la provision or l’origine de provision n’a pas d’importance. En ce qui concerne le statut juridique de la provision, dès lors, ce qui compte, c’est la provision elle-même c.à.d. la créance de somme d’argent qu’a le tireur sur le tiré.
- Une créance éventuelle de l’émission de la lettre de change : ce caractère résulte de la définition même de la provision car l’article 155 alinéa 2 détermine l’existence, la provision, non pas le jour de l’émission du titre mais plutôt à l’échéance.
Du point de vue du droit cambiaire, cela signifie donc que la provision n’est pas obligatoire le jour de l’émission du titre mais elle l’est le jour de l’échéance.
Par ailleurs, il faut entendre aussi que si la créance doit exister au jour de l’échéance, elle doit être disponible. En d’autres termes, elle ne doit pas avoir été immobilisée au profit d’un tiers par exemple, par la saisie.
- Elle doit être égale au moins au montant de la lettre de change : aussi, considère t on qu’il n’y a pas de provision si la créance du tireur contre le tiré est inférieure à la somme indiquée sur le titre. Cependant, la jurisprudence ne tire pas les conséquences logiques de ces solutions car si elle permet au tiré qui a reçu l provision partielle de payer la lettre de change, elle accorde par contre au porteur du titre un droit sur la provision partielle. En ce sens, elle estime que cette provision partielle constitue une garantie pour le porteur.
Partant de cette solution jurisprudentielle, une autre question surgit. Celle qui interroge sur la constitution de la provision précisément la propriété de la provision.
Ici, il faut recourir à l’article 155 alinéa 3 qui dit que la propriété de la provision est transmise de droit aux porteurs successifs de la lettre de change.
L’expression « propriété de la provision » conduit a quelques critiques car il est curieux de parler de la propriété d’une créance en ce que le terme « propriété de la provision » entraine une certaine confusion entre le droit réel et le droit personnel. En outre, il apparait qu’il ne s’agit pas en réalité d’un transfert ou d’une transmission comme cela existe en droit. Une autre critique consiste à dire que l’on ne peut pas parler de transfert de propriété d’une chose qui peut ne pas exister à l’échéance.
Mais au delà de ces critiques, il faut simplement retenir que l’article 155 alinéa 3 établit un principe selon lequel le porteur d’une lettre de change acquiert un droit exclusif sur la créance. Ce droit appartiendra au tireur contre le tiré à l’échéance de la lettre de change. Ce raisonnement admis, certaines règles ont pu être dégagées :
- Le droit au porteur sur la provision constitue une garantie pour celui-ci. Cependant le porteur peut y renoncer puisqu’elle est d’ordre public.
- Le droit du porteur sur la provision ne pose certainement pas de problème en principe mais il en est autrement lorsqu’il s’agit de l’étendue de ce droit qui est accordé au 1er bénéficiaire de la lettre de change ainsi qu’a tous les endosseurs et au porteur actuel.
- Ainsi pour fixer l’étendue du droit du porteur sur la provision, il est nécessaire de faire la distinction entre la traite acceptée et celle non acceptée.
1- La traite acceptée
C’est celle qui est signée par le tireur. Ceci implique que le porteur a un droit exclusif et irrévocable sur la provision que celle-ci existe réellement ou qu’elle soit éventuelle. En d’autres termes, lorsque la traite est acceptée, cela signifie que la provision est définitivement sortie du patrimoine du tireur pour entrer dans celui du porteur. En conséquence, le tireur ne peut plus disposer de cette provision.
Cette solution se traduit dans la pratique par le fait qu’après acceptation de la lettre de change par le tiré, le tireur ne peut plus exiger du tiré le paiement de sa dette ou encore opposer au tiré une compensation avec une dette qu’avait le tiré sur sa personne.
De même, il faut retenir que le syndic du tireur qui est soumis à une procédure collective d’apurement du passif ne peut en revendiquer la provision auprès du tiré.
2- La lettre de change non acceptée.
Lorsque la lettre de change n’est pas acceptée, l’étendue du droit du porteur sur la provision est incertaine. A cet effet, on distingue deux cas :
- Il concerne la lettre de change non-acceptée qui arrive à l’échéance. Dans ce cas, le porteur a un droit exclusif et irrévocable sur la provision mais à une condition essentielle : c’est que la provision existe. Dès lors, le paiement qui serait effectué par le tiré à toute personne autre que le porteur est considéré comme un mauvais paiement qui n’est pas libératoire.
- Il concerne la lettre de change non-acceptée qui n’est pas arrivée à l’échéance. Si tel est le cas, il faut retenir qu’avant l’échéance, les droits du porteur sont relativement incertains parce qu’ils portent sur une créance éventuelle. De deux choses, l’une. Soit cette créance n’existe pas soit qu’elle existe mais elle risque de disparaitre avant l’échéance notamment dans une hypothèse de contrat de vente.
A partir de ces deux cas de lettre de change non-acceptée, le droit positif a dégagé deux séries de solutions quant à la propriété de la provision.
· Il faut retenir que jusqu’à l’échéance, le tireur a le droit de réclamer au tiré le paiement de sa créance. De même, le tiré peut opposer au porteur, la compensation entre la créance de provision et une créance qu’il possède contre le tireur. Dans ces deux exemples, il ressort que le droit du porteur sur la provision et un droit illusoire révocable à tout moment.
· La 2e solution consiste à admettre que les créanciers du tireur ne peuvent pas pratiquer une saisie de la provision entre les mains du tiré. En outre, il faut retenir qu’avant l’échéance, le porteur peut consolider son droit sur la provision soit en pratiquant une saisie entre les mains du tiré lorsque la provision existe ; soit en adressant au tiré une défense de payer toute autre personne. Il s’agit là de solution d’ordre jurisprudentiel qui montre que le droit du porteur devient effectif et efficace mais cela suppose de sa part une diligence préalable.
B- La preuve de la provision.
Le régime juridique de la preuve de la provision diffère selon la nature de la lettre de change. En effet, s’il s’agit d’une lettre de change non-acceptée, ce sont les règles de droit commun en matière de preuve qui vont s’appliquer. Ceci signifie que la charge de la preuve incombe donc à celui qui invoque l’existence ou la non existence de la provision en application de l’article 1315 du code civil.
Sur ce fondement, les personnes devant faire la preuve de la provision dispose de tous les modes de preuve admis en droit commun en respectant toutefois la distinction faite entre la preuve en matière civile et la preuve en matière commerciale.
Lorsque la lettre de change est acceptée selon l’article 155 alinéa 4, l’acceptation suppose que la provision est établie et que la preuve est faite à l’égard des endosseurs interprétant cette règle, la jurisprudence considère qu’il s’agit d’une présomption dont la portée est variable car dans les rapports entre le tireur et le tiré, les tribunaux décident que cette présomption est simple. Elle peut donc tomber par la preuve contraire. Ceci signifie que le tiré peut prouver qu’il n’a pas reçu provision c.à.d. qu’il n’est pas débiteur du tireur.
Au contraire, dans les rapports entre endosseurs ou ceux entre le porteur de la lettre de change avec le tiré, l’interprétation de l’article 155 alinéa 4 par les tribunaux conduit à décider qu’il s’agit d’une présomption irréfragable en ce sens que la présomption simple ne peut pas tomber par une preuve contraire. Cependant, il faut retenir que cette position a fait l’objet de critique par certains tribunaux et certains auteurs qui rejettent le caractère de la présomption irréfragable de la provision parce que soutiennent ils, le porteur qui agit contre le tiré-accepteur d’une lettre de change dispose en réalité de deux types d’action, l’une fondée sur le droit cambiaire et l’autre sur le droit commun.
En effet, le porteur peut agir strictement sur le terrain du droit cambiaire en s’appuyant sur le fait que le tiré a signé la lettre de change ; ce qui implique qu’il est tenu aussi par sa signature qui met une obligation cambiaire à sa charge. Le porteur peut également agir en tenant compte d’un droit direct contre le tiré-accepteur car ce droit direct n’a aucun rapport avec la provision.
Cette réflexion permet de dire que l’article 155 alinéa 4 qui établit la présomption de preuve n’est donc d’aucune utilité.
Aussi faut il comprendre que le porteur, lorsqu’il agit contre le tiré sur la base de l’action née de la provision qui a été transmise, il agit ainsi comme le cessionnaire des bras du tireur et des autres endosseurs ; dans ce cas, la prévention de l’article 155 alinéa 4 doit être conservée et il ne s’agit plus de la présomption irréfragable mais plutôt d’une présomption simple. Ce qui explique que le porteur ne peut pas avoir plus de droit que le tiré ou les endosseurs.
C- Les endosseurs des effets de complaisance.
Dans la pratique on rencontre des effets de complaisance mis en circulation. Ce sont des effets créés et signés par des partenaires en affaire qui veulent se faire octroyer du crédit alors même qu’ils n’entendent pas honorer leur signature c.à.d. qu’ils n’entendent pas payer la lettre de change.
Dans la doctrine, certains auteurs considèrent que l’effet de complaisance est un effet destiné à tromper les tiers sur les relations qui existent entre les signataires et qui dans l’esprit de ceux-ci ne doivent pas contraindre le complaisant (le tiré-accepteur) à payer effectivement la somme indiquée sur le titre.
C’est de ce point de vue d’une conception stricte de l’effet de complaisance qui peut être défini autrement. Ainsi dans une conception large, on peut considérer que l’effet de complaisance est un effet qui n’est pas destiné à régler le prix d’une vente vu d’une prestation de service mais plutôt un effet par lequel une personne une personne a apposé sa signature sur une traite en vue de procurer un crédit à une autre personne
Par rapport à cette conception large donc on peut on peut considérer comme effet de complaisance : les effets de complaisance, les effets de renouvellement ou ouverture de crédit ou les effets destinés à tromper les tiers mais il faut reconnaitre que cette conception large créé une confusion en ce sens qu’elle créé une distinction entre les bons et mauvais effets de complaisance. C’est une distinction, qui, à l’analyse, est artificielle dans la mesure où les prétendus bons effets de complaisance ne sont que des effets dans lesquels les signataires entendent honorer leur signature s’ils sont appelés à titre subsidiaire ou à titre principal au recouvrement du crédit octroyé. En définitive, la doctrine majoritaire rejette la conception large des effets de complaisance pour ne retenir que la conception stricte.
Ainsi, l’effet de complaisance reste une traite qui a pour objectif de tromper les 1/3. En pratique, les effets de complaisance sont courants et se présentent selon le schéma suivant : un tiré complaisant accepte qu’une traite soit tirée sur lui afin que le tireur obtienne un crédit par l’escompte de ladite traite. Si le tiré accepte cette proposition, c’est parce que le tireur lui promet que la lettre de change ne lui sera jamais présentée à l’échéance pour paiement par le banquier escompteur. Cependant, le tiré qui accepte la lettre de complaisance va apposer sa signature sur le titre afin de lui donner une meilleur crédibilité.
Dans la pratique, le mécanisme du tirage par complaisance peut prendre parfois des formes complexes. C’est le cas par exemple lorsque deux personnes jouent le même rôle de tiré et de tireur dans plusieurs lettres de change afin de se faire octroyer du crédit. Il s’agit dans ces hypothèses, de tirage de complaisance croisée. Cette pratique à court souvent entre les commerçants qui sont en difficulté financière. Ainsi ils recourent pour prolonger artificiellement l’existence de leur entreprise.
Par rapport à cette pratique, le droit positif a été invité à se prononcer sur la validité ainsi que sur les conséquences des traites de complaisance. Suivant une position, il faut retenir que du moment que la régularité formelle du titre est assurée, l’effet de complaisance doit être considéré comme une traite valable. Cette position privilégie le formalisme cambiaire tel qu’il est décrit à l’article 149. Mais selon une position contraire, l’effet de complaisance est un titre nul parce que les obligations qui y figurent sont sans cause ou bien ont une cause illicite. Cette tendance privilégie donc les rapports fondamentaux qui ont préexistés à l’émission du titre.
Eu égard au formalisme cambiaire qui confère un caractère abstrait à la lettre de change, il faut admettre que l’effet de complaisance doit être considéré comme un titre valable du moment ou toutes les mentions existent.
Cette solution de principe mérite toutefois d’être précisée notamment concernant les droits et obligations des personnes impliquées dans la création et la circulation de la lettre de complaisance.
A cet effet, on considère que le tiers porteur de bonne foi d’une traite de complaisance a le droit de considérer que tous les signataires sont tenus d’une obligation à son égard.
Le porteur de bonne foi est celui qui a ignoré la convention de complaisance et la nature de l’effet par conséquent, il pourra se faire payer par le tiré-accepteur de cette traite de complaisance ou par les autres endosseurs. Mais le tiré complaisant n’est pas obligé à l’égard du tireur ou à l’égard du porteur de mauvaise foi. Cependant, il est reconnu au tiré-accepteur complaisant qui a payé la traite, une action en remboursement contre le tireur par exemple contre le tireur qui n’est pas encore soumis à une procédure collective d’apurement du passif.
Outre ces solutions tirées du droit civil, le tirage par complaisance peut conduire à des sanctions pénales car les actes relatifs à l’établissement des traites par complaisance sont constitutifs d’une infraction.
Chapitre II : LES EVENEMENTS AFFECTANT LA CREATION DE LA LETTRE DE CHANGE
Quatre types d’évènements peuvent affecter la création de la lettre de change. Il s’agit :
- Des mentions facultatives
- De la transmission de la lettre de change
- De l’acceptation de la lettre de change par le tiré
- De l’aval (cautionnement) ou garantie portée sur la lettre de change.
Section I : les mentions facultatives.
Les mentions facultatives sont nombreuses et leur inscription sur la lettre de change n’est pas interdite dès lors qu’elle ne porte pas atteinte à la nature et à la valeur cambiaire du titre. Les dispositions du règlement N° 15/2002 évoquent de manière ces mentions que l’on peut regrouper en cinq (05) catégories. Ces mentions peuvent exister dès la création du titre ou bien au titre de sa circulation.
Paragraphe I : les mentions relatives au paiement par le tiré.
Il existe plusieurs mentions facultatives relatives au paiement par le tiré mais les plus fréquentes sont :
- La clause de domiciliation : cette clause est portée sur le titre par le tireur ou par le tiré. Au moyen de cette clause, la lettre de change est stipulée payable non pas au domicile du tiré mais au domicile d’un tiers. Dans la pratique, le tiers est généralement une banque que l’on appelle domiciliataire. Celui-ci intervient comme un mandataire chargé d’effectuer le paiement au nom et pour le compte du tiré. Aussi applique t on à cette opération, les lettres du droit commun du mandat.
- La clause sans protêt : encore appelée clause de retour sans frais. C’est un acte extrajudiciaire qui est dressé par un huissier ou un notaire. Cet acte constate de façon officielle le défaut de paiement. Aussi cet acte est il préalable aux recours cambiaires prévus par les dispositions du règlement N° 15. Cette clause a pour but de dispenser le porteur d’une lettre de change de faire dresser un protêt lorsque celui-ci n’a pas reçu paiement du titre à l’échéance. Mais il convient de distinguer ici la clause de retour sans frais de la clause de dispense du protêt car la 1ère dispense de l’établissement d’un protêt tandis que la 2nde non seulement elle dispense de l’établissement d’un protêt (c.à.d. interdit de dresser un protêt) mais elle lui accorde la faculté de ne pas respecter cette dispense.
- La clause d’acceptation : c’est une mention qui va obliger le porteur à présenter la lettre de change à l’acceptation. Cette clause présente un intérêt car elle permet d’interroger le tiré avant l’échéance pour savoir s’il reconnait comme débiteur du tireur.
- La clause de défense d’acceptation : celle-ci est le contraire de la clause d’acceptation. En pratique, elle est généralement inscrite contre le tireur qui n’a pas encore fait provision ou qui n’est pas sur que le tiré va payer la traite
Paragraphe II : les mentions établissant un lien apparent entre l’obligation cambiaire du souscripteur et la cause de cette obligation.
On peut évoquer ici deux (02) clauses essentielles qui sont les suivantes :
- La clause indiquant la valeur fournie : cette clause renseigne sur la connaissance des rapports entre le porteur et le tireur et elle renseigne également les porteurs successibles du titre sur la cause de sa création. En outre, cette clause traduit la volonté du tireur de s’engager sur le terrain cambiaire dans les mêmes termes et conditions que ceux qui seront appliqués pour son obligation de droit commun.
- La clause relative à la provision : cette clause va indiquer simplement l’origine de la provision.
Paragraphe III : les clauses ou les mentions visant à élargir le cercle des débiteurs cambiaires.
Parmi ces clauses, on peut citer : la mention de l’aval, la mention de recommandation qui est une mention par laquelle le tireur ou un endosseur ou un avaliste a désigné un tiers qui sera chargé d’accepter ou de payer la traite à la place du tiré en cas de refus de celui-ci.
Paragraphe IV : les conditions aménageant les conditions de création de la lettre de change.
Parmi ces mentions, on peut retenir :
- La clause non à ordre : c’est une clause qui n’exprime pas un mandat de payer à l’ordre d’un tiers mais plutôt un mandat de payer à une personne nommée. Ceci permet de dire que la lettre de change est nominative. Ainsi, elle ne peut être cédée que dans les formes de cession de créance de droit commun.
- La mention de l’endossement : elle ne peut être inscrite que sur les lettres de change qui expriment un mandat de payer à l’ordre d’un tiers. Au contraire, les lettres de change nominatives ne peuvent rapporter la mention de l’endossement.
- La clause sans garantie : encore appelée clause de non garantie. Cette clause permet au tireur ou à un endosseur de s’exonérer des garanties qui lui incombent. Le tireur peut notamment s’exonérer de la garantie d’acceptation mais en aucun cas il va s’exonérer de la garantie de paiement.
- La clause défendant un nouvel endossement : c’est une clause qui interdit d’endosser la lettre de change à une tierce personne. En conséquence, le porteur sera celui qui devra obtenir le paiement du montant de la lettre de change auprès du tiré.
Paragraphe V : les mentions dites directes.
Sont considérées comme mentions directes, les mentions relatives à la quantité de lettre de change établie ou bien les mentions relatives à la copie de la lettre de change. De même les mentions relatives au tirage pour compte ainsi que les mentions relatives à la stipulation d’un taux d’intérêt.
Section II : la transmission de la lettre de change.
La lettre de change est en principe un titre à ordre c.à.d. un titre en vertu duquel le créancier (le tireur ou le porteur) conserve le droit de se substituer à un autre bénéficiaire sans le consentement du débiteur (le tiré) et sans novation de l’obligation.
C’est sur la lettre de change qu’est portée la clause à ordre ; ainsi la transmission de la lettre de change ne dépend pas des formalités de l’article 1690 du code civil car la transmission se fait uniquement par la voie d’un endossement qui se présente comme la remise du titre avec une mention inscrite au dos de celui-ci à un autre bénéficiaire.
Dans l’opération d’endossement, celui qui endosse la lettre de change est appelée endosseur tandis que celui qui la reçoit est appelé l’endossataire (c’est le nouveau bénéficiaire). En la matière, on distingue deux (2) types d’endossement : l’endossement translatif et l’endossement non translatif. Cependant, à titre de remarque, il est possible que la lettre de change soit exceptionnellement transmise par la voie de la cession de créance (institution de droit civil) lorsque figure sur le titre une clause de non à ordre.
Paragraphe I : l’endossement translatif.
Par l’endossement translatif, la propriété du titre va être transférée à l’endossataire qui va acquérir donc tous les droits attachés au titre. Au plan juridique, l’endossement translatif est soumis à des conditions puis il produit des effets juridiques lorsque ces conditions sont respectées.
A- Les conditions de l’endossement translatif.
Pour sa validité, l’endossement doit respecter les conditions de forme et les conditions de fond.
1- Les conditions de forme.
En ce qui concerne l’endossement translatif, on retient trois (03) modalités de conditions de forme ainsi que des conditions relatives à la date de l’endossement.
S’agissant des modalités de conditions de forme, il faut retenir que :
- L’endossement peut être fait au profit d’une personne déterminée. C’est du reste la modalité la plus courante : elle se fait par l’inscription sur la lettre de change de l’une des mentions suivantes : « Payez à l’ordre de » ou bien « transmis à l’ordre de » … avec la signature de l’endosseur.
- L’endossement peut être fait en blanc. C’est le procédé par lequel l’endosseur appose sa signature que la lettre de change sans indiquer le nom du bénéficiaire mais accompagné de la formule de la transmission. Le recours a ces modalités de transmission permet de circuler par tradition (c.à.d. remise de la main à la main)
- L’endossement peut être fait au porteur. Dans cette hypothèse, la formule de l’endossement doit indiquer que la lettre de change est transmise à l’ordre du porteur.
En tout état de cause, dans l’opération d’endossement, le mot « endossement » doit être porté au dos de la lettre de change (le verso). Cependant, il est possible que des formules d’endossement se retrouvent au recto du titre.
Outre la mention de la formule d’endossement, l’article 156 in fine du règlement N° 15 exige que la signature de l’endossement soit portée au dos du titre lorsque l’endossement consiste dans une simple signature sans autre indication. Mais lorsqu’il s’agit d’un endossement à une personne déterminée ou bien lorsqu’il s’agit d’un endossement à un seul porteur, celui-ci peut être fait au recto comme au verso du titre.
Il reste donc à envisager comme conditions de forme, les conditions relatives à la date de l’endossement.
A cet effet, il faut savoir que la date de l’endossement n’est pas obligatoire puisqu’un endossement non daté n’est pas considéré comme nul. A cet égard, l’article 179 précise que si l’endossement est sans date, il est présumé avoir été fait avant l’expiration du délai pour dresser protêt. C’est une présomption simple mais il y a un intérêt à inscrire la date de l’endossement pour deux (02) raisons :
- la date d’endossement permet d’apprécier la capacité ou le pouvoir de l’endosseur. Elle nous permet également d’apprécier la validité de la signature apposée sur le titre.
- L’article 162 du règlement N°15 mérite d’être évoqué en ce sens qu’il n’accorde pas le même intérêt à l’endossement fait avant ou après l’établissement du protêt. En effet, un endossement fait après l’établissement du protêt ou bien après l’expiration du délai pour dresser le protêt ne produit que des effets d’une cession de créance et n’a donc pas d’effet cambiaire.
La date de l’endossement doit être exacte. Ainsi, l’éventualité de mentionner une date est considérée comme un faux en écriture civile lorsqu’il s’agit d’un endossement ante-daté.
2- Les conditions de fond de l’endossement translatif.
Plusieurs conditions de fond sont nécessaires pour valider l’endossement translatif. A cet effet, il faut retenir que l’endossement n’est possible que lorsqu’il s’agit d’une lettre de change à ordre (pour la lettre de change non à ordre, pas d’endossement).
En outre, l’endosseur doit avoir la capacité et le pouvoir de s’engager sur le terrain cambiaire. Ceci signifie que l’endosseur devra respecter toutes les règles requises relativement à la condition juridique imposée aux signataires d’une lettre de change.
On retient aussi l’endossement doit être pur et simple en ce sens qu’il ne doit pas être affecté d’une condition car toute condition à laquelle l’endossement serait subordonné serait réputée non écrite.
Par ailleurs, l’endossement doit être total c.à.d. qu’il doit être donné pour l’intégralité de la lettre de change. A cet effet, l’article 156 alinéa 5 précise que l’endossement partiel est nul. L’article 156 alinéa 5 qui prévoit ces sanctions n’a cependant pas défini la notion d’endossement partiel. Ainsi il est revenu à la jurisprudence de déterminer cette notion. Pour elle, l’endossement partiel est un endossement dans lequel l’endosseur exprime sur le titre qu’il ne transmet qu’une partie de la créance. Aussi la jurisprudence considère t elle qu’il n’y a pas d’endossement partiel lorsque l’endossement précise que l’endosseur conteste la valeur fournie c.à.d. la créance extra-cambiaire.
Enfin, l’endossement doit reposer sur une cause licite. C’est pourquoi la jurisprudence considère comme nul un endossement reposant sur une erreur de l’endosseur parce qu’un tel endossement manque de cause. Cependant, une nullité de l’endossement fondée sur une absence de cause ou sur une cause illicite n’est pas opposable au tiers de bonne foi.
B- Les effets de l’endossement translatif.
Ils doivent être analysés suivant deux (02) axes : d’abord par rapport à l’endosseur ensuite par rapport à l’endossataire.
1- Les effets de l’endossement par rapport à l’endosseur.
Aux termes de l’article 158 : « l’endosseur est sauf clause contraire, garant de l’acceptation et du paiement de la lettre de change » cette garantie est non seulement destinée à l’endossataire mais également aux autres porteurs ultérieurs de la traite.
Cette obligation à la charge de l’endosseur nécessite une analyse car lorsqu’on se réfère à la cession de créance, on sait que le cédant est seulement garant de l’existence de la créance mais il n’est pas garant de la solvabilité du débiteur cédé.
Or dans la technique de l’endossement, l’endosseur garantit non seulement l’existence de la créance mais il garantit également la solvabilité du débiteur en ce sens qu’il est tenu de payer en cas de défaillance de l’endossataire d’où la différence entre l’endossement et la cession de créance.
Cependant, il faut faire observer que l’obligation de garantie à la charge de l’endosseur est moins rigoureuse que celle qui est à la charge du tireur. En effet, l’article 158 admet que l’endosseur peut s’exonérer de la garantie d’acceptation et de paiement. A cet effet, il lui suffit d’inscrire sur le titre une clause à forfait.
La clause la plus pratiquée est celle dans laquelle l’endosseur interdit à son endossataire un nouvel endossement. Une telle clause vise à restreindre la garantie de l’endossement au seul endossataire immédiat. Par conséquent, si l’endossataire n’obéit pas à cette interdiction, l’endossement n’est pas pour autant nul ; seulement ce nouvel endossataire ne pourra agir en garantie contre celui qui a stipulé une telle clause. Mais en application de l’article 190, l’obligation de garantie pèse sur l’endosseur à l’égard de tous les porteurs successifs du titre. Ainsi cette garantie légale traduit l’étendue de la solidarité cambiaire.
2- Les effets de l’endossement translatif par rapport à l’endossataire.
Par le biais de l’endossement, l’endossataire devient un nouveau porteur ou un bénéficiaire du titre. En cette qualité, il va disposer de tous les droits résultant de la lettre de change et bénéficier aussi d’une règle essentielle à savoir l’inopposabilité des exceptions.
· Le bénéfice de tous les droits résultant de la lettre de change.
Le bénéfice des droits résultant de la lettre de change est une lettre tirée de l'article 157 alinéa 1 qui dispose que « l'endossement transmet tous les droits résultant de la lettre de change »
Ce principe une fois posé renvoi à la question de savoir quelle est l'étendue des droits transférés ? Ainsi qu'à cette autre question : a quel moment les droits résultent de la lettre de change ?
D'abord, en ce qui concerne le moment du transfert des droits, la solution retenue est que la transmission des droits se fait en principe au moment de la remise au nouveau porteur du titre endossé à son profit. En ce qui concerne l'étendue et le contenu des droits transférés, plusieurs propositions ont été retenues à savoir :
- l'endossataire acquiert la propriété de la provision ainsi que les droits cambiaires essentielles (droits résultant du titre c.à.d. tous les droits que l'ensemble des signataires de la lettre de change ont)
Ceci signifie que l'endossataire acquiert un droit direct comme chacun des signataires de la lettre de change.
De même, l'endossataire acquiert les droits de l'endosseur qui sont liés à la circulation du titre, de ce fait, il peut présenter le titre au paiement dès l'arrivée de l'échéance.
En outre, l'endossataire acquiert les accessoires destinés à garantir la lettre de change notamment les suretés réelles ou personnelles attachées au titre dont bénéficie l'endosseur. Cependant, s’agissant de l’acquisition de ces accessoires, la jurisprudence précise que cette acquisition suppose l’existence d’un lien étroit entre les suretés et la traite.
· Le bénéfice de la règle de l’inopposabilité des exceptions.
Le bénéfice de la règle de l’inopposabilité des exceptions qui est fondé sur les rapports personnels avec le tireur ou les porteurs antérieurs est prévue à l’article 160 qui dispose que : « les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur les rapports personnels avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs à moins que le porteur en acquérant la lettre ait agit sciemment au détriment du débiteur. »
A la lecture de ce texte, il ressort deux (02) hypothèses à savoir :
Premièrement que le porteur ne peut pas se voir opposer les exceptions tirées des rapports personnels avec les autres personnes : il s’agit des rapports fondamentaux. Il faut comprendre donc que toutes les exceptions nées du rapport fondamental ne peuvent être invoquées contre le porteur de la lettre de change. Ceci permet ainsi de renforcer en vérité la situation du porteur mais cette solution connait un tempérament en ce sens que le porteur ne pourra pas se prévaloir de la règle de l’inopposabilité des exceptions à certaines conditions. En effet, les exceptions personnelles pourront être opposées au porteur dès lors qu’il ne remplit pas certaines conditions notamment s’il est de mauvaise foi c.à.d. qu’au moment de l’acquisition de la lettre de change, il savait pertinemment l’existence de ces exceptions et qu’il a accepté en tout état de cause la traite.
Il faut retenir également que l’application de la règle de l’inopposabilité des exceptions obéit donc à certaines conditions qui sont relatives également à la nature des exceptions inopposables. Aussi, s’agissant des personnes, l’article 160 indique t il que le porteur est le seul à pouvoir se prévaloir de la règle de l’inopposabilité des exceptions. Ceci signifie à contrario que le porteur illégitime c.à.d. celui qui ne justifie pas son droit ou sa qualité à agir par une suite ininterrompue d’endossements réguliers.
C’est donc le porteur légitime qui peut actionner tout signataire de la lettre de change notamment le tiré accepteur, l’endosseur ou même un avaliste. Cependant, l’interprétation de l’article 160 conduit à retenir que la règle de l’inopposabilité des exceptions ne joue pas dans l’hypothèse de l’action du porteur légitime contre le tiré non-accepteur de la lettre de change.
Il existe également d’autres hypothèses dans lesquelles le porteur légitime ne pourra pas se prévaloir de l’article 160 par exemple le tireur est lui-même le porteur de la lettre de change et que dans ce cas il a agit contre le tiré-accepteur.
Par ailleurs, dans deux (02) autres hypothèses, on admet que le débiteur poursuivi puisse opposer au porteur les exceptions tirées de leur rapport personnel. Il s’agit : l’hypothèse où le porteur poursuit son propre endosseur ou encore lorsque le tireur en tant que porteur de la lettre de change agit contre le tiré-accepteur. La solution retenue dans ces hypothèses se justifie en effet par le fait que le rapport cambiaire qui fonde l’action du porteur en application de l’article 160 est conditionné par le rapport fondamental qui lui sert de cause. Ceci signifie autrement que dans ces deux (02) hypothèses, le rapport cambiaire n’efface en aucun cas le rapport fondamental qui a lié les deux (02) parties.
Il est important de souligner que l’article 160 vise de façon précise les rapports personnels du signataire poursuivi avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs. Aussi, l’analyse de ce texte permet il de retenir des exceptions en la matière :
Il y a les exceptions tenant au rapport direct du débiteur cambiaire. Il s’agit donc des rapports de signataire poursuivi avec le porteur légitime qui réclame le paiement de la lettre de change. Il faut comprendre ici que ces exceptions ne relèvent pas de l’application de l’article 160 par conséquent, elles sont opposables au porteur. Par exemple, c’est le cas du tiré-accepteur qui pourra opposer au tireur les exceptions fondées sur l’absence de la nullité du rapport fondamental notamment.
En effet, il est possible par exemple pour le débiteur cambiaire poursuivi, d’opposer au porteur, l’exception née de la compensation pour refuser de payer la lettre de change.
Il y a également les exceptions tenant aux rapports indirects du débiteur cambiaire poursuivi avec le tireur avec le tireur ou un porteur antérieur.
A la réflexion, ces exceptions sont visées par l’article 160. Ainsi leur inopposabilité s’exprime par le caractère abstrait de la lettre de change au regard du porteur.
Cela signifie que seules les informations que détienne le porteur sont celles qui figurent sur le titre. Ainsi, on en déduit qu’on ne peut pas lui opposer les exceptions dont il n’a pas eu connaissance. C’est certes la solution de principe qui a permis à la jurisprudence de faire une distinction entre les exceptions cambiaires et les exceptions extra-cambiaires.
On considère comme exceptions extra-cambiaires, celles qui ont leur source en dehors de la lettre de change. Celles-ci sont toutes inopposables par le débiteur cambiaire poursuivi au porteur. Ce sont ces exceptions que l’article 160 a qualifié de rapports personnels.
En ce qui concerne les exceptions cambiaires, en réalité, celles-ci ne sont pas visées par l’article 160. Cependant, la doctrine suggère qu’il y existe une distinction en fonction de leur nature ; par conséquent :
Il y a exception cambiaire lorsque celles-ci sont tirées des conditions de forme de la lettre de change. A cet effet, il faut admettre selon certains auteurs que ces exceptions peuvent être opposées au tiers porteur dans la mesure où il s’agit d’un vice apparent que le porteur peut facilement déceler. Au contraire, si l’exception est tirée des conditions de fond pour des conditions de validité de l’obligation cambiaire, de telles exceptions sont inopposables car le vice affectant notamment l’obligation cambiaire est caché.
Par exemple, est inopposable au porteur la nullité de l’obligation cambiaire tirée d’un vice de consentement ou bien d’une absence de cause ou encore d’une nullité de cause.
Mais la jurisprudence apporte une atténuation à cette solution doctrinale car s’agissant des exceptions inopposables au porteur de la lettre de change, elle exclut la nullité de l’obligation cambiaire tirée de l’incapacité ou de l’absence de consentement du signataire. Par conséquent, la personne qui a signé une traite en état d’incapacité, pourra opposer cette incapacité. De même celui qui a été victime d’une faussaire ayant imité sa signature qui a été apposé sur la lettre de change pourra se prévaloir du faux pour refuser le paiement de la lettre de change au porteur.
Deuxièmement, selon l’article 160, le porteur légitime qui en acquérant la lettre de change a agit sciemment au détriment du débiteur ne peut pas se prévaloir de la règle de l’inopposabilité des exceptions. C’est un tempérament à la règle de l’inopposabilité des exceptions. Il permet de dire donc que le signataire qui est poursuivi par le porteur ayant agit sciemment au détriment du débiteur pourra se voir opposer les exceptions tirées de ces relations personnelles avec le tireur ou avec un porteur antérieur. Cependant, deux (02) conditions méritent d’être relevées :
La 1ère est que le porteur de mauvaise foi ne peut pas invoquer la règle tirée de l’article 160. La mauvaise foi n’ayant pas cependant été définie à l’article 160, il est revenu à la jurisprudence de préciser cette notion qui peut être comprise suivant une conception large ou une conception restrictive. Ainsi, d’un point de vue restrictif, la mauvaise foi du porteur réside dans la connaissance du préjudice que l’endossement cause au débiteur cambiaire en plaçant celui-ci dans l’impossibilité de se prévaloir d’une exception tirée de ses rapports personnels avec le tireur ou avec le porteur. Cette conception implique que le porteur ait eu connaissance non seulement de l’exception opposable mais en outre qu’il ait su que cette exception subsisterait jusqu'à l’échéance et qu’elle serait invoquée par le débiteur poursuivi.
Mais à la réflexion, il apparait que cette conception restrictive connait certains inconvénients par exemple lorsqu’il s’agit d’un banquier qui a escompté la lettre de change car une telle conception peut encourager à un manque de vigilance. Pour éviter donc une telle situation, la jurisprudence a dégagé une autre conception de la mauvaise foi. De ce point de vue, en ce qui concerne les banquiers escompteurs, on a donc retenu que la seule connaissance de l’exception opposable peut subir à établir la connaissance du préjudice et par conséquent la mauvaise foi du porteur.la 2ème condition est que la jurisprudence retient que la mauvaise foi du porteur doit être appréciée au moment de l’acquisition du titre par le porteur. Par conséquent, le moment de l’échéance du titre ne saurait être une exigence en ce qui concerne la détermination de la mauvaise foi du porteur. Dans le même sens, la saisine d’un tribunal devant statuer sur un litige relatif à la mauvaise foi du porteur ne saurait être l’appréciation de cette mauvaise foi.
Paragraphe II : l’endossement non translatif.
Contrairement à l’endossement translatif, l’endossement non translatif ne confère pas au porteur, la qualité de propriétaire de la lettre de change. Il existe deux (02) types d’endossement non translatif à savoir : l’endossement de procurationet l’endossement pignoratif(endossement fait à titre de gage).
A- L’endossement de procuration.
L’endossement de procuration est un mandat de recouvrer le montant de la lettre de change. En effet, c’est un endossement par lequel l’endosseur remet la lettre de change à un tiers ; celui-ci ayant pour mission ou pour mandat de recevoir le paiement du titre au nom et pour le compte de l’endosseur. Ainsi, il faut comprendre que dans l’endossement de procuration, l’endosseur reste le propriétaire du titre et il peut par conséquent le revendiquer lorsque par exemple une procédure collective est dirigée contre l’endossataire. L’endossement de procuration obéit à des conditions précises qui permettent de produire des effets juridiques ; lesquels sont différents de ceux prescrits pour l’endossement translatif.
1- Les conditions de l’endossement de procuration.
Cet endossement répond a la fois à des conditions de fond et à des conditions de forme.
a- Les conditions de fond.
Les conditions de fond de l’endossement de procuration sont les conditions relatives au droit commun du mandat. A cet effet, l’endosseur de procuration doit avoir la capacité et le pouvoir de faire un tel endossement. Ces deux (02) éléments doivent être vérifiés sur le fondement du mandat du code civil. Toujours sur le fondement du mandat, l’endossataire de procuration doit avoir la capacité pour être mandataire puis il doit donner surtout son consentement à la mission qui lui est confiée.
b- les conditions de forme
les conditions de forme se résument dans l’obligation de mentionner sur le titre que l’endossement réalise une opération de mandat. A cet effet, peuvent être utilisées des expressions comme : « valeur en recouvrement », « par procuration » ou bien toutes autres mentions équivalentes mais quelque soit la mention choisie, celle-ci doit être accompagnée de la signature de l’endosseur et le cas échéant, de celle de l’endossataire. Aussi, la seule exigence imposée par la jurisprudence consiste t elle dans l’indication d’une mention claire et sans équivoque sinon on considère qu’il y a une présomption simple d’endossement translatif (l’endossement peut être considéré comme univoque lorsqu’il n’est pas matérialisé par une mention comme celle-ci : « valeur en compte » car dans une hypothèse pareille, la partie intéressée peut faire la preuve de l’endossement de procuration
2- les effets de l’endossement de procuration.
Suite à l’endossement de procuration, l’endossataire va exécuter son mandat selon les instructions qui lui ont été données. Par conséquent, il va recouvrer le montant de la lettre de change pour le compte de l’endosseur et le cas échéant, il va faire dresser un protêt en cas de non paiement.
Par ailleurs, par application des principes qui régissent le mandat, l’endossataire engage sa responsabilité envers l’endosseur. Par exemple, le banquier-endossataire de procuration qui n’a pas présenté la lettre de change dans les délais prescrits pour le paiement, encourt une responsabilité contractuelle à l’égard de son client endosseur. Aussi, le banquier sera-t-il condamné à payer en lieu et place du débiteur principal.
Cependant, l’endossataire peut prévoir une clause excluant ou limitant sa responsabilité mais l’application d’une telle clause suppose que par rapport au droit commun, l’endossataire n’ait pas commis de faute lourde auquel cas ladite clause n’aura pas d’effet exonératoire.
Par l’application de l’article 160, l’endossataire qui agit contre un débiteur cambiaire ne peut pas se voir opposer les exceptions si celles-ci sont elle mêmes inopposables à l’endosseur.
B- L’endossement pignoratif.
C’est un endossement qui permet la mise en gage d’une lettre de change par un porteur qui veut se procurer des fonds sans perdre sa qualité de propriétaire. C’est un procédé d’utilisation assez rare, il porte en général sur des traites de grande valeur qui sont mises en gage pour garantir des prêts ou des ouvertures de crédit. L’endossataire pignoratif est le dernier porteur du titre qui est généralement une banque. Ce type d’endossement obéit aussi à des conditions de forme qui permettent de produire des effets lorsque ces conditions sont réunies. Relativement aux effets de l’endossement pignoratif, on peut noter que le bénéficiaire d’un tel endossement acquiert tous les droits résultant de la lettre de change ; droits qu’il exerce non pas à titre de mandataire mais plutôt sur la base de privilèges propres.
Section III : l’acceptation de la lettre de change.
L’acceptation est l’acte par lequel le tiré signe la lettre de change et accepte de ce fait de se reconnaitre débiteur de celle-ci et de la payer à l’échéance. La signature du tiré apposée sur la lettre de change conduit à des conséquences : d’abord l’acceptation fait présumée la provision car elle s’analyse comme une reconnaissance du tiré envers le tireur. Ensuite l’acceptation fait naitre un engagement cambiaire qui est considéré comme une garantie du paiement au profit du porteur. Le régime juridique de l’acceptation de la lettre de change comporte trois (03) axes : il y a la présentation de la lettre de change à l’acceptation d’abord, ensuite il y a le régime juridique relatif aux caractères et aux conditions de l’acceptation de la lettre de change. Enfin, il y a le régime juridique relatif aux effets de l’acceptation de la lettre de change.
Paragraphe I : le régime juridique de l’acceptation de la lettre de change à l’acceptation.
La signature de la lettre de change par le tiré n’étant pas une des mentions obligatoires de la création de la lettre de change, la présentation à l’acceptation est donc nécessaire. En pratique, c’est postérieurement à l’émission de la traite que celle-ci peut être acceptée par le tiré.
On peut a cet effet évoquer l’article 163 alinéa 1er aux termes duquel, la lettre de change peut être jusqu'à l’échéance, présenter à l’acceptation du tiré au lieu de son domicile par le porteur ou un simple détenteur. De ce texte, on retient donc que la présentation de la lettre de change à l’acceptation n’est pas une obligation mais plutôt une faculté. Dès lors, il peut exister des lettres de change non acceptées parce que celles-ci n’auront pas été présentées à l’acceptation du tiré par le porteur. Mais le porteur qui exerce cette faculté peut se voir imposer un délai de présentation ou bien il peut se voir imposer un délai à l’expiration duquel la présentation ne sera pas faite. En tout état de cause, les délais de présentation ne peuvent pas aller au delà de l’échéance mentionnée sur le titre. Lors de la présentation de la lettre de change à l’acceptation, le porteur n’est pas obligé de se dessaisir du titre entre les mains du tiré.
Le caractère facultatif de la présentation de la lettre de change à l’acceptation connait toutefois quelques dérogations qui méritent d’être relevées :
- Le tireur peut imposer par le moyen d’une clause contre acceptation, la présentation de la lettre de change à l’acceptation avec ou sans fixation de délai. Cette solution est également admise pour tout endosseur à condition que la lettre de change n’ait pas été stipulée non-acceptable par le tireur.
- Le caractère facultatif de la présentation de la lettre de change à l’acceptation donne la possibilité au tireur d’interdire toute présentation de la lettre de change à l’acceptation. Cette interdiction vaut pour toutes les lettres de change sauf pour celles qui sont payables par 1/3 dans une localité autre que celle du domicile du tiré.
Paragraphe II : les caractères et les conditions d’acceptations de la lettre de change.
A- Les caractères de l’acceptation de la lettre de change.
Autant la présentation de la lettre de change à l’acceptation est facultative, autant l’acceptation de la lettre a également un caractère facultatif. Ceci signifie que le tiré a la possibilité de donner ou de refuser son acceptation au moment où la lettre de change lui est présentée à cet effet. Ce principe connait cependant des dérogations :
- Il y a le cas où le tiré a promis de réserver un bon accueil aux lettres de change émise au tiré par le tireur. Si tel est le cas, le tiré est tenu de les accepter. Cette pratique est surtout courante dans le milieu bancaire. En effet, par celles-ci, le tiré s’oblige contractuellement à accepter les lettres de change qui lui seront présentées. En conséquence, si le tiré refuse par la suite d’accepter la lettre de change, il ne sera pas engagé sur la base du titre mais il sera engagé plutôt sur la base du droit commun en vertu de la responsabilité contractuelle.
- L’acceptation devient obligatoire pour le tiré lorsqu’il s’agit de l’hypothèse prévue par l’article 163 alinéa 9 qui dispose que : « lorsqu’une lettre de change est créée en exécution d’une convention relative à des fournitures de marchandises, passée entre commerçants et que le tireur a satisfait aux obligations résultant pour lui du contrat, le tiré ne peut se refuser à donner son acceptation dès l’expiration des délais conformes aux usages normaux du commerce en matière de reconnaissance des marchandises. »
C’est également l’article 163 qui prévoit une sanction en cas de refus d’acceptation du tiré. En effet, ce texte dispose dans son alinéa 10 que : « le refus d’acceptation entraine de plein droit la déchéance du terme aux frais et aux dépens du tiré. »
l’expression déchéance du terme prête ici à confusion car on s’interroge pour savoir s’il s’agit du terme de la lettre de change (l’échéance) ou bien s’il est question du terme inscrit dans le contrat qui a servi de base à la création du titre dont l’acceptation est refusée. Selon la doctrine, appuyée en cela par la jurisprudence, la déchéance du terme ne concerne nullement l’échéance de la lettre de change. Par conséquent, le refus de l’acceptation ne modifie en aucun cas l’échéance de la lettre de change.
B- Les conditions de l’acceptation de la lettre de change.
L’acceptation de la lettre de change doit répondre à la fois a des conditions de forme et à des conditions de fond.
1- Les conditions de forme de l’acceptation de la lettre de change.
L’acceptation de la lettre de change résulte nécessairement d’une signature apposée sur le titre. La signature est donnée par écrit et est précédée du mot acceptation ou de tout mot équivalent. Par application de l’article 163, la simple signature du tiré apposée au recto du titre vaut acceptation. Cette signature doit dans tous les cas être manuscrite. La date de l’acceptation n’est pas obligatoire sauf s’il s’agit d’une lettre de change payable à un certain délai de vue ou bien si un délai a été stipulé pour l’acceptation du titre. Ces règles de forme de l’acceptation de la lettre de change sont complétées par d’autres mesures à savoir les mesures qui portent sur :
- L’acceptation par un acte séparé
- L’acceptation par intervention
- Le biffage de l’acceptation.
L’acceptation par un acte séparé n’est nullement valable sur le terrain du droit cambiaire aux termes de l’article 165. Aussi reste elle valable uniquement sur le terrain du droit commun et s’analyse t elle de ce fait comme une promesse de paiement.
- Quant à l’acceptation par intervention, c’est une technique par laquelle un tiers va accepter la lettre de change en lieu et place du tiré qui a refusé d’accepter
- S’agissant du biffage de l’acceptation, l’article 168 indique que si le tiré qui a revêtu la lettre de change de son acceptation a biffé celle-ci, avant la restitution de la lettre de change au porteur, cette acceptation est supposée être refusée. Au contraire, le principe de l’acceptation devient irrévocable lorsque la lettre de change est acceptée et qu’elle se trouve entre les mains du porteur. Ainsi, on en déduit que le tiré-accepteur d’une lettre de change ne peut ni révoquer son acceptation ni invoquer une quelconque erreur dès lors qu’il a restitué le titre au porteur.
2- Les conditions de fond de l’acceptation de la lettre de change.
Il faut relever d’emblée que le tiré qui signe une lettre de change, doit avoir la capacité juridique de le faire. Lorsqu’il s’agit d’un tiers qui accepte la lettre de change pour le compte d’autrui, ce tiers doit avoir le pouvoir régulier et suffisant pour le faire. En outre, l’acceptation doit être pure et simple. Ceci signifie qu’une acceptation donnée sous condition est prohibée. Cependant, une telle acceptation n’est pas pour autant nulle ; seulement elle équivaut à un refus d’acceptation. Par ailleurs, le porteur qui présente une lettre de change à l’acceptation ne peut pas refuser une acceptation partielle du tiré mais dans un tel cas, la loi permet au porteur de faire dresser un protêt pour la partie du montant non acceptée. Ainsi le protêt permet au porteur d’exercer des recours anticipés
Paragraphe III : les effets de l’acceptation de la lettre de change.
Les effets de l’acceptation de la lettre de change s’apprécient par rapport a deux (02) moments différents. D’abord, ils s’apprécient par rapport à une lettre de change acceptée ensuite ils s’apprécient par rapport à une lettre de change refusée.
A- Les effets en cas d’acceptation de la lettre de change par le tiré
Plusieurs effets découlent de l’acceptation de la lettre de change par le tiré à savoir que :
- Le tiré s’engage sur le terrain du droit cambiaire. Ceci signifie qu’il est désormais tenu d’une obligation commerciale liée exclusivement à sa signature. Par conséquent, il ne peut en principe prétendre à aucun délai de grâce.
- L’acceptation suppose l’existence de la provision mais d’un point de vue réaliste, cette règle ne présente pas un grand intérêt parce que le porteur n’a pas besoin de la provision pour se faire payer. Par ailleurs, dans les rapports du tireur et du tiré, la présomption d’existence de la provision est une présomption simple.
- L’acceptation du tiré purge les exceptions fondées sur le rapport fondamental que le tiré peut opposer au porteur pour refuser le paiement. Il s’agit de ce point de vue de l’application de la règle de l’inopposabilité des exceptions selon laquelle le tiré-accepteur ne peut pas opposer au porteur de bonne foi par exemple la nullité de son obligation tirée d’un vice du consentement ou bien d’une cause illicite ou encore d’une absence de provision
Car toutes ces positions s’expliquent par le fait que l’on considère que l’engagement cambiaire du tiré-accepteur résulte non pas de rapport fondamental mais plutôt du titre lui même.
B- Les effets en cas de refus de l’acceptation de la lettre de change par le tiré.
Lorsque le tiré refuse d’accepter la lettre de change, le porteur court le risque de ne pas être payé à l’échéance. Par ailleurs, le refus d’acceptation confère au titre un caractère suspect lié à un doute sur la régularité des circonstances et des conditions extra-cambiaires qui ont précédé à la création du titre.
Compte tenu de ce doute qui met en cause la valeur économique de ce titre, il est permis au porteur d’exercer avant l’échéance des recours contre les autres signataires du titre. Mais avant d’exercer ces recours, le porteur doit faire dresser un protêt faute d’acceptation, sauf s’il a été dispensé de ces formalités par une stipulation expresse. En effet, l’article 163 alinéa 10 affirme que le refus d’acceptation entraine de plein droit la déchéance du terme de la créance de la provision.
Il faut souligner cependant que les règles sur le refus d’acceptation de la lettre de change peuvent être créditées par la technique d’intervention; technique par laquelle un tiers offre d’accepter le titre à la place du tiré dans une hypothèse pareille, le tiers agit dans l’intérêt du tireur ou d’un endosseur afin d’éviter le recours anticipé du porteur, recours consécutif au refus d’acceptation du titre. Mais cette technique d’intervention doit nécessairement remplir certaines conditions :
- D’abord l’accepteur par intervention doit indiquer le nom de la personne pour le compte de qui il agit.
- Ensuite, il doit avertir ces personnes de son intervention dans un délai de deux (02) jours. A défaut de l’indication du nom de la personne pour le compte de qui l’accepteur par intervention agit, l’acceptation est réputée être donnée pour le compte du tireur. Par ailleurs, il est loisible au porteur de refuser l’acceptation par intervention si tel est le cas, il perd donc le bénéfice des recours anticipés.
Section IV : l’aval.
L’aval se définit comme un cautionnement cambiaire par lequel une personne déterminée donne la garantie que la lettre de change sera payée à l’échéance. Cette garantie est donnée par le biais d’une signature et le signataire est appelée le donneur d’aval ou l’avaliste. A cet effet, le donneur d’aval doit nécessairement indiquer pour qui il s’engage. L’aval est beaucoup utilisé dans la pratique bancaire ainsi les banquiers exigent que les effets de commerce en l’occurrence les lettres de change qui représentent les crédits qu’ils octroient, soient avalisés par une personne qui garantit la signature et la solvabilité du crédité. L’analyse du mécanisme de l’aval se fait par rapport aux conditions de l’aval d’une part et d’autre part, par rapport aux effets que peut produire l’aval.
Paragraphe I : les conditions de l’aval.
L’aval est soumis à la fois à des conditions de fond et à des conditions de forme.
A. Les conditions de fond de l’aval.
Les conditions de fond de l’aval concernent d’un coté le donneur d’aval et de l’autre le bénéficiaire de l’aval.
1- Les conditions relatives au donneur de l’aval.
Le donneur d’aval qui appose sa signature sur le titre accomplit ainsi un acte de commerce. Par conséquent, il doit avoir la capacité et le pouvoir de le faire. Le donneur d’aval peut être un tiers mais il peut s’agir également des autres signataires antérieurs de la lettre de change. Dans ce cas précis, la doctrine propose de ne retenir cet aval que s’il améliore effectivement la signature du porteur.
2- La condition relative au bénéficiaire de l’aval.
Il faut rappeler ici que le débiteur garanti par le donneur d’aval peut être l’un quelconque des signataires de la lettre de change. A cet effet, l’aval peut être donné pour le compte du tireur par le tiré-accepteur. De même, l’aval peut être donné pour le compte d’un endosseur ou bien pour le compte d’un donneur d’aval précédent.
Il est essentiel que le donneur d’aval indique de manière précise la personne qu’il entend garantir car à défaut d’une telle précision, l’aval est réputée selon les termes de l’article 169 alinéa 6 avoir été donnée pour le tireur. Mais la solution retenue par l’article 169 alinéa 6 a suscité des contestations ayant conduit à une interrogation importante ; celle qui consiste à se demander si la règle résultant dudit texte est une règle de fond ou une règle de preuve. La question présente un intérêt particulièrement dans l’hypothèse d’une lettre de change tirée par un tireur à son ordre et signée par un tiré-accepteur. Laquelle lettre de change est signée également par un avaliste qui garantit la signature du tiré-accepteur mais oublie toutefois soit volontairement ; soit involontairement de mentionner le nom du tiré dans la formule de l’aval. Selon l’article 169 alinéa 6, cela signifie que l’aval a été ainsi donné pour le compte du tireur-porteur ; par conséquent le tireur-porteur n’aura pas la possibilité d’agir en garantie contre le donneur d’aval si le tiré-accepteur ne paye pas le titre à l’échéance.
La jurisprudence a été invitée à trancher la question qui consiste à savoir si la règle posée par l’article 169 alinéa 6 énonce une règle de preuve ou une règle de fond. A cet effet, la jurisprudence a retenu que l’article 169 alinéa 6 édicte plutôt une règle de preuve et non une règle de fond. Partant de cette position, un arrêt de principe affirme que l’article 169 alinéa 6 exprime une présomption irréfragable. Ceci implique que le tireur-porteur, dans l’hypothèse ou l’avaliste a omis d’indiquer le nom du bénéficiaire de l’aval, ne dispose d’aucune possibilité d’établir l’intention véritable de l’avaliste. Ainsi, on ne peut pas chercher à démontrer que l’aval a été donné en réalité pour le compte du tiré-accepteur. Mais sans aucun doute, cette solution aboutit à des solutions fâcheuses pour le tiré-accepteur qui perd donc la garantie de l’aval. Par ailleurs, la solution n’est guère satisfaisante pour le tireur-porteur. Ces deux (02) observations ont conduit certaines juridictions à défendre une position contraire à celle de la Cour de cassation. Ainsi ces juridictions soutiennent que l’article 169 alinéa 6 contient au contraire une présomption simple. Cette divergence dans la jurisprudence a interpellé la Cour de cassation qui a décidé de trancher une nouvelle fois la question. A cet effet, dans un arrêt des chambres réunies du 08 mars 1960, la Cour de cassation avait décidé que l’article 169 alinéa 6 n’établit pas une règle de preuve conduisant à une discussion sur le caractère simple ou irréfragable de présomption mais que ce texte établit plutôt une règle de fond qui a pour but d’écarter une incertitude sur la portée des engagements cambiaires de l’avaliste. Elle précise que cette règle de fond doit être considérée comme une règle supplétive qui doit être interprétée de façon stricte ou limitative. Par conséquent, si les conditions de son application sont réunies, il faut recourir à la solution dont la conséquence est que le tireur-porteur ne peut pas se référer à des faits extérieurs au titre pour prouver que le donneur d’aval avait entendu garantir le tiré-accepteur.
Cependant, l’interprétation donnée par la Cour de cassation dans l’arrêt des chambres réunies de 1960 laisse poser quelques interrogations. En effet, on peut se demander si la solution qui veut que l’article 169 alinéa 6 reste une règle de fond ne peut pas être considérée plutôt comme une règle de forme à l’instar de l’article 149 relatif aux mentions obligatoires lorsque celles-ci sont absentes ou omises car on peut penser aussi que l’article 169 alinéa 6 établit une règle de suppléance de la même nature que les règles de suppléance prévues à l’article 149 portant sur les mentions obligatoires.
Cette réflexion qui ne remet pas en cause la solution de la Cour de cassation dans l’arrêt des chambres réunies le 08 Mars 1960 permet d’affirmer toutefois que l’article 169 alinéa 6 apparait comme une règle très sévère pour le tireur-porteur. Eu égard à cette sévérité, la jurisprudence a tenté de l’adoucir en considérant que si l’aval est donné par actes séparés, dans cette hypothèse, la détermination du bénéficiaire de la garantie peut se faire par tous les moyens. De même, si l’aval est donné sur la traite sans indication du nom du bénéficiaire de la garantie, on peut par un acte séparé qui porte les indications du bénéficiaire de l’aval, retenir la preuve d’un cautionnement de droit commun consenti en faveur de la personne ainsi désignée.
B Les formes de forme de l’aval
L’aval peut être donné sur la traite mais il peut également donné par un acte séparé.
L’aval qui est donné sur la traite ou sur une allonge doit résulter de la mention : « bon pour aval » ou de toute autre mention équivalente accompagnée de la signature de l’avaliste. Selon les termes de l’article 169 alinéa 5 : « l’aval est considéré comme résultant de la simple signature du donneur d’aval apposée au recto du titre sauf quand il s’agit de la signature du tiré ou de la signature du tireur. »
Il ressort de ce texte que la formalité du « bon pour aval » sur la traite n’est pas une exigence. De même, l’article 169 alinéa 5 n’impose pas au donneur d’aval qui appose sa signature sur la traite, que le montant de la somme garantie soit mentionné ainsi que la date de la signature par l’avaliste.
Par ailleurs, l’article 169 alinéa 3 permet que l’aval soit donné par un acte séparé en précisant toutefois que dans cette hypothèse, l’aval doit indiquer le lieu ou il est intervenu. A cette précision, la jurisprudence ajoute des conditions supplémentaires permettant de considérer la validité de l’aval par acte séparé et de le soumettre donc aux règles du droit cambiaire. Ces conditions supplémentaires sont :
- L’acte séparé doit déclarer le montant des sommes garanties ;
- L’acte séparé doit préciser la durée pour laquelle le donneur d’aval donne son consentement.
Il faut savoir que la jurisprudence se montre très stricte dans l’application de ces deux (02) conditions. Par conséquent elle considère que le montant de la garantie et sa durée doivent être déterminés et non déterminables. Cependant, la jurisprudence admet que la preuve du montant de la somme garantie et celle de la durée de la garantie peuvent se faire par un écrit extérieur à l’acte d’aval séparé. La jurisprudence tire la conclusion selon laquelle si toutes ces conditions retenues relativement à l’aval par acte séparé sont réunies, un tel aval doit produire les mêmes effets qu’un aval donné sur la lettre de change. Ainsi le donneur d’aval ne sera tenu qu’envers la personne garantie à savoir le porteur.
Paragraphe II : les effets de l’aval.
Les effets de l’aval sont déterminés par les relations qui sous-tendent le mécanisme de l’aval. A cet effet, on peut retenir trois (03) types de relations qui sont les suivantes :
- La relation entre le donneur d’aval et le tiers porteur ;
- La relation entre le donneur d’aval et le bénéficiaire de l’aval ;
- La relation entre le donneur d’aval et les autres signataires de la lettre de change.
A- Les effets de l’aval dans la relation donneur d’aval et tiers porteur.
Par rapport au tiers porteur de la lettre de change, le donneur d’aval est avant tout le garant des débiteurs cambiaires (c.à.d. comme une caution de droit commun). Ainsi en cette qualité, l’obligation du donneur d’aval envers le tiers porteur a un caractère accessoire. L’idée de caractère accessoire ressort de l’article 169 alinéa 7 qui dispose que : « le donneur d’aval est tenu de la même manière que celui dont il s’est porté garant. » il s’agit en réalité des cautionnements donnés par l’avaliste mais ce cautionnement doit être considéré ici comme un cautionnement commercial et un cautionnement solidaire également. C’est de cette affirmation que découle l’application de certaines règles spécifiques (l’avaliste est non tenu d’un’ obligation accessoire mais également d’une obligation solidaire.
Les règles retenues sont les suivantes :
- le tiers porteur non payé a l’échéance et qui poursuit l’avaliste ne peut se voir opposer par celui-ci ni le bénéfice de discussion, ni le bénéfice de division qui est une règle applicable en matière de cautionnement simple.
- Dans le mesure où il est tenu de la même manière que le tiré-garanti, l’avaliste bénéficie de toutes les exceptions c.à.d. de tous les moyens de défense dont le tiré-garanti aurait pu se prévaloir à l’encontre du tiers porteur. Par exemple, il peut considérer que si le débiteur-garanti peut se prévaloir de la négligence du porteur ou de la prescription de l’action, le donneur d’aval pourra également se prévaloir de ces moyens de défense.
Par contre, le donneur d’aval ne bénéficie pas des moyens de défense que le débiteur garanti ne peut pas opposer au tiers porteur. Il faut retenir donc de ces solutions que la règle de l’inopposabilité des exceptions prévue à l’article 160 s’applique aussi au donneur d’aval.
En référence aux règles de droit commun, le donneur d’aval considéré comme une caution, peut donc se prévaloir de l’article 18 de l’acte uniforme relatif au droit des suretés pour se décharger de son obligation de paiement s’il démontre que par la faute du porteur, il a été mis dans l’impossibilité d’être subrogé dans les droits de celui-ci pour exercer un recours contre le débiteur-garanti.
Le donneur d’aval, du fait qu’il appose sa signature sur le titre, devient un débiteur cambiaire (un obligé cambiaire). A ce titre, il est soumis au droit cambiaire ; c’est une solution qui est tirée de l’article 169 alinéa 8 qui dispose que : « l’engagement du donneur d’aval est valable alors même que l’obligation qu’il a garanti sera nulle pour toute autre cause qu’un vice de forme. »
Cette solution relève du principe cambiaire de l’indépendance des signatures. C’est le principe qui exprime l’idée selon laquelle la validité ou la nullité d’une signature n’entraine pas automatiquement la validité ou la nullité des autres signatures. Par application de ce principe donc, le donneur d’aval sera engagé envers le tiers-porteur même si le débiteur-garanti est un incapable par exemple. Cependant, il faut comprendre la portée de l’article 169 alinéa 8 qui concerne toutes les causes de nullité de l’obligation garantie à l’exclusion des vices de forme.
B- Les effets de l’aval dans la relation entre le donneur d’aval et le bénéficiaire de l’aval.
Dans la relation entre le donneur d’aval et le bénéficiaire de l’aval découlent les conséquences juridiques suivantes :
- Le bénéficiaire de l’aval (le débiteur-garanti) ne peut pas agir contre le donneur de l’aval. Par exemple, le tiré-accepteur qui a bénéficié de la garantie d’un l’avaliste ne peut pas agir contre cet avaliste. Cette solution s’explique par l’analogie qui existe entre l’aval et le cautionnement du droit commun. Cette solution jurisprudentielle permet d’éviter le recours cambiaire du tireur-porteur contre un donneur d’aval, qui par imprudence, aura omis de préciser que son aval était donné pour le compte du tiré-accepteur.
- Le donneur d’aval qui a payé le montant de la lettre de change en lieu et place du débiteur-garanti dispose d’un recours cambiaire contre celui-ci ; recours prévu par l’article 169 alinéa 9 qui dispose que : « quand il paye la lettre de change, le donneur d’aval acquiert les droits résultant de la lettre de change contre le garanti et contre ceux qui sont tenus envers ce dernier en vertu de la lettre de change. » c’est une hypothèse de subrogation légale qui est ainsi évoquée dans ce texte. Conformément a cette subrogation donc, le donneur d’aval qui a payé, est subrogé dans les droits du porteur. Par conséquent, il doit réclamer la somme intégrale qu’il a payé, augmenté des intérêts qui affectent cette somme. Par ailleurs, il lui sera possible d’invoquer le bénéfice de l’article 18 de l’acte uniforme portant droit des suretés s’il est dans l’impossibilité d’user de la subrogation.
C- Les effets de la relation entre le donneur d’aval et les autres signataires de la traite.
Aux termes de l’article 169 alinéa 9, le donneur d’aval qui a payé peut exercer tous les recours que le débiteur-garanti aurait pu exercer s’il avait payé lui-même la lettre de change. Ainsi, si l’avaliste a payé à la place de l’endosseur qu’il garantissait, il pourra exercer des recours contre le tiré-accepteur, contre le tireur et contre les endosseurs précédents. Mais s’il a payé à la place du tireur, il ne pourra recourir que contre le tiré-accepteur. Aussi, le tiré-accepteur ne pourra pas lui opposer l’absence de provision parce que l’on considère que le donneur d’aval qui intervient dans ces circonstances, est un tiers-porteur ; par conséquent s’il est de bonne foi, il va bénéficier de la règle de l’inopposabilité des exceptions.
Chapitre III : LE REGIME JURIDIQUE DU PAIEMENT DE LA LETTRE DE CHANGE.
Le régime juridique du paiement de la lettre de change est relatif aux règles portant sur la présentation au paiement, sur l’exécution du paiement et sur les règles de recours en cas de non paiement.
Section I : la présentation de la lettre de change au paiement.
La présentation de la lettre de change au paiement est déclenchée par un fait générateur puis cette présentation au paiement est organisée sur la base d’un statut propre.
Paragraphe I : le fait générateur de la présentation de la lettre de change au paiement
Le fait générateur de la présentation au paiement est l’arrivée de l’échéance de la lettre de change. Lorsque l’on fait une incursion dans le droit commun, on retient en la matière qu’un créancier est libre de ne pas se faire payer à l’échéance tandis qu’en droit cambiaire, il en est autrement puisque le porteur est obligé de présenter la lettre de change au paiement dès l’échéance. Cette obligation se justifie par des questions de sécurité par exemple la protection qui est due au tiré et aux autres signataires de la lettre de change. De l’obligation du porteur de présenter la lettre de change au paiement des l’échéance, découle la conséquence suivant laquelle le porteur ne peut pas en principe présenter la lettre de change au paiement avant ou après l’échéance. Cette règle connait cependant des assouplissements qui sont :
- La lettre de change ne peut être présentée au paiement avant l’échéance que si elle contient une clause expresse d’escompte ; ladite clause réserve donc la faculté d’escompte au tiré. Elle s’exprime de la façon suivante : « paiement avant échéance sans déduction des intérêts »
Hormis le cas où une clause d’escompte a été stipulée, le tiré auquel on présente une lettre de change avant l’échéance est en droit de refuser ce paiement. Cependant s’il accepte de payer, il le fait à ses risques et périls et il s’expose ainsi au risque de payer le titre une seconde fois à l’arrivée de l’échéance. Tel sera le cas si le tiré paye avant l’échéance un détenteur illégitime du titre par exemple un incapable. Dans une situation pareille, il va s’en dire que le tiré sera tenu de payer à l’échéance le porteur légitime de la traite ou le représentant légal de l’incapable.
Par ailleurs, il est possible que la présentation de la lettre de change au paiement se fasse avant l’échéance dans l’hypothèse ou l’on permet au porteur de se faire payer à jour fixe ou bien à un certain délai de date ou encore à un certain délai de vue, lequel peut être soit le jour de l’échéance soit l’un des deux (02) jours ouvrables qui suivent l’échéance.
Il faut savoir que la règle de la présentation obligatoire de la lettre de change au paiement interdit tout délai de grâce. Mais sur ce point, l’interprétation des articles 185 et 226 du règlement N°15 permet d’admettre des cas de prorogation légale. A cet effet, on peut évoquer la prorogation qui relève de la législation impérative sur la durée de travail ainsi que la législation impérative qui est liée à l’interdiction de travailler les jours fériés. De ces règles, on retient que dès la survenance des échéances, il y a un report systématique de celles-ci. Par conséquent, la présentation au paiement ne peut être faite qu’un jour ouvrable. Et si le jour de l’échéance coïncide avec un jour férié ou un dimanche, le délai de l’échéance du titre est donc prorogé au 1er jour ouvrable suivant.
A coté de la prorogation tenant à une législation, il y aune prorogation conventionnelle dans laquelle le porteur et le tiré s’entendent pour faire bénéficier au porteur un nouveau délai ; ceci, en portant une nouvelle mention d’échéance sur le titre ou bien en créant une nouvelle traite pour remplacer l’ancienne. Mais dans l’hypothèse d’une modification des mentions qui figurent sur le titre, il faut retenir que la nouvelle prorogation n’engage pas les autres signataires de la lettre de change. Dans le même sens, lorsqu’il s’agit de la création d’une nouvelle traite, les parties à savoir le tiré et le porteur créent ce que l’on appelle un effet de renouvellement. Aussi, comme il s’agit d’un nouveau titre, celui-ci n’oblige que ceux qui l’ont signé
Paragraphe II : le statut de la présentation au paiement.
La présentation de la lettre de change au paiement étant obligatoire, il va s’en dire qu’en cas de non présentation de cette lettre, le tiré pourra consigner les sommes dues entre les mains d’un tiers. Par ailleurs, il sera possible d’engager la responsabilité du porteur si la non présentation de la traite a causé un préjudice au tireur.
Dans la pratique, l’hypothèse de la représentation au paiement est rare. Ainsi, il faut savoir que la présentation au paiement fait intervenir deux (02) protagonistes ayant chacun un rôle bien déterminé. Il s’agit du porteur d’une part et d’autre part du tiré.
A- Le rôle du porteur.
le porteur qui a la charge de présenter la lettre de change au paiement peut le faire lui-même ou le faire par l’intermédiaire d’un mandataire c.à.d. par un endossement ou par procuration. Il peut également le faire par le biais d’un créancier-gagiste en procédant à un endossement pignoratif. Mais il s’impose au porteur de justifier ses droits au paiement de la lettre de change lors de sa présentation. Cela signifie que le porteur doit être un porteur légitime en ce sens qu’il doit détenir le titre en vertu d’une suite ininterrompue d’endossement. D’un point de vue du droit cambiaire, il est important de savoir que le porteur n’est pas celui qui détient matériellement le titre ou bien celui qui est le propriétaire au regard du droit commun car le porteur, c’est plutôt celui dont le nom figure sur le titre à la dernière place de la chaine des endossements à condition que ces endossements soient réguliers.
Dans la pratique, il est possible que lors de la présentation au paiement, le porteur légitime de la lettre de change soit en conflit avec le véritable propriétaire du titre. Tel sera le cas si à la suite d’un endossement en blanc, l’endossataire, véritable propriétaire de la lettre de change ne mentionne pas son nom sur la traite dont il est dépossédé plus tard soit que la traite lui a été volée ; soit qu’il l’a perdu de sorte que cette traite a pu circuler normalement et s’est retrouvée en définitive entre les mains d’un tiers qui a eu la prudence d’inscrire son nom en tant que porteur. Dans cette hypothèse, le tiers qui a mentionné son nom sur le titre doit être considéré comme porteur légitime conformément au droit cambiaire. Mais cette situation fait surgir une question essentielle de savoir qui doit présenter une telle traite au paiement ? est ce le porteur ou bien le véritable propriétaire du titre ?
La réponse à cette question peut se trouver dans les dispositions de l’article 159 alinéa 8 qui dispose que « le porteur légitime n’est tenu de se dessaisir du titre que s’il l’a acquis de mauvaise foi ou si en l’acquérant, il a commis une faute lourde »
Il faut savoir que la mauvaise foi signifie ici la connaissance par le porteur lors de l’acquisition du titre de la dépossession irrégulière du véritable propriétaire. Quant à la faute lourde, elle signifie que le porteur aurait du connaitre l’origine suspecte de la possession de celui qui lui a transmis le titre.
B- Le rôle du tiré
Le tiré est tenu du paiement de la lettre de change lorsque celle-ci lui a été présentée à l’échéance. Mais la lettre de change doit être présentée au lieu indiqué sur le titre à défaut, au domicile du tiré. Avant de payer la lettre de change, il incombe au tiré de vérifier préalablement la régularité de la suite des endossements. En ce sens, il doit effectuer un contrôle matériel des endossements par une simple lecture de la lettre de change. A cet effet, le tiré doit vérifier par exemple qu’il n’y a pas d’interruption dans la chaine des endossements et il doit s’assurer aussi que les endossataires sont déterminés ou définis dans le titre. Mais il n’appartient pas au tiré de vérifier l’authenticité des signatures des endossataires car cela dépasse ses compétences. Aussi, le tiré est il considéré comme de bonne foi si à la vérification matérielle, il constate qu’il n’y a pas d’interruption dans la chaine des endossements.
Pour faire tomber la présomption de bonne foi du tiré afin d’obtenir un nouveau paiement de celui-ci, il est nécessaire d’établir ou de prouver que le tiré a commis une faute simple ou une faute lourde. Il s’agit ici d’une faute intentionnelle du tiré. Celle-ci étant caractérisée par la connivence active et consciente du tiré en faveur du porteur mais au détriment du tireur. Quant à la faute lourde du tiré, elle peut consister dans la négligence grave commise par le tiré en payant le porteur.
Section II : l’exécution du paiement de la lettre de change
L’exécution du paiement de la lettre de change renvoie à des questions telles que les modalités du paiement, les incidents de l’exécution du paiement et les conséquences du paiement.
Paragraphe I : les modalités du paiement de la lettre de change.
On peut retenir trois (03) modalités de l’exécution du paiement de la lettre de change.
A- Modalités tenant à la personne qui exécute le paiement.
C’est le tiré qui est chargé du paiement de la lettre de change ou son mandataire. En outre, le paiement peut se faire par intervention par application des articles212 à 216 du règlement N°15.
Ce mode de paiement consiste pour toute personne à payer le montant de la traite en indiquant clairement la personne qui en bénéficie. Le régime juridique applicable à ce mode de paiement est prévu aux articles 212 à 216.
B- Modalités tenant à l’objet du paiement
Le paiement de la lettre de change peut se faire en espèces, par chèque ou par virement. Lorsqu’il s’agit d’un paiement fait par chèque, le porteur pourra faire dresser protêt faute de paiement si le chèque est revenu sans provision.
C- Modalités tenant à l’importance du paiement
Le paiement d’une lettre de change peut être intégral ou partiel.
Contrairement au droit commun dans lequel le débiteur ne peut pas contraindre le créancier à recevoir un paiement partiel de sa créance, le tiré peut en effet opposer au porteur un paiement partiel. Autrement exprimé, cela signifie que le porteur ne peut pas comme cela est admis en droit commun, refuser de recevoir un paiement partiel car le paiement partiel décharge en partie le tiré et les autres signataires de la lettre de change. Mais dans une hypothèse pareille, le porteur n’étant pas totalement libéré, il a le droit de conserver la lettre de change ; cependant, il doit dresser un protêt faute de paiement pour la somme restante. Ainsi ce protêt va lui permettre d’exercer des recours appropriés contre les autres signataires du titre.
Paragraphe II : les incidents de l’exécution du paiement.
Deux types d’incidents dans l’exécution du paiement peuvent être relevés.
D’abord, il s’agit du défaut de paiement de la lettre de change. Ensuite, il s’agit de l’opposition au paiement de la lettre de change.
A- L’opposition au paiement de la lettre de change.
L’article 18 précise les hypothèses dans lesquelles il y aura opposition au paiement de la lettre de change. Le texte dispose à cet effet que : « il n’est admis d’opposition au paiement qu’en cas de perte de la lettre de change ou de procédure collective ouverte contre le porteur »
Il faut remarquer que le texte ne précise pas de quelle procédure il s’agit. Ce qui conduit à penser qu’il peut s’agir aussi du règlement préventif que du redressement judiciaire ou de la liquidation des biens.
Mais selon une autre position, l’opposition au paiement ne doit être admise qu’en cas de redressement judiciaire du porteur ou de la liquidation des biens de celui-ci. Mais à partir de cette dernière position, l’on est en droit de se poser la question de savoir si le règlement préventif doit être envisagé comme une procédure collective qui n’impose pas la cessation de paiement car, à la réflexion, il semble que l’on cherche à écarter les cas d’opposition prévus par l’article 180 suscité (la perte de la lettre de change et le vol)
Mais il faut savoir que dans l’hypothèse de dépossession du titre, il y a lieu de recourir à des solutions de protection du porteur dépossédé. Ces solutions prennent en considération deux situations essentielles :
· la situation dans laquelle un exemplaire de la traite : si un exemplaire de la traite subsiste, il faut s’interroger pour savoir si cette traite était revêtue ou pas de l’acceptation du tiré. Ainsi, si la traite perdue ou volée n’était pas revêtue de la signature du tiré, le porteur qui va faire opposition entre les mains de celui-ci pourra se faire payer en présentant l’exemplaire qui subsiste. Mais si l’exemplaire perdu ou volé était revêtu d’une acceptation du tiré, le porteur, en présentant l’exemplaire qui subsiste peut se voir opposer par le tiré la règle selon laquelle le tiré n’est libéré qu’à la condition d’avoir reçu l’exemplaire accepté. Mais pour contourner ce moyen de défense du tiré, le porteur pourra être autorisé à obtenir le paiement à l’aide de l’exemplaire subsistant à condition de satisfaire à deux exigences cumulatives : d’abord, requérir du tribunal une ordonnance l’autorisant à obtenir le paiement ; ensuite fournir une caution solvable qui va s’engager au remboursement du montant de la lettre de change si le porteur était un porteur illégitime (irrégulier)
· la situation dans laquelle il y a dépossession sans qu’aucun exemplaire subsiste : en cas de dépossession en l’absence d’un exemplaire qui subsiste pour se faire payer par le tiré, le porteur doit faire opposition au tiré puis il doit adresser à son endosseur immédiatement cette opposition. L’endosseur immédiat est tenu de prêter son nom et ses soins au porteur afin d’agir envers son propre endosseur. Par cette exigence donc, il s’agit d’obliger le porteur à informer le tireur en utilisant la chaine des intervenants c.à.d. la chaine des endossements. Ainsi, le tireur qui est avisé et tenu d’émettre un autre exemplaire qui va suivre le même trajet que le précédant pour aboutir dans les mains du porteur. En définitive, le porteur aura un autre exemplaire de la traite perdue de sorte qu’il va se retrouver dans la 1ère situation (celle dans laquelle il existe un exemplaire de la traite.) cependant, le porteur, pour se faire payer, il doit satisfaire à trois conditions :
- il doit solliciter une ordonnance du tribunal
- il doit justifier par ses livres comptables qu’il était bel et bien le propriétaire de la traite. C’est une règle qui est valable pour les commerçants et non pour les non-commerçants d’où l’intervention de la jurisprudence pour aménager cette solution. A cet effet, on retient que les non-commerçants doivent prouver par écrit leur qualité de propriétaire de la traite en respectant les règles du droit civil
- il doit fournir une caution solvable qui va garantir le paiement en cas de paiement injustifié de la traite.
B- Le défaut de paiement de la lettre de change.
Cette question sera étudiée dans la section III portant sur les recours en cas de non paiement de la lettre de change.
Paragraphe III : les conséquences de l’exécution du paiement de la lettre de change.
Il ya plusieurs conséquences liées à l’exécution du paiement de la lettre de change mais deux conséquences essentielles sont à retenir.
A- Conséquences liées à l’exécution totale du paiement de la lettre de change.
L’exécution totale du paiement de la lettre de change entraine la libération du débiteur sauf si celui-ci a commis une faute simple ou une faute lourde. Le tiré qui a payé une lettre de change à l’échéance peut prouver sa libération en exigeant que ladite lettre lui soit remise avec l’acceptation du porteur mentionné sur le titre. Cependant, cette preuve de libération soulève des difficultés. En effet, il y aura des difficultés si par exemple la lettre de change acceptée reste entre les mains du porteur. En effet, dans un tel cas, la seule mention de l’acceptation n’est pas suffisante pour faire la preuve de la libération du tiré. Dès lors, celui-ci doit fournir d’autres moyens pour justifier le paiement de la traite.
Il y aura également difficulté si la lettre de change est remise au débiteur sans la mention de l’acceptation sur le titre. Mais dans ce cas précis, on peut résoudre le problème en recourant à l’application de l’article 1282 du code civil qui dispose que « la remise volontaire d’un titre ou d’un écrit fait présumer la libération du débiteur »
Mais la question qui suscite ce texte est de savoir si le principe qui y est énoncé est une présomption simple et irréfragable. En référence à la position de la jurisprudence fraçaise, il apparait que celle-ci a opté pour une présomption simple mais lorsqu’on regarde l’ensemble des décisions en la matière, il apparait que la solution reste certes incertaine en ce sens que dans d’autres cas, il a été décidé que la règle tirée de l’article 1282 du code civil énonce une présomption irréfragable.
B- Conséquences du paiement de la lettre de change liées à la vie de cette lettre.
Le paiement de la lettre de change marque naturellement la fin de sa vie. Par conséquent, les rapports cambiaires ainsi que les rapports fondamentaux qui ont préexistés sont éteints. Mais la solution ne vaut que pour le tiré-accepteur car si le paiement est effectué par une personne qui a agi à la place du tiré, il n’y aucun doute que celle-ci conserve son recours contre le tiré. En effet, il a existé le recours personnel puis le recours subrogatoire en vertu duquel le 1/3 payeur va utiliser les droits du porteur qu’il a désintéressé. De même, si le paiement est effectué par le tiré qui n’a pas reçu provision, celui-ci dispose donc d’un droit pour se faire rembourser par le tireur.
Pour conclure sur ce point, il faut retenir que le paiement du titre marque certainement la fin de son existence mais des recours sont reconnus à tous ceux qui ne sont pas satisfaits du point de vue de leurs droits. Dès lors, l’existence du titre va se prolonger momentanément au delà du paiement fait par le tiré.
Section III : les recours en cas de non paiement de la lettre de change.
Pour exercer les recours en cas de non paiement de la lettre de change, il faut obéir à des formalités obligatoires préalables.
Paragraphe I : les formalités ayant trait au protêt.
Il s’agit d’envisager les règles relatives à l’établissement du protêt puis celles relatives aux formes du protêt.
A- La nécessité de dresser un protêt.
En cas de non paiement de la lettre de change à l’échéance, le porteur est obligé de faire constater le non paiement par un acte appelé protêt qui est la constatation par un officier public, à la demande du porteur que le tiré refuse de payer le titre. On distingue deux types de protêt à savoir le protêt faute d’acceptation et le protêt faute de paiement.
Le protêt faute d’acceptation dispense d’une nouvelle présentation de la lettre de change à l’échéance et donne au porteur la possibilité d’exercer des recours anticipés contre les garants de la lettre de change. Ce protêt est facultatif.
Mais le protêt faute de paiement est obligatoire sauf dérogation légale ou conventionnelle. en la matière, il y a trois dérogations légales qui sont :
- Un évènement de force majeure qui persiste plus de 30 jours après l’échéance
- Le redressement judiciaire ou la liquidation de biens prononcée contre le tireur d’une lettre de change non acceptable ou non acceptée.
- Le redressement judiciaire ou la liquidation de biens prononcée contre le tiré.
A coté des dérogations légales, il peut y avoir des dérogations conventionnelles.
Il y a dérogation conventionnelle par exemple lorsqu’il figure sur le titre une clause de non retour sans frais ou bien une clause de retour sans protêt. C’est une mention facultative que l’on porte sur le titre et elle permet de dispenser du protêt faute d’acceptation et protêt faute de paiement. Cependant, ladite ne dispense pas le porteur de présenter la lettre de change dans les délais légaux. Si la clause de retour ou encore la clause de retour sans protêt a été inscrite par le tireur sur le titre. Elle produit ses effets à l’égard de tous les signataires dudit titre. Mais si cette clause est inscrite par un porteur ou un avaliste et elle n’a d’effet qu’à l’égard de celui-ci.
B- La forme, le délai et la publicité du protêt.
Le protêt faute de paiement est en général dressé par un acte d’huissier, acte reproduisant toutes les mentions de la lettre de change. Le protêt comprend la sommation de payer le titre et il constate les motifs du refus de payer le titre par le tiré.
Concernant le délai, il faut savoir que le protêt faute de paiement doit être dressé dans l’un des 02 jours ouvrables qui suivent l’échéance. Mais l’échéance peut être décalé à titre exceptionnel. Par conséquent l’établissement du protêt va en tenir compte. Une fois le protêt dressé, le porteur doit informer les différents signataires de la lettre de change. A cet effet, il existe donc un système d’avis et de publicité.
Le système d’avis et de publicité du protêt : d’abord le système d’avis impose au porteur de donner avis à son endosseur du refus de paiement et de la confection du protêt. Cet endosseur prévenu aura le même devoir à l’égard de son propre endosseur. De cette façon, c’est le tireur qui sera avisé en dernier ressort. Mais en plus de ces avis successifs, il faut un avis direct au tireur par le canal de l’huissier qui a confectionné le protêt.
Ensuite, il y a le système de publicité du protêt qui se traduit par le fait que l’huissier ayant confectionné le protêt, doit en remettre une copie au greffe du tribunal sous peine d’engager sa responsabilité personnelle. Le greffier qui reçoit la copie doit délivrer un récépissé à l’huissier.
En outre, au sein du tribunal, le greffier responsable des archives se chargent de centraliser toutes les copies et de tenir un état alphabétique des protêts.
Paragraphe II : l’exercice effectif de recours.
L’exercice effectif de recours renvoie à l’étude de deux questions essentielles à savoir la procédure des recours et la prescription cambiaire.
L’étude de la procédure des recours permet de distinguer le porteur négligeant d’une part et d’autre part, le porteur diligent.
Est considéré comme porteur négligeant celui qui se trouve dans les cas suivants :
- s’il n’a pas fait dresser protêt faute de paiement dans le délai légal ;
- s’il n’a pas présenté la lettre de change au paiement ou bien s’il fait présenter la lettre de change dans un délai d’un an alors qu’il s’agit d’une lettre de change payable à vue
- s’il n’a pas présenté la lettre de change au paiement alors que celle-ci contient une clause de retour sans frais ;
- s’il n’a pas fait dresser protêt faute d’acceptation alors que la lettre de change impose sa présentation à l’acceptation.
En dehors de ces cas énumérés, le porteur est considéré comme diligent et il lui est opposé une procédure qui est la suivante : il peut exercer son recours contre tous les signataires du titre en vertu de la règle de la solidarité cambiaire. Ce recours n’est ouvert qu’à partir de l’échéance de la lettre de change mais pas avant.
Cependant l’article 185 du règlement N°15 apporte un aménagement à cette règle. Cet aménagement permet qu’un recours puisse se faire avant l’échéance sur les endosseurs dans les cas suivants :
- le refus total ou partiel d’accepter la lettre de change
- dans tous les cas, deux procédures collectives contre le tiré, que celui-ci soit accepteur ou non de la lettre de change.
- Dans tous les cas, deux sessions de paiement même non constatées par un jugement
- Dans le cas d’une saisie des biens même si elle est demeurée infructueuse
- Dans le cas de procédure collective contre le tireur d’une lettre de change non acceptée ou non acceptable
Mais une question importante se pose en pratique, celle qui constate à une de demander quelle somme le porteur peut réclamer lorsque le recours a lieu avant ou après l’échéance ?La réponse à la question est que le porteur pourra réclamer le montant total ainsi que les frais du protêt et les intérêts légaux.
Une autre question est de savoir suivant quelle forme le recours du porteur sera exercé ?
À cette question, il faut répondre que le recours peut être amiable ou judiciaire.
S’il est amiable, il est donc exercé avant toute saisine du juge contre l’un des signataires du titre .Si ce signataire paye, il pourra exiger la remise de la lettre de change comportant la mention de l’acquisition, ce qui va lui permettre d’exercer également un recours contre les autres signataires du titre.
Quant au recours judiciaire, il est exercé devant le tribunal et est le plus suivant accompagné d’une demande en ouverture d’une procédure collective contre le débiteur poursuivi.
D’un point de vue technique, le recours judiciaire se fait soit par voie d’assignation soit par voie de recouvrement simplifié de créances.
· Procédure, cas du porteur négligeant :
Dans ce cas, l’article 190 dispose que : « ce porteur est déchu de ses droits contre les endosseurs et contre le tireur et les autres obligés à l’exception du tiré accepteur »
Mais notons que ce principe doit être nuancé en ce sens qu’il ne concerne que les actions cambiaires de sorte que le porteur négligeant bénéficie toujours de ses droits extra-cambiaires. En effet, l’article 190 relève deux dérogations au principe de la déchéance
Premièrement. Ce porteur conserve son recours cambiaire contre le tireur qui n’a pas fourni provision.
Deuxièmement : ce porteur ne perd pas son recours contre le tiré accepteur .Dans ce cas, il n’a pas besoin de prouver que le tiré a reçu ou n’a pas reçu de provision.
En ce qui concerne la survivance des recours extra cambiaires, le porteur malgré sa négligence, a le pouvoir d’exercer toute action découlant du rapport de droit préexistant qui a motivé l’endossement ou la remise de la lettre de change à son profit.
C- La prescription cambiaire.
Les actions cambiaires ne sont pas soumises à la prescription de droit commun. Elles sont soumises à de courtes prescriptions.
1- Les délais de prescription cambiaire
L’article 223 dispose que « les actions résultant de la lettre de change contre l’accepteur se prescrivent par 3 ans à compter de la date de l’échéance.
Les actions du porteurcontre les endosseurs et contre le tireur se prescrivent par 1 an à compter de la date de protêt dressé en temps utile ou à compter de la date de l’échéance en cas de clause de retour sans frais.
Les actions des endosseurs entre eux et contre le tireur se prescrivent par 06 mois à compter du jour où il a payé ou à compter du jour où il a été actionné. »
Notons bien que ces 03 délais concernent le droit cambiaire c.à.d. les recours fondés sur la lettre de change.
Ainsi, a coté des recours cambiaires, il peut exister des recours de droit civil prescrits sur la base du droit commun tel que des recours de l’action du porteur contre le tiré non-accepteur ‘’action de provision’’
2- La nature de la prescription cambiaire
C’est une prescription extinctive c.à.d. l’écoulement de la prescription cambiaire a un effet libératoire à l’égard du débiteur cambiaire. Cet effet libératoire est exclusivement limité aux actions cambiaires. En conséquence, les recours fondés sur les rapports fondamentaux subsistent et sont régis par le droit commun de la prescription en ce qui permet de poursuivre le débiteur alors même qu’il est libéré sur le plan cambiaire. Les autres recours qui survivent à la prescription cambiaire :
- L’action du tireur qui a fourni provision contre le tiré-accepteur ;
- L’action du tiré contre le tireur qui ne lui a pas fourni provision ;
- L’action du porteur qui a acquis la lettre de change non pas par endossement mais par une cession de créance.
Cependant, l’écoulement de prescription peut être affecté par des évènements tels que l’interruption, la suspension, l’aveu et le serment.
L’interruption est prévue par l’article 223 et a un effet purement personnel « la reconnaissance de dette expresse ou tacite par le débiteur cambiaire, le commandement de payer, la citation en justice, la production à la procédure collective ouverte contre le débiteur sont les éléments pouvant interrompre une prescription cambiaire »
Dans toutes ces hypothèses d’interruption, le délai de prescription de droit commun si le débiteur a fait l’objet d’une décision de condamnation ou s’il reconnait sa dette par un acte séparé manifestant sa volonté univoque de substituer une nouvelle dette à la dette cambiaire. On considère qu’il s’agit d’une interversion de la prescription qui se justifie par la novation opérée à l’occasion des actes interruptifs.
Concernant la suspension, l’article 223 n’en parle pas. La doctrine admet donc que la prescription cambiaire ne peut être suspendue.
Quant à l’aveu et au serment, l’article 223 in fine dispose que : « … néanmoins les prétendus débiteurs seront tenus, s’ils en sont requis, d’affirmer sous serment qu’ils ne sont pas redevables et leur(s) conjoint survivant, héritier(s) ou ayant(s) cause d’affirmer qu’ils estiment de bonne foi qu’il n’est plus rien du »
Il ressort de ce texte qu’il est possible de déférer le serment pour combattre par exemple une prescription cambiaire qui s’est écoulé au débiteur lui-même ou aux personnes citées par ledit texte.
De même, on peut soutenir que le débiteur lui-même peut prendre l’initiative d’avouer qu’il est redevable.
Un tel aveu va constituer une base suffisante pour l’obliger à payer la lettre de change.
Deuxième partie : LES INSTRUMENTS DE PAIEMENT.
Les instruments de paiement sont des instruments juridiques destinés à permettre le paiement du créancier sans manipulation de monnaie fiduciaire. En conséquence, seule circule monnaie scripturale. L’utilisation des instruments de paiement fait intervenir au moins trois (03) ou d’avantages de personnes à savoir le créancier et le débiteur puis le banquier de chacune de ces deux parties. Sans aucun doute, la réalisation du paiement par le biais des instruments de paiement n’est pas aussi parfaite que dans le cas des règlements en espèce car il y a un décalage entre le moment où le débiteur a accompli toutes les formalités en vue du paiement et le moment du paiement.
Il existe en la matière plusieurs instruments de paiement notamment le chèque, l’ordre de virement, la carte de paiement mais l’instrument de paiement le plus connu et le plus usité, c’est le chèque qui mérite que l’on s’y arrête un instant.
Chapitre I : LE CHEQUE
Le chèque est défini comme un titre par lequel une personne appelée le tireur donne l’ordre à une banque (tiré) de payer à vue, une somme d’argent au profit du porteur. La création d’un chèque nécessite au préalable un compte mais avant de délivrer un chéquier, le banquier doit procéder à des vérifications visant à annuler tout paiement de chèque sans provision.
Le règlement N° 15/2002 a prévu onze (11) chapitres comprenant les articles 43 à 180 qui traitent du régime juridique du chèque. Les différents chapitres renvoient en réalité à trois (03) questions principales qui sont : la création du chèque, la transmission du chèque et le paiement du chèque.
Section I : la création du chèque.
Les articles 46 à 61 du règlement N°15 sont relatifs à la création du chèque. Ces dispositions contiennent les conditions relatives à la création du chèque. Elles prévoient trois (03) types de conditions : les conditions préalables, les conditions de fond et les conditions de forme.
Paragraphe I : les conditions préalables
La création du chèque suppose l’existence d’un compte et la délivrance de formule de chèque au titulaire du compte.
A- L’existence d’un compte.
Il faut justifier d’abord la nécessité d’un compte ensuite préciser la nature du compte et enfin le régime juridique du compte.
1- La justification de la nécessité d’un compte.
La justification de la nécessité d’un compte se trouve dans les articles 8 et 9 de l’acte uniforme qui traite de la promotion et de l’utilisation des moyens scripturaux.
Aux termes de l’article 8, toute personne physique ou morale établie dans l’un des états membres de l’UEMOA possédant un revenu régulier a droit à l’ouverture d’un compte auprès d’une banque telle que défini par l’article 3 du règlement bancaire ou auprès des services financiers de la poste.
En cas de refus d’ouverture d’un compte opposé par 3 établissements, la banque centrale peut désigner d’office une banque qui sera tenue d’ouvrir un compte donnant droit à un service minimum.
L’article 9 du règlement N°15/2002 dispose que : « tout commerçant au sens de l’OHADA est tenu d’ouvrir un compte auprès d’un service financier de la poste ou d’une banque établie dans un Etat membre. Ce commerçant doit indiquer la domiciliation et le N° sur les factures ou autre document par lesquels il réclame paiement. »
Le même texte retient qu’en cas d’inexécution de ces obligations, les intérêts moratoires ne sont pas dus nonobstant toute mise en demeure, sommation, clause contractuelle et dispositions contraires aussi longtemps que ces obligations n’auront pas été communiquées au débiteur.
En ce qui concerne l’article 10, il affirme que l’ouverture d’un compte de dépôt donne droit à un service bancaire minimum comprenant la gestion du compte, la mise à disposition d’au moins un instrument de paiement entouré de sécurité nécessaire. L’ouverture d’un compte de dépôt donne également droit à la possibilité d’effectuer des virements à partir de ce compte, la possibilité d’effectuer des prélèvements, la réception et la remise en compensation d’opération de paiement pour le compte du client ainsi que la délivrance au client de relever des comptes trimestriels et à sa demande des relevés d’identités bancaires.
Dans son dernier alinéa, l’article 10 prévoit des conditions supplémentaires d’usage de compte ainsi que les pénalités encourues en cas de mauvaise utilisation ou de fraude commise.
2- La nature du compte.
Les exigences des articles 8, 9 et 10 en matière de chèque sont complétées par les dispositions de l’article 43 qui propose que préalablement à l’ouverture d’un compte de dépôt, le banquier doit s’assurer que certaines mesures ont été prises. Cela signifie à contrario que pour créer ou émettre un chèque, le créateur ou l’émetteur doit ouvrir ou détenir un compte de dépôt auprès d’une banque. Ceci dit, il reste à se demander ce qu’est un compte de dépôt.
Le compte de dépôt peut être défini à travers le compte bancaire qui est un document comptable destiné à constater les opérations qui s’effectuent entre une banque et son client et qui en exprime des résultats par des valeurs ou des chiffres qui sont inscrits soit au crédit ; soit au débit d’un compte.
Le débit signifie la perte tandis que le crédit signifie le gain. Ces 2 notions sont envisagées par rapport au titulaire du compte.
Partant de cette définition de base, il faut savoir que le compte de dépôt est le compte qui est destiné à enregistrer les dépôts et les retraits de fonds effectués par le client dans sa relation avec la banque.
Le compte de dépôt peut être individuel ou collectif. En effet, il est individuel lorsqu’il met le banquier en relation avec un seul client appelé le titulaire du compte. En revanche, le compte de dépôt est collectif s’il existe 2 ou plusieurs titulaires du compte teel que le compte individuel qui fonctionne en principe sous la signature de tous ses titulaires en l’occurrence le compte du de cujus qui est transféré aux héritiers.
Il y a également le compte joint. Celui-ci fonctionne sous la seule signature de l’un des titulaires. Ici, le fonctionnement peut être assorti d’une solidarité tel le compte des ménages ouvert par les époux ; ici, la signature de l’un des époux engage l’autre.
Il faut savoir que le compte de dépôt individuel ou collectif n’est pas le seul compte qui permet le création d’un chèque lorsqu’on jette un regard dans la pratique et dans le réglementation bancaire.
Certes, les dispositions du règlement N°15/2002 ne vise que le compte de dépôt pour la création d’un chèque mais le droit et la pratique bancaire montre bien qu’il est possible de créer des chèques à partir du compte courant qui est fondamentalement distinct du compte de dépôt.
En effet le compte de dépôt est perçu comme le compte bancaire du droit commun. C’est la raison pour laquelle il est spécialement visé par le règlement N°15/2002 et une particularité de ce compte est que le banquier ne doit pas payer tant que le compte est insuffisant.
Au contraire, le compte courant est un compte de nature différente. Il est généralement ouvert entre une banque et un commerçant. On le définit comme une convention par laquelle deux personnes décident de porter réciproquement en compte les opérations juridiques qu’elles font entre elles de manière à ce qu’il y ait des compensations successives et de sorte de ne procéder au règlement qu’à la clôture du compte par le paiement du solde.
Dans le compte courant, le banquier doit payer même si le compte est insuffisant.
3- Le régime juridique du compte.
Le régime juridique du compte est généralement étudié en doit bancaire où l’on distingue les règles communes à tous les comptes puis les règles spéciales à certains comptes. En cette matière, les règles communes sont celles qui s’appliquent au compte de dépôt à vue tandis que les règles spéciales concernent par exemple le compte courant. Certains comptes de dépôt spéciaux ainsi que les comptes collectifs ou les comptes fusionnés. Toutefois, qu’il s’agisse des règles communes ou des règles spéciales, elles concernent toujours l’ouverture, le fonctionnement et la clôture d’un compte.
Par ailleurs, il faut savoir que ces règles découlent pour l’essentiel d’une convention passée entre le banquier et son client : c’est la convention de compte. C’est pourquoi le régime juridique du compte est principalement une règle contractuelle.
C’est à partir de la signature de la convention de compte que le compte est ouvert ; sur cette base, l’article 43 impose certaines obligations qui sont :
- L’obligation pour le banquier de vérifier l’identité et l’adresse du demandeur sur présentation d’un document officiel en cours de validité et contenant des informations relatives à sa filiation ainsi que son adresse professionnelle et sa domiciliation ;
- Si le demandeur est une personne physique commerçante, l’obligation de fournir au banquier toutes les pièces attestant de son immatriculation au RCCM ;
- Si le demandeur est une personne morale, l’obligation pour le banquier d’exiger par exemple la production de l’original de l’expédition ou la copie certifiée conforme de tout acte ou extrait du RCCM qui atteste de sa forme juridique et de son siège social.
Le banquier doit exiger également la production des actes définissant les pouvoirs des personnes habilitées à agir en son nom. Toutes ces obligations sont les mêmes qu’il s’agisse d’un compte individuel ou d’un compte collectif.
B- La délivrance des formules de chèque au titulaire de compte.
Le titulaire d’un compte, en droit bancaire, le demandeur qui réussit à se faire ouvrir un compte s’appelle le titulaire de compte. Ainsi, à partir de la signature de la convention de compte, il pèse sur le banquier une obligation de délivrer une formule de chèque (cette obligation est contenue dans la convention)
En outre, les chèques délivrés doivent remplir certaines caractéristiques.
1- L’obligation de délivrer des formules de chèque.
L’obligation de délivrer des formules de chèque n’est pas affirmé de façon expresse dans les dispositions du règlement N°15/2002 mais elle se déduit incontestablement de la convention du compte elle-même ainsi que des articles 10, 43 et suivants du règlement N°15. Ainsi, le banquier qui ouvre un compte de chèque à un client est tenu de lui délivrer des formules de chèque c.à.d. une liasse de titre que l’on appelle chèque : ces titres etantcontenus dans un paquet que l’on appelle un chéquier. Mais avant d’exécuter cette obligation, le banquier est tenu de consulter le fichier central des incidents de paiement ; fichiers tenus par la BCEAO. La consultation de ce fichier permet de s’informer sur la situation du demandeur.
Par ailleurs, le banquier doit informer le demandeur des sanctions qu’il encourt en cas de défense de payer faite en violation de l’article 84 du règlement N°15. Il s’agit donc de sanctions encourues au cas où il effectuerait une opposition irrégulière.
Ces sanctions sont de 1à 3 ans d’emprisonnement et d’une amende de 1.000.000F à 2.500.000F. le banquier peut aussi demander à tout moment la restitution des formules d’un chèque si un motif justifie cela. En tout état de cause, le banquier doit demander la restitution des chèques dès lors que le compte est retiré à la fin de ces
2- Les caractéristiques des formules de chèque.
Le règlement N° 15/2002 soumet les formules de chèque à une normalisation et à une standardisation définie par la BCEAO. Dire que les formules de chèques sont des formules normalisées, signifie qu’elles sont créées sous la base d’un modèle arrêté par la banque centrale ainsi toutes les banques doivent respecter ce modèle qui comprend entre d’autres mentions :
- Le N° de téléphone de l’agence bancaire auprès de laquelle le chèque est payable.
- Le nom et l’adresse du titulaire du compte.
Mais au delà de la normalisation, il faut savoir que les formules de chèque ne correspondent pas au même régime.
Ainsi, il y a des formules de chèque ordinaire : celles-ci permettent le retrait de fond ainsi que le paiement des tiers.
Il y a aussi le chèque barré : dans ces formules, il y a deux barres obliques et parallèles qui sont apposées sur le chèque. Un tel chèque ne peut être payé qu’à un seul banquier dès lors que le bénéficiaire ne peut donc effectivement l’encaisser que s’il dispose lui-même d’un compte auprès d’un autre banquier.
Il y aussi d’autres formules de chèques qui permettent uniquement certains retraits de fond par le tireur auprès du tiré. Il s’agit de formules généralement utilisées lorsque le client a perdu son chéquier ou lorsqu’il est frappé d’une interdiction bancaire d’émettre un chèque.
Ces formules sont généralement gérées par le banquier lui-même de sorte que le titulaire du compte doit se déplacer à sa banque.
On rencontre aussi des formules de chèque qui sont remises au client pour une certification. Il s’agit donc de formules qui sont remises en vue de faire apposer sur le titre une formule par laquelle le banquier atteste que la provision du chèque existe de telle sorte que celle-ci est bloquée au profit du porteur.
A la lumière de toutes ces conditions préalables, on peut affirmer que le règlement N°15 a pour objet de sécuriser le chèque en tant qu’instrument de paiement crédible.
Paragraphe II : les conditions de forme.
Ces conditions consistent dans des mentions qui peuvent être apposées sur un chèque. Il en existe trois (03) types : les mentions obligatoires, les mentions interdites et les mentions facultatives.
A- Les mentions obligatoires
Il s’agit de présenter ces mentions puis de s’interroger sur les sanctions qui peuvent être appliquées lorsqu’il y a inscription ou non inscription de ces mentions.
1- Présentation des mentions obligatoires.
L’article 48 du règlement N°15/2002 dispose que : « tout chèque doit contenir 06 mentions obligatoires ci-après :
- la dénomination du titre inséré dans le texte même du titre et exprimée dans la langue employée pour la rédaction de ce titre
- le mandat pur et simple de payer une somme déterminée. Ce mandat est donné par le tireur (titulaire du compte) au tiré (banquier)
Selon les termes de l’article 48, le mandat ne peut être affecté par des conditions résolutoires ou suspensives.
De même, il ne peut être stipulé des intérêts sur le titre. La somme apportée sur le titre doit écrite à la fois en lettres et en chiffres. Mais en cas de différence entre les écrits, on considère que le chèque vaut pour la somme écrite en lettres.
Mais dans la pratique, le banquier qui se rend compte d’une telle contradiction va demander au porteur de se faire émettre un autre chèque.
- Le nom de celui qui doit payer c.à.d. le tiré. Le tiré, c’est aux termes de l’article du règlement N°15
Qu’il s’agit du siège social de la banque ou de toutes les agences de la même banque disséminés sur le territoire national.
- L’indication du lieu où doit s’effectuer le paiement : il s’agit de l’agence bancaire qui a été choisi à toutes les formules de chèque qui seront émises.
- L’indication de la date et du lieu où le chèque est créé. L’indication de la date permet d’apprécier d’une part la capacité ou les pouvoirs de celui qui a signé le chèque et d’autre part, elle permet de déterminer le point de départ du délai de la présentation du chèque au paiement. Quant à l’indication du lieu de création, elle a un double intérêt.
D’abord, elle permet de déterminer la loi applicable au chèque lorsque celui-ci a été émis dans le cadre de l’exercice du commerce international. Ensuite, l’indication du lieu de création permet de déterminer les délais de présentation au paiement.
- La signature manuscrite de celui qui émet le chèque (le tireur). L’article 48 est précis sur cette mention dans la mesure où il ne fait pas allusion à l’identité du tireur mais bien que l’identité du tireur ne soit pas juridiquement une mention obligatoire, elle apparait tout de même sur le titre puisque par rapport à l’exigence de la normalisation des formules de chèque, l’article 44 du règlement N°15/2002 impose que le nom et l’adresse du titulaire figure sur le chèque.
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